Des films X pas sexistes, ça vous parle ? Petit tour d’horizon d’une pornographie alternative qui excite les femmes comme les hommes.
« Le sexe peut être absolument magnifique et passionné, pourquoi le réduire à un acte purement mécanique ? », questionne Lucie Blush. Cette Française de 28 ans, expatriée à Berlin, réalise des films pornographiques. Et elle se dit féministe. L’association peut paraître improbable à première vue (on imagine déjà certaines grincer des dents). Ce genre cinématographique existe pourtant depuis les années 80 aux états-Unis et la demande serait de plus en plus grande. Mais à quoi correspond un film X féministe ? Peut-être bien à ces critères : le plaisir féminin y a toute son importance, par exemple, et le rapport hommes/femmes est moins stéréotypé.
« Les personnages féminins sont actifs, prennent le contrôle de leur sexualité, n’ont pas honte de prendre du plaisir ou d’exprimer ce qu’ils désirent. C’est quelque chose que l’on ne voit pratiquement jamais dans le porno mainstream », explique Lucie Blush. Après une rupture amoureuse, complexée par son corps et sa sexualité, elle commence un blog sur le sujet et finit par réaliser ses propres films. Ils sont aujourd’hui disponibles sur son site, Luciemakesporn. La jeune femme a commencé sa carrière chez l’une des pionnières du genre, Erika Lust. Réalisatrice, productrice et scénariste, cette Suédoise diplômée en sciences politiques s’est lancée dans le porno féministe il y a déjà plus de dix ans. Elle vit aujourd’hui à Barcelone et est devenue LA référence mondiale.
Ses films visent simplement à présenter les femmes et les hommes comme des êtres humains égaux, qui ont les mêmes droits en termes de satisfaction sexuelle, de désir et de plaisir. « Le sexe, ce n’est pas quelque chose qu’un homme inflige à une femme, c’est un acte que l’on réalise à deux, précise Erika Lust. Beaucoup de films porno sont misogynes et ils en sont fiers ! Les actrices sont insultées, humiliées et cela apparaît comme la norme. Il est tout à fait possible de faire un film sexuellement explicite où les femmes sont présentées comme des êtres humains qui méritent d’être traités avec respect. Même quand elles sont nues. »
La réalisatrice en est persuadée, la pornographie et le féminisme ne sont pas incompatibles : « Certains estiment que les films X sont intrinsèquement sexistes. Je pense que les femmes n’iront nulle part si elles ne sont pas autorisées à créer leurs propres histoires à propos du sexe. Elles doivent pouvoir s’exprimer dans tous les domaines. J’ai la ferme conviction que le sexe est une partie saine et naturelle de la vie et que nous devons créer du contenu érotique qui reflète cela. » Cet avis est généralement partagé par celles que l’on nomme les « féministes pro-sexe ». Selon Erika Lust, les films pour adultes peuvent même servir de moyens d’éducation pour les jeunes (et les moins jeunes). Le consentement, le port du préservatif, la confiance mutuelle et le plaisir partagé sont alors mis en avant.
« La pornographie féministe a le mérite d’exister mais je ne dirais quand même pas qu’elle est révolutionnaire », nuance Catherine Wallemacq, la coordinatrice de Sophia, le réseau belge des études de genre. « Elle ne doit pas se substituer aux cours d’éducation sexuelle. Le travail pour comprendre la construction de la masculinité et de la féminité (et la hiérarchie implicite entre les deux), les représentations du genre et de la sexualité et les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes, c’est un travail de longue haleine qui concerne tous les pans de la société. » Les réalisateurs de porno féministe ne sont pas tous des Bisounours mais ils accordent généralement une importance particulière à l’éthique et au safe sex.
De bonnes conditions de tournage sont essentielles. Les acteurs sont respectés et payés équitablement. Du sexe fairtrade ! Leur ressenti est également pris en considération. Avant de se lancer, ils discutent souvent de leurs envies et de leurs limites, par exemple. Leurs désirs et leurs fantasmes peuvent même être utilisés pour rendre une scène plus réaliste. Dans l’imaginaire collectif, une actrice porno, c’est une bombe à forte poitrine qui s’épile intégralement. Et ses fesses musclées à grands renforts de sessions d’aquabiking sont souvent enviées. Si les actrices ne ressemblent pas toutes à ça dans les films X « classiques », le porno féministe met un point d’honneur à célébrer la diversité.
La suite dans le magazine d'août, en kiosques.
Crédit photos: Irene Moray, Chio Lunaire, Adriana Eskenazi