Les deux réalisateurs du film belge “Black” nous ont accordé une petite interview à l’occasion de la sortie du film en salle.

Vous étiez étudiants quand vous avez commencé à travailler sur le film. Comment fait-on un film comme celui là quand on est encore à l’école, quel est votre parcours?

On a étudié le cinéma parce qu’on est fan de Scorsese et Spike Lee et qu’on voulait faire des films comme eux. On a lu les livres Black et Back de Dirk Bracke sur lesquels se basent le film et pour nous il était évident qu’il fallait faire une adaptation cinématographique et en faire notre Scorsese, notre Spike Lee, notre La Haine. On a envoyé un mail à l’auteur en lui disant “salut nous sommes des étudiants en cinéma et un jour on va faire un film basé sur ton livre”, il a répondu: “trop tard quelqu’un travaille déjà dessus”. Et nous à ce moment là on redoublait notre première, donc c’était niqué… Mais on n’a pas lâché ! On a contacté le réalisateur, le scénariste, on a continué à bosser sur des courts-métrages, et on a demandé si on pouvait juste participer au film. Mais dans notre tête on voulait piquer le projet. On a commencé à gagner des prix avec nos courts-métrages. Et finalement le réalisateur nous a fait un cadeau fabuleux en nous confiant la réalisation. Il a vu à quel point ce projet nous tenait à cœur.

Cela nous a pris presque 7 ans pour arriver à ce résultat, car il a fallu qu’on obtienne notre diplôme (à Sint Lucas ndlr), qu’on négocie, qu’on s’améliore…

Les acteurs du films ont été pour la plupart castés dans la rue ou via les réseaux sociaux, c’était risqué? 

C’était une nécessité de travailler comme cela car le cinéma belge est blanc. Il n’y a pas de diversité, il a donc fallu qu’on aille chercher les acteurs dans la rue, les écoles secondaires, etc. Dans les écoles d’acteurs ou les bureaux de castings classiques il n’y avait pas ce que l’on recherchait.  Mais il faut dire que nous avions déjà travaillé de la sorte pour nos courts-métrages, notre expérience nous a donc aidés. Mais on recherchait aussi un naturel, une spontanéïté, une authenticité. Il fallait que les acteurs comprennent le langage et l’univers du film, la psycho des personnages et c’est le cas des personnes avec qui nous avons travaillés.

Bilal Fallah et Adil El Arbi

Bilall Fallah et Adil El Arbi

Comment fait-on pour exprimer le point de vue d’une fille quand on est deux mecs?

Dans notre premier long métrage Images, nous racontions déjà une histoire à travers les yeux d’une femme car on trouve que c’est plus intéressant de créer des personnages qui sont loin de nous. On veut explorer un point de vue féminin dans un monde masculin. Cela rend le film plus riche et plus original. Les films de gangs sont toujours raconté du point de vue masculin, la femme n’y tient souvent qu’un rôle de figurante et c’est aussi ce qui nous a attiré dans le livre: le personnage principal est féminin. Ce n’est pas un “Roméo & Juliette du ghetto”, c’est Juliette dans les quartiers. On voulait montrer les conséquences de cette culture machiste pour une fille.

L’auteur du livre a rencontré la vraie Mavela, le livre raconte donc aussi l’histoire d’un point de vue féminin. C’est elle qui raconte, ce sont ses pensées. Cela nous a donc aidé pour l’écriture du scénario, ensuite on a parlé avec beaucoup de filles connectées avec les bandes urbaines, et finalement, Martha, l’actrice qui joue le rôle de Mavela nous a beaucoup aidés car elle connaissait parfaitement le personnage. On ne saît rien des femmes, on fait confiance à nos actrices et il y a également beaucoup de femmes dans l’équipe qui nous aident et nous conseillent.

Votre film est décrit comme ultra-violent, comme un film américain: reflète-t-il la réalité de la ville ?

C’est un film d’action, c’est sans doute pour cela qu’on nous targue de faire du cinéma “américain”. Souvent l’action est violente, mais les États Unis ne sont pas le seul endroit au monde ou il y a de la violence ! Et puis quand on fait un film sur les bandes urbaines on est obligé de montrer cette violence, elle est réelle, elle existe. Et surtout nous ne voulions pas l’édulcorer pour que les jeunes en sortant de la salle de cinéma se disent: “c’est trop cool d’être dans une bande…” On voulait montrer l’horreur des bandes urbaines. Peut être que quand on voit un film américain violent, ça passe mieux parce que c’est loin de chez nous, alors que là, c’est peut être trop proche. Ça choque.

On ne parle pas ou très peu de cette violence car les victimes des bandes urbaines en sont les membres. Ce sont des délinquants et des voyous qui se tuent et se battent entre eux, tout le monde s’en fout, c’est pour ça que cette violence est méconnue et que les gens sont étonnés de découvrir que cela se passe vraiment à Bruxelles.

Mais il n’y a pas que la violence. C’est une histoire d’amour, un thème Shakespearien universel. Les deux protagonistes veulent sortir de la bande, ils ont une intention positive. C’est aussi pour cela que le film a plu à Hollywood. Deux personnes qui veulent être heureuses, mais qui, à cause du monde qui les entoure, n’y arrivent pas.

Pourquoi Bruxelles?

On voulait faire comme Scorsese et Spike Lee avec New-York. Dans leurs films, la ville est un personnage à part entière. On a filmé Bruxelles comme elle n’a jamais été filmée. Bruxelles est une ville déglinguée, mais très riche visuellement. Et puis quand on n’a pas beaucoup de thunes, il suffit de poser sa caméra dans une rue et de filmer. Il se passe déjà quelque chose.

Un conseil à des jeunes réalisateurs ?

Celui qui réussit, c’est celui qui tient bon.

Le film est sorti ce 10 novembre.

www.black-themovie.com