C'était à Park Spoor Noord, le nouvel espace urbain branché à Anvers. Un lieu prophétique de la culture mode qui naît ici : vaste, un peu underground, ouvert et populaire.
Le cursus en stylisme à l'Académie Royale des beaux Arts d'Anvers dure 4 ans, sous la houlette de Walter Van Beirendonck, qui gère également sa maison éponyme, et multiplie les collaborations avec des marques grand public (JBC avec ZulupaPUWA, Ikéa...) C'est emblématique d'une philosophie de l'élitisme pour tout le monde.
Quand ces étudiants sortiront de l'école, ils seront courtisés par les plus grands studios de création. Cet esprit anversois qui a évolué depuis son émergence au début des années 80, ils l'essaimerons vers une mode que nous aimerons.
1ères années : "Experiment"
Des constructions, des mantras. Dès le début de leur apprentissage, les futurs designers produisent déjà des collections abouties, qui développent toutes les techniques d'embellissement.
2èmes années
On est touché par le culot des recherches, et déjà, après seulement 2 années d'études, la portabilité des collections, dont certaines pourraient être commercialisées telles quelles. Les matières, les volumes rappellent qu'on est encore en phase d'expérimentation, tandis que les accessoires sont déjà particulièrement au point. Les bijoux muselières de perles, les casques de motos avec oreilles de chat, le mix SM/masques mexicains, renforcent la cohérence des univers de chaque élève, lors de passages spectaculaires. La musique live, le choeur Scala, parachève l'heureuse dramaturgie du moment.
Dans la multitudes des collections unisexe, on resoulève la question du "no gender", la tendance massive de la culture à venir. C'est l'autre axe frappant de ce show : l'avènement de l'Homme, dans son acception mode.
3ème année
On poursuit la réflexion sur les ornements de tête, et on l'attention est catchée par les messages militants, "talk free", "Future is female"... C'est l'année de l'extravagance, des logos détournés, et du décalage avec des passages de dressings ambulants.
4ème année
Une maturité, et des identités affirmées. Chacun des 6 étudiants désormais diplômés et prêts à influencer la mode de demain signe une collection forte de son esthétique propre :
Pour Charlotte de Geyter Pittoors, c'est la chemise dévoyée. Réinterprétée, ou déclinée en plastron.
Pour Emmanuel A. Ryngaert, les vêtements s'articulent comme des Meccano. Les empiècements sont subtiles, les silhouettes interchangeables et mixables.
Pour Jannike Sommar, on n'est pas des bagnards de la mode, puisque avec humour, elle en développe les clichés, libérant peu à peu ses silhouettes vers des formes et des couleurs qui se jouent avec humour des normes.
Jennifer Dols et ses satyres à fourrures, silhouettes quasi mythologiques, à cornes et multiformes.
Timo Zundörf avec ses samouraïs de l'ambivalence, aux peignoirs évanescents.
Et puis, Shone Puipia.
Thaïlandais de Bangkok, il est venu à Anvers directement après le lycée. Il a 22 ans. Avec cette collection remarquée, il a voulu désinhiber une part intime de la féminité. Ces pièces racontent une histoire, celle de la transformation de pures "schoolgirls" en "partygirls".
L'élément de son travail qui faisait parler après le show ? Ses bottes. Des santiags revisitées, pour marquer le contraste entre les silhouettes virginales et la libération de l'excentricité. Ces boots de cowboy, hyper féminisées, créent un clash, et se réfèrent au virage d'une civilisation.
Shone ambitionne de monter un jour sa propre maison mais pour l'instant, il a encore besoin et envie de se former auprès de grands studios. Il veut rester en Europe. Rêve de Dries Van Noten et de Margiela. On rêve de ses bottes. Longtemps après que les derniers confettis soient retombées.
Comme chaque année, les passages des costumes ethniques et historiques, exercices imposés pour donner de la perspective, constituaient des "entractes" intéressants, drôles et émouvants.
Le premier magazine de l'Académie d'Anvers : MIRROR MIRROR ON THE WALL
C'est plutôt un beau livre, en réalité. Dont la couverture reflète comme un miroir les intentions de qui l'ouvre.
Dirigé par Walter Van Beirendonck, une équipe d'icônes de la mode contribuent à cet objet de mode littéraire de 176 pages. Un collector, déjà. Pour 15€.
On peut y lire des interviews exclusives, y découvrir des images des collections réalisées par des pointures de la photographie contemporaine, Ronald Stoops, Pierre Debusschere et Bruna Kazinoti.
Plus d'infos, ici.
Cette année, Catwalk Pictures remettait un Prix de 1500€ à un(e) étudiant(e).
La lauréate est Nahee An, de 2ème année, qui gagne une journée de shooting et de post-production pour son book.