Assita Kanko, la rebelle
Elle est née au Burkina Fasso et vit aujourd’hui en Belgique. Conseillère communale à Ixelles, elle a raconte son engagement dans deux livres, « L’autre moitié, Plaidoyer pour un nouveau féminisme » (Lannoo) et « Parce que tu es une fille » (Renaissance du Livre).
« Je me suis toujours considérée comme féministe, j’étais même féministe avant de connaître le terme ! Enfant, je me révoltais contre l’ordre établi. Chez moi, au Burkina, les petits garçons avaient des droits que les filles n’avaient pas et, surtout, ils échappaient à la corvée d’eau. Les petites filles et les femmes passaient plusieurs heures de la journée à aller remplir leur seau d’eau au puits. Pendant ce temps-là, les hommes jouaient au foot. On lavait les vêtements pendant qu’ils prenaient leur douche. Retour à la corvée d’eau.
Etait-ce possible de supporter cette injustice pendant toute une vie, comme le faisaient ma mère et mes tantes ? Se rebeller, c’était une question de bon sens ! Ensuite, j’ai vécu l’excision. Je ne comprenais pas pourquoi les personnes devaient être traitées différemment en fonction de leur genre. Quand je suis arrivée en Europe, j’étais très enthousiaste. L’inégalité est beaucoup plus flagrante dans les endroits très pauvres, où les femmes subissent des violences corporelles ou sont privées des droits fondamentaux. Ici, on peut travailler en jeans, marcher la tête haute, être très libre… En apparence, en tout cas. Cela m’a fascinée au début.
Puis, en grattant un peu, je me suis rendu compte que c’était un vernis, que la violence conjugale se déroulait à huis clos, que la majorité des viols n’aboutissaient pas à une condamnation, que la discrimination à l’embauche existait, que beaucoup de femmes occupaient les emplois les plus précaires… Ça a été la déception. D’autant plus qu’une femme qui se dresse contre le sexisme est ici souvent perçue comme une capricieuse. Donc on est dominée dans un tas de domaines, et on n’a pas le droit de le dénoncer ? La double arnaque ! Pour moi, la féminité n’a jamais été incompatible avec une conscience féministe. Après avoir subi l’excision et tout le reste, j’ai décidé que personne ne pourrait plus jamais m’en priver, et encore moins sous prétexte que je sois féministe. »