Quinze minutes de méditation sexuelle par jour, ça vous changerait la vie. Enquête à San Francisco.
De notre envoyé spécial Cédric Godart.
Le bâtiment donne sur Market Street, à mi-chemin entre le centre nerveux de la ville et les belles maisons victoriennes. Celles qu’on voit dans les films et qu’occupe maintenant la génération tech. Mais dans l’immeuble où est installé OneTaste, l’association vouée au plaisir féminin, l’ambiance est plus post-industrielle et la première volée d’escaliers presque inquiétante. Qui vais-je rencontrer dans ce lieu dédié à l’orgasme ? Une secte de pervers ? Des bourgeoises qui s’ennuient ? Un groupe déjà soudé dont je me ferai éjecter ?
Tout est bien plus fluide que prévu et tout va très vite. Ici, on décline son identité, on vient pour TurnON, c’est par ici, au fond du grand couloir. Quelques bureaux semblent occupés pour des consultations. Dans une petite salle, on vous propose un verre d’eau, on vous rassure si nécessaire. Vous ne savez pas très bien ce que vous êtes venu chercher, mais ceux qui sont là ont un air banal – la banalité est rassurante.
TurnON est le premier contact soft avec la méditation orgasmique, OM pour les intimes. Cette réunion hebdomadaire se tient à 20 h, le mercredi. Une trentaine de personnes se pressent, s’acquittant du modeste droit d’entrée : 10 dollars, soit 8,5 euros.
Mon regard est partout à la fois. Des femmes, des hommes, des couples. La plupart se connaissent. Certains sont amis. Je suis un nouveau venu. On me repère. Le mot est donné : ne laisser personne sur le bord de la route.
Deux coaches – une femme, un homme – animent la soirée. Assis sur une chaise haute, ils annoncent la couleur : des questions seront posées, la prise de parole accordée à tous, à tour de rôle. On se présente en confiant aux autres un secret. Quelques secondes par personne seulement, impossible de réfléchir vraiment. On ne rit pas. On ne commente pas. On écoute. On se connecte aux autres sans jugement ni a priori. Ils ont 25, 35, 45, 60 ans. Sont venus chercher des amis. N’ont personne à qui parler. Celle-là n’a jamais connu l’orgasme. Un homme a tout perdu (sa femme, son argent). Parfois, on rougit. On se sent traversé par une vague de chaleur. Comme une attirance de nature sexuelle, mais qui est peut-être juste de l’ordre de l’inconfort face à l’impudeur. L’exercice le plus percutant ? On est seul, assis sur une chaise, face aux autres, sous le feu des questions, rapides, dynamiques, tous sujets confondus. On a pris la parole en public pour dire sa vérité.
À ceux qui veulent aller plus loin, l’association propose d’autres activités, du coaching, des thérapies et des ateliers de méditation orgasmique. Cela se déroule notamment sous forme de workshop du samedi, qui se termine par une initiation de quinze minutes à l’OM. Il me faut être honnête, je n’ai pas franchi ce pas… à ce jour.