La cyberdépendance, effet de mode ou vrai problème ? Comment savoir si on en souffre ?
Les réponses.
« Quand je me lève la nuit pour aller faire pipi, je me connecte via mon smartphone. J’ai toujours peur de louper un événement. » Le cas de Mary, 25 ans, est-il extrême ?
Selon Mélanie Saeremans, psychologue à la Clinique du jeu et autres addictions comportementales du CHU Brugmann*, il n’existe pas de consensus médical sur la définition de l’addiction au web. Seules constantes : « On retiendra le terme ‘‘cyber’’ lorsqu’il s’agit d’un problème lié aux différents usages possibles d’internet comme les achats en ligne, les jeux vidéo, les réseaux sociaux. Il s’agit d’‘‘addiction’’ si la personne souffre de deux symptômes : la tolérance (c’est-à-dire l’augmentation de la fréquence) et le sevrage (manifestations physiques liées à l’arrêt). »
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Quels sont les symptômes ?
Les adultes compulsifs consultent internet pendant 4 h 55 par jour, les autres pendant 4 h 08. Mais ce n’est pas tellement le temps passé sur internet qui compte. « Si l’on passe toute une journée à surfer parce que dehors il pleut ou que l’on s’ennuie, on ne peut pas parler d’addiction. Il faut voir si la pratique est intense, envahissante et problématique par rapport à d’autres occupations », explique Mélanie Saeremans.
En revanche, si votre meilleure amie arrête du jour au lendemain ses cours de yoga et rechigne à sortir de chez elle, c’est un signal d’alerte. « Le vrai cyber-addict va vouloir augmenter la fréquence jusqu’à atteindre l’état émotionnel que lui procure internet. Il a du mal à s’arrêter et, parfois, présente des symptômes physiques : nervosité, sudation, petits tremblements, irritabilité. »
Les conséquences peuvent être dévastatrices : dépression, manque de confiance en soi, sentiment de solitude… « Internet est souvent considéré comme un refuge pour échapper aux problèmes quotidiens, poursuit Omar Rosas. On a remarqué que l’usage compulsif du net était souvent lié à des problèmes familiaux (divorce, recomposition de famille…) ou à des difficultés professionnelles. »
Qui est alors le responsable ? Le web ou la situation ? Ce qui est sûr, c’est qu’un mauvais sommeil, des maux de tête et de dos, une fatigue visuelle et des kilos gagnés à ne pas bouger, ça n’arrange rien.
Qui sont les personnes à risques ?
Vous et moi. Et avant tout les personnes fragiles. Le Dr Laurent Karila, auteur du livre « Accro ! », précise : « On parle d’équation à quatre inconnues : l’individu (psychologie), la génétique, l’environnement et le neurobiologique. Il faut que toutes les variables soient problématiques pour qu’il y ait risque de dépendance. »
Dans son livre, il raconte l’expérience de Sandra, érotomane, dont l’accès à internet va décupler le délire. « Il en va de même pour les acheteurs compulsifs, les sexaholics, les hypocondriaques, les joueurs, dont les excès sont amplifiés par le web. » Heureusement, quand ces addictions se manifestent sur les réseaux sociaux, elles peuvent mettre en alerte l’entourage. « Par exemple, les suicidaires qui postent leur désir de mort sur leur statut Facebook. La communauté a un rôle à jouer. »
Comment s’en sortir ?
Sans arrêter totalement d’utiliser internet, comment contrôler son usage ? « Il arrive qu’un cyber-addict se soigne seul, par exemple lorsque l’addiction est liée à une circonstance précise comme la perte d’un emploi. Dans ce cas, le fait de retravailler peut naturellement désamorcer la dépendance », explique Mélanie Saeremans.
Cependant, dans la plupart des cas, il est préférable de faire appel à un psy. L’idée : faire un travail sur soi mais également sur son organisation quotidienne. Noter noir sur blanc les mauvaises conséquences de l’addiction, en face des objectifs sympas : renouer avec son chéri, retrouver un job, sourire à la vie…
First step : diminuer la tentation en retirant l’ordinateur de la chambre. S’obliger à faire des pauses, planifier des activités de remplacement. Christelle, 42 ans, se connecte par exemple juste avant de réaliser une activité qu’elle adore, « comme la poursuite de mon livre à un moment crucial. Ça ne marcherait pas si je devais faire la vaisselle juste après ! » Pour éviter de se perdre sur les réseaux sociaux, on définit avant de se connecter quelles sont les tâches prioritaires : remise d’un rapport pour le travail, lecture de l’actualité, etc.
On peut aussi mettre un réveil, histoire de fixer des limites. Ou alors, comme Mélanie, 36 ans : « Plus radical, le contrôle parental, mais pour adulte ! On empêche l’accès aux sites à risques comme ceux de poker. Mon mari a été bien étonné, d’ailleurs ! » Finalement, il faut réussir à s’accorder des activités à soi, des moments de plaisir.
Il serait peut-être temps de se remettre au yoga ?
Les astuces des filles de la rédac
Nina, 29 ans. « Quand je veux passer une journée déconnectée, je laisse intentionnellement mon smartphone à la maison avant de partir au boulot. Si on essaie de me joindre, “Pas de chance, je l’ai oublié”. » #dérapagecontrôlé
Béa, 49 ans. « En vacances, je laisse mon smartphone dans ma chambre d’hôtel. Loin de la piscine. » #amouràdistance
Le test
Le test a été mis au point par la psychologue américaine Kimberly Young, il permet de diagnostiquer la cyberdépendance.
Pour chaque question, indiquez le nombre de points qui correspond le mieux à votre choix : 0 : jamais. 1 : rarement. 2 : de temps en temps. 3 : fréquemment. 4 : souvent. 5 : toujours.
_ Restez-vous en ligne plus longtemps que vous n’en aviez l’intention au départ ?
_ Négligez-vous les tâches ménagères pour passer plus
de temps en ligne ?
_ Préférez-vous l’excitation d’internet à l’intimité avec
votre partenaire ?
_ Avez-vous créé de nouvelles relations avec d’autres utilisateurs
en ligne ?
_ Des personnes se sont-elles plaintes de la quantité de temps
que vous passez en ligne ?
_ Votre travail ou vos études ont-ils été altérés à cause du temps passé en ligne ?
_ Vérifiez-vous votre e-mail avant de faire autre chose
que vous aviez prévu de faire ?
_ Votre productivité au travail est-elle altérée à cause d’internet ?
_ Vous mettez-vous sur la défensive ou vous faites-vous discret lorsque quelqu’un vous demande ce que vous faites en ligne ?
_ Avez-vous écarté des pensées troublantes au sujet de votre vie grâce à des pensées apaisantes d’internet ?
_ Avez-vous anticipé le moment où vous vous connecteriez ?
_ Pensez-vous qu’une vie sans internet serait ennuyeuse,
vide et sans joie ?
_ Frappez-vous du poing sur la table, criez-vous ou vous sentez-vous ennuyé si quelqu’un vous dérange quand vous êtes en ligne ?
_ Perdez-vous le sommeil à cause de connexions tardives ?
_ Vous sentez-vous préoccupé par internet lorsque vous n’êtes pas connecté ?
_ Vous arrive-t-il de dire « juste quelques minutes de plus » lorsque vous êtes en ligne ?
_ Avez-vous essayé de réduire la quantité de temps que vous passez en ligne sans y parvenir ?
_ Avez-vous essayé de cacher le temps passé en ligne ?
_ Choisissez-vous de passer plus de temps en ligne au lieu
de sortir avec des proches ?
_ Vous sentez-vous déprimé, morose, nerveux lorsque vous n’êtes pas connecté, et cela disparaît-il lorsque vous êtes de retour sur le web ?
Résultats:
Entre 0 et 30 points. Vous n’avez pas de problème.
Entre 31 et 49 points. Vous passez du temps sur internet mais vous gardez le contrôle. Attention aux abus, il existe un risque !
Entre 50 et 79 points. Vous expérimentez des problèmes occasionnels ou fréquents dus à internet. Vous devriez considérer le fait que cela pourrait avoir un impact sur votre vie.
Entre 80 et 100 points. Internet vous cause des problèmes significatifs au quotidien. Consultez un spécialiste !
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