safia

Nous avons rencontré la réalisatrice belge dont le film, “Le Djihad des Mères” est diffusé le 7 janvier à 20h35 sur La Deux.

Durant deux ans, Safia Kessas et son équipe du magazine “Tout ça” (RTBF) ont suivi l’évolution d’un groupe de mères (et de pères aussi) concerné(e)s par les départs de leurs enfants en Syrie. “Le Djihad des Mères” dévoile le combat et le deuil de ces familles aux origines et aux histoires diverses.

Qu‘est-ce qui t’a amené à réaliser un film sur les mères de ces jeunes djihadistes ?

En 2012, j’ai réalisé deux films sur des jeunes néosalafistes à Anvers, j’étais très intriguée par ces mouvements qui, à l’époque, suscitaient d’avantage le sourire que la crainte et j’étais sidérée par le fait que des jeunes nés en Belgique se revendiquent d’un Islam aussi rigoriste, et le prônent dans des espaces publics. A ce moment-là, je ne savais pas encore que je m’intéressais à la porte d’entrée pour la Syrie… Jusqu’à ce que le premier parent belge confronté au départ et à la mort de son enfant en Syrie prenne contact avec moi parce qu’il avait envie de témoigner. J’ai ensuite travaillé trois ans sur le “Djihad des Mères”.

C’est donc les parents d’un de ces djihadistes qui vous a contacté ?

Oui, c’est un père de famille qui est venu vers moi et m’a présentée à Véronique, l’une des mères du films. Leur fils se connaissent très bien car ils sont partis en Syrie ensemble, et c’est fils de Véronique, encore vivant, qui a enterré celui de Olivier, décédé là-bas. Véronique sera ensuite la porte d’entrée vers les autres mamans.

Les mamans de djihadistes étaient déjà organisées en association à l’époque ?

Non, quand j’ai commencé, il s’agissait de deux ou trois parents qui avaient besoin de se soutenir mutuellement parce qu’ils se sentaient livrés à eux-mêmes après le départ de leur enfant. La plupart d’entre eux n’avaient pas même décelé les signes avant-coureurs de la radicalisation. Ils se retrouvent alors face à des tas de question et ne peuvent compter sur aucun soutien pour trouver des réponses. A l’époque, en 2013, on ne connait encore rien de ce phénomène de djihad en Syrie et on ne mesure pas l’ampleur qu’il prendra. Ces mamans se sont retrouvées livrées à elles-mêmes et au fure et à mesure des mois et des années, leur groupe s’est grandi comme la liste des parents s’allongeait. Elles ont continué à s’organiser pour se soutenir mutuellement et devenir des acteurs dans la prévention du radicalisme.

Les mamans que vous filmez ont perdu un enfant et elles veulent absolument éviter que cela n’arrive à d’autres, c’est ça le “djihad des mères” ?

Oui, ces mères vivent non seulement le deuil d’un enfant mais elles ressentent aussi le besoin de réparer quelque chose, de prévenir que d’autres familles ne vivent la même souffrance. Souvent, elles-mêmes n’avaient pas vu leur enfant se radicaliser et une fois qu’il est parti, elles n’ont personne à qui s’en remettre. Elles veulent à tout prix éviter que cela n’arrive aux autres. D’un côté, elles se soutiennent et de l’autre, elles sont hyper actives, cherchent des subsides pour faire de la prévention et de la sensibilisation, organisent des réunions, alors qu’elles n’ont pas forcément les reins pour le faire…

Propos recueillis par Louise Culot.