On la trouvait discrète. La ministre fédérale du Budget est passionnée, pétillante et surtout bosseuse. Rencontre au cabinet.
Aujourd’hui, tout le monde fait le pont, même la clim’. Mais pas Sophie Wilmès. Nous rencontrons la ministre fédérale du Budget lors d’une chaude journée d’été, lendemain de la fête nationale. Direction Bruxelles centre, le rendez - vous est fixé à son bureau, dans la Finance Tower. Il n’y a pas un chat et pourtant les souris ne dansent pas, elles bossent. Sophie Wilmès a troqué ses escarpins pour des Converse, aujourd’hui, c’est casual Friday. dans son skinny à imprimé camouflage, elle a ( presque ) l’air d’une ado. Mais du genre qui saurait ce qu’elle veut…
Elle a grandi à Grez - Doiceau, étudié à Bruxelles. obtenu son diplôme en communication à l’IHECS. Mais, elle l’avoue elle - même, n’est pas très à l’aise avec la presse. C’est sans doute pour ça que, malgré sa fonction de Ministre fédérale, on ne la connaît pas encore vraiment.
Un ex-étudiante en commu aux manettes du Budget, comment est-ce possible ? Son premier job, à la Commission européenne et dans un département finances, lui font découvrir le plaisir des chiffres. Elle rempile et s’inscrit à Saint- Louis en cours du soir pour aprofondir la gestion financière. C’est aussi un peu par hasard qu’elle entre en politique. « Ce n’était pas mon choix de départ, je n’ai jamais eu de plan de vie très défini. Mais lorsque quelque chose me passionne, j’y vais à fond. Je suis devenue conseillère communale (MR) à Uccle parce que je voulais soutenir la candidature d’Eric André comme bourgmestre. J’ai été inspirée par un projet, par une personnalité. J’étais en bas de la liste mais, contre toute attente, j’ai été élue »,.
Avant de devenir ministre du Budget, elle occupe, entre autres, les fonctions de première échevine de Rhode - Saint - Genèse et de députée fédérale. La quarantenaire opte alors pour la Commission des Finances et Budget, un choix de coeur : « Le budget fédéral, ce n’est pas une compétence facile mais aucune ne l’est. L’argent manque, il faut gérer les exigences de la Commission européenne, dégager des moyens pour l’asile, la lutte contre le terrorisme. C’est une matière transversale qui touche à l’ensemble de la mécanique gouvernementale. C’est très technique mais ça ne me rebute pas, au contraire. Il faut penser en même temps à l’assainissement du budget et à la relance économique par l’emploi et le pouvoir d’achat. Ces objectifs ne vont pas automatiquement ensemble, c’est passionnant. »
Ses yeux brillent quand elle nous confie qu’elle peut travailler sans compter lorsqu’un projet l’anime. Et en pratique, ça donne quoi ? Certaines semaines, elle part à 7 h, revient à 23 et un week - end de libre équivaut à minimum six heures de boulot. « Mais ce n’est pas une punition pour moi », ajoute - t - elle en souriant. Déjà, lorsqu’elle est amenée à siéger à la Commission Finance et Budget du Parlement, les candidats ne se bousculaient pas au portillon…
Pourtant, lorsqu’elle accède au ministère, à 41 ans, Sophie Wilmès est directement présentée par les médias comme « l’épouse de » et « la mère de ». « C’est vrai, ça m’a frappée », confie - t - elle. La politicienne est mariée à un Australien et a quatre enfants. A la maison, on parle français et anglais, et l’école, c’est en néerlandais ! Si elle avoue que ce n’est pas forcément évident de concilier vie pro et vie privée, elle relativise souvent : « Quand c’est difficile, je rappelle à mes trois filles et à mon fils qu’il y a beaucoup de mamans qui doivent se séparer de leurs enfants, partent tôt ou rentrent tard du boulot. Elles n’ont pas toutes la chance d’avoir un métier passionnant et bien rémunéré. C’est important de s’épanouir professionnellement, c’est un enseignement que j’ai envie de transmettre. »
Lors de sa première interview en tant que ministre fédérale, un journaliste lui tend le micro en lui demandant : « Une femme au budget ? » Sophie Wilmès lui répond par une autre question : « Et alors ? » « Je n’analyse pas mes échecs ou mes réussites à travers ce prisme. Je ne me suis jamais dit que j’avais décroché une place, ou que je ne l’avais pas obtenue, parce que je suis une femme », décrypte - t - elle. « Lorsque l’on regarde les chiffres, on constate objectivement que les femmes sont parfois discriminées au travail. Mais personnellement, je n’en ai jamais souffert et je n’ai pas non plus eu de traitement de faveur. »
Si elle explique que le fait d’être une femme n’influence pas son travail en tant que ministre du Budget, elle confie être particulièrement sensible à certains projets lorsqu’elle alloue des subsides de la Loterie nationale. Comme celui de trois nouveaux centres multidisciplinaires pour les victimes de violences sexuelles par exemple1. Un défi de plus pour la ministre qui vit déjà à cent à l’heure. Mais ça ne lui fait pas peur. Elle déborde d’énergie et pour se relaxer, c’est plutôt dîner entre copines que cours de yoga. « Ca me ferait du bien mais rien que d’y penser, ça m’énerve », glisse - t - elle en riant. « Je ne tiendrais pas en place ! »
1Le projet Sexual Assault Referral Centres prévoit la création de trois centres - pilotes (à Bruxelles, en Wallonie et en Flandre) en 2017.
Béa Ercolini et Laurence Donis