Cet été, vous avez signé pour la location en famille dans un charmant village en pleine nature. Voici comment gérer votre dragonne de daronne et tous les autres.
Chaque année, près d’un demi-million de Français (et combien de Belges ? ) rempilent chez papa-maman pour des raisons financières ou désastro-matrimoniales. C’est en y pensant que le réalisateur Éric Lavaine a construit l’intrigue de son nouveau film, « Retour chez ma mère »*. Une mère bienveillante et envahissante (Josiane Balasko) accueille sa fille quadra, pleine de bonne volonté et pétrie de profil bas (Alexandra Lamy). Ajoutons une fratrie qui en profite pour régler de vieux comptes, Francis Cabrel à plein tube à longueur de journée, des malentendus et des sous-entendus, des radiateurs bloqués sur 5 et une fracture technologique entre les générations, vous obtenez… une poudrière entre une fille et sa mère.
Vous, sans en être là, vous avez accepté de passer des vacances en famille, donc avec votre maman et, à juste titre, vous commencez à flipper. Voici comment gérer cette situation hautement inflammable.
- Ce que vous dites de votre mère
« C’est une femme extraordinaire. » C’est-à-dire qui sort de l’ordinaire. En somme, complètement anormale. Pénible, parfois. Elle est complètement barrée. Insupportable, insoumise, insubordonnée. Donc tellement libre, formidable. Extraordinaire, quoi.
- Ce que votre mère dit de vous
« Elle est si sage et courageuse. Elle me ressemble beaucoup. Bon, elle a quelques travers qu’elle tient de son père, son caractère, notamment. » En société, elle n’est que compliments à votre égard. En privé, c’est complètement hagard. Heureusement que vous avez chopé quelques-uns de ses traits caractéristiques, sinon elle vous aurait abandonnée sur une aire d’autoroute aux alentours de vos 17 ans. Maintenant que vous marquez toutes les deux les pattes d’oie aux mêmes endroits, elle vous tolère. Elle trouve que vous tenez d’elle, enfin. Elle ignore, bien sûr, qu’à son nom, vous avez associé sur votre téléphone la sonnerie des « Dents de la mère ». La mer, pardon.
- Comment aborder ces vacances ?
Vous savez chacune que l’autre ne changera plus. Vous prenez le parti de la tolérance et de l’eau dans le vin pour diluer vos menues exaspérations. Vous savez, à l’image d’Alexandra Lamy dans le film, qu’une adresse internet, ça peut servir. Votre mère prétend, comme Josiane Balasko, mémérisée mais touchante, que les jeux de société remplacent avantageusement les réseaux sociaux. D’ailleurs, votre mère en a rempli une valise entière, mais a oublié (exprès) de vérifier s’il y a le wi-fi au fin fond de l’Ardenne. On appelle ça le fossé des générations, ou des retrouvailles forcées bien orchestrées.
- Et si c’était vous, la matriarche ?
Depuis des années, non seulement vous portez le chapeau pour tous les échecs et les complaintes de vos rejetons mais, en plus, vous devez faire le casque bleu au milieu de la fratrie. Ce qui vous fait beaucoup sur le crâne. Vos enfants, du landau au verre de Bordeaux en trop, ce sont ces individus qui ont passé toute leur vie à vous demander de leur donner raison face au reste de la nichée, mais qui vous critiquent d’une seule voix dès que vous bougez une oreille. Et leurs enfantillages, vous en avez ras la casquette. Dites-le leur fermement, avec toute l’assertivité dont vous êtes capable : ils ne sont plus des gosses, qu’ils se débrouillent. Puis servez le goûter.
- Testez l’effet cage de faraday…
Techniquement, c’est une boîte métallique qui protège des nuisances électriques et électromagnétiques. En pratique, cet été à Quiberon ou à Ostende, ce sera votre voiture. Ne venez pas en train. Ne voyagez pas en avion. Prenez votre caisse. Et enfermez-vous à l’intérieur quand la tension commence à monter. Voire, partez en virée toute la journée. Tenter de raisonner votre beau-frère qui sait très bien comment régler la question des migrants parce que s’il était au pouvoir, « on verrait ce qu’on verrait » ? Vous faire des cheveux gris par-dessus vos mèches peroxydées à débattre des futures élections américaines avec la femme qui vous a mise au monde après cinquante-sept heures de travail sans péridurale pour la traiter de « vieille facho décérébrée» ? C’est vain, et c’est vilain. Conduisez-vous comme un homme : barrez-vous.
- … Mais évitez le syndrome "role modeling"
C’est ce qu’on transmet dans 80 % de notre enseignement à nos enfants, pas en leur faisant la morale mais par notre comportement, qu’ils intègrent inconsciemment comme la façon la plus évidente de faire les choses. Que vous soyez mère ou fille, voire les deux pour plus de croustillant entre les couches, gardez bien à l’esprit qu’on a à peu près les enfants qu’on mérite. Et que chaque fois que vous envisagez à haute voix la possibilité d’envoyer votre maman moisir dans un home sans climatisation parce qu’elle a acheté du Coca normal et pas light, votre gamine de cinq ans n’en perd pas une miette.
- Relativisez
Que votre mère vous accueille à nouveau dans un nid – qu’il soit loué pour la semaine à Ibiza ou que ce soit la maison dans laquelle elle est née alors qu’Elvis ne bougeait pas encore du pelvis –, c’est gentil de sa part. Il y a une part de contrôle, un brin de possessivité, sans doute. Mais ce n’est pas un dû. Vos frères et sœurs sont peut-être aussi casse-bonbons qu’en colo, mais leur sang coule dans vos veines. Et parfois un peu sur vos talons aiguilles, mais ça, c’est quand ils ont exagéré… Relativisez, c’est les vacances. Embrassez-vous, puis débarrassez-vous. Après une immersion en famille, plus on est loin des yeux, plus on y met du cœur. Jusqu’à la prochaine fois.
6 conseils pour réussir sa cohabitation avec maman
Vous devez retourner vivre momentanément dans le cocon familial ? Voici les bons réflexes qui sauvent.
> Adoptez une attitude respectueuse. Même si les manies de votre mère vous ré-énervent prodigieusement, même si vous ne supportez pas qu’elle vous appelle « mon lapin rose », prenez sur vous et souriez. Avant, cette maison, c’était chez vous. Maintenant, c’est chez elle.
> Répondez-lui gentiment quand elle vous appelle pour savoir si vous rentrez dîner ce soir. Elle a repris ses habitudes, soit, mais changez les vôtres.
> Faites-lui plaisir. Participez à sa soirée bridge ou à son marathon « Derrick », ses copines ont peut-être un neveu (ou une nièce) à votre goût.
Évitez…
> De prendre la maison pour un hôtel. Ce que les parents détestent le plus, c’est de se taper une deuxième crise d’adolescence de la part d’un adulte qui se conduit comme quand il avait 16 ans, style je sors sans prévenir, je rentre quand je veux, je refuse de rendre des comptes. Une fois, ça passe à peu près, deux fois, ça casse.
> De ramener votre coup d’un soir à la maison. ça n’amusera pas plus qu’il y a vingt ans (sauf s’il a un papa riche et célibataire).
Merci à Charlotte Ledent, psychothérapeute et sexologue - charlotte.ledent@hotmail.com.