Marine Serre - Photo Etienne Tordoir - Catwalk Pictures

Marine Serre – Photo Etienne Tordoir – Catwalk Pictures

Les 5èmes années sont tous sortis diplômés. Prêts à partir à l’assaut du marché de la création, désireux d’intégrer l’une de ces grandes maisons dans lesquelles ils ont fait leurs stages – 5 a priori – ou rêvant de marquer de leur patte singulière l’histoire d’une autre encore, sur un autre continent peut-être. Ils ambitionnent de fonder leur marque, vont tenter des concours internationaux (le Festival d’Hyères, notamment). Tout leur est ouvert, voici ce qu’ils ont imaginé comme carte de visite, à glisser dans l’entrebaillement des portes des studios qui les ont fait rêver jusqu’à les mener au pied du catwalk des Halles de Schaerbeek, sans dormir des nuits entières, à bosser comme des passionnés :

Pour Alexandra Paty, la mode est liée à une forme d’art contemporain. Il a mixé les influences de divers plasticiens, invoqué les codes des années 20 avec franges et paillettes, fourrures et chaos organisé, pour inventer une collection qui rassemble son idée de l’art, quand il devient un cost’art.

Alexandre Paty Photo Etienne Tordoir - Catwalk Pictures

Alexandre Paty – Photo Etienne Tordoir – Catwalk Pictures

Anna Tanaka a décliné sa collection masculine sur l’histoire d’un atelier. Les blouses d’artistes sont patchworkées, les vestes barbouillées. C’est l’esprit “work in progress”, à suivre (et en passant on pique l’idée des Converses sans languettes).

Anna Tanaka Photo Etienne Tordoir - Catwalk Pictures

Anna Tanaka – Photo Etienne Tordoir – Catwalk Pictures

Pour sa collection masculine (que d’hommes, cette année), Benjamin Monein a dépiauté le mythe de la star qui tente de passer incognito tout en se faisant remarquer le plus possible. La chanson qui a accompagné ses mois de réflexion : “le Chanteur”, de Balavoine. Des pièces pour le jour et le soir, avec un travail intéressant sur les accessoires (sacs à dos poupées gonflables), et lunettes de soleil entièrement démontables, dans un packaging plat déjà bien élaboré. Sous les capuches, on ne peut pas s’empêcher de penser aux héros de Star Wars, même si on a zappé les 18 derniers épisodes de la saga. Les vestes sont démantibulées, les manteaux asymétriques, les santiags sont customisées en baskets (à moins que ça ne soit le contraire). Avec ses différents niveaux de culture et de lecture, souhaitons-lui que partout dans la rue, on ne parle que de lui.

Benjamin Monein Photo Etienne Tordoir - Catwalk Pictures

Benjamin Monein – Photo Etienne Tordoir – Catwalk Pictures

Comme certains font de la musique de chambre, Charlotte Mounzer a fait une collection d’alcôve tout en voiles et transparences, fondée sur la symbolique de la main : celle qui lisse le drap, qui tapote les oreillers, qui caresse, qui…

Charlotte Mounzer Photo Etienne Tordoir - Catwalk Pictures

Charlotte Mounzer – Photo Etienne Tordoir – Catwalk Pictures

Julian Klausner a vêtu la showgirl qui retourne dans sa loge. Il y a là un peu de mélancolie, vite balayée par la cascade de sequins. Ses cuissardes – qui tiennent avec des porte-jarretelles – sont proprement hallucinantes. Ses danseuses qui regagnent leur pénates sont déjà en peignoir, et encore en robe de scène. Une collection romantique et burlesque, qu’on portrait tous les jours, avec panache et sans faire de scène.

 

Mariam Mazmishvili a monté toutes ses pièces à la main, a passé les rubans dans les dentelles, pour sa collection fondée sur l’idée d’une “femme vase”, avec des lignes de corps primitives. Elle a confronté des pièces à effet minéral (idée de la pierre grise et des teintes froides) avec des découpes et des broderies naïves à grosses fleurs. Ses empiècement racontent la nécessité de réparer ce qui peut l’être, en mettant en valeur le raccord qui redonne une vie. Mention spéciale pour les lunettes de soleil fun et fleuries. Ethique, esthétique.

Mariam Mazmishvili Photo Etienne Tordoir - Catwalk Pictures

Mariam Mazmishvili – Photo Etienne Tordoir – Catwalk Pictures

Marine Serre. Le Prix ELLE X La Cambre d’une part, mais surtout, une collection magnifiquement aboutie. Elle raconte l’histoire d’une fille dont les racines sont au Maghreb, et les branches dans une ville, une cité, ou la rue près de chez vous. Elle aime les logos, le sien est un croissant de lune. Son voile, c’est une longue frange de chaînettes. Les jupes bouffantes, les chemises cintrées aux manchettes volantées, sont un hommage aux princesses arabes du 19ème siècle. Ses catsuits, ses tops à basques, ses bijoux de têtes mixés avec du sportswear, sont une oeillade aux petites reines urbaines d’aujourd’hui. Elles ont fière allure, elles s’amusent avec le rebranding, elles sont modernes. Demna Gvsasalia, Directeur Artistique de VETEMENTS et de Balenciaga a dit d’elle lors du jury : “elle est prête”. On le pense aussi.