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L’une de ces nouvelles femmes au foyer – appelons-la Louise – avait d’excellentes raisons de faire une pause-carrière : son aînée a eu des problèmes de santé et le médecin avait recommandé qu’elle reste à la maison. Mais Louise n’a pas pu se résoudre à la confier à une nounou toute la journée.

Louise avait une autre obsession : elle avait mal vécu le divorce de ses parents. Sa mère s’était retrouvée pratiquement sans ressources (et sans droit au chômage). Trouver du boulot ? Impossible : avoir été femme au foyer trop longtemps vous ferme la porte au moindre emploi. Pour Louise, il était donc hors de question de vivre aux crochets de son époux. Elle s’est donc lancée dans la maternité au foyer à full time, et ça lui a plu. « Avant d’être maman, je n’avais jamais pensé être femme au foyer », confie-t-elle. « Mais j’avoue que ma relation avec les enfants est nettement meilleure aujourd’hui : je ne reviens pas stressée du boulot. » Élever les enfants à la maison n’est pourtant pas de tout repos : « C’est beaucoup plus fatigant que le travail de bureau. Les pauses, c’est jamais ou presque. Mais c’est beaucoup moins stressant ! »

Si Louise a pu gérer le présent en préservant son avenir, beaucoup d’autres foncent tête baissée et vivent au jour le jour. Sans se soucier de ce qui pourrait arriver si leur couple périclitait brusquement. Pourtant, après plusieurs années d’absence sur le marché du travail, leurs chances de trouver un emploi diminuent sévèrement. Les statistiques le montrent, une séparation est plus que plausible : deux mariages sur trois finissent par un divorce en Belgique. Bon à savoir si, naïves, on pense amour-toujours. Comment, en restant à la maison et au ménage, sans sécurité à long terme, une femme aura-t-elle les moyens de s’en aller si c’est nécessaire ? Alors que le conjoint, lui, poursuit sa carrière, et a l’argent qui permet tout. Sauf une chose, toutefois : offrir à sa conjointe un statut social. Alors, elle va « pointer ».

De quoi choquer celui ou celle qui s’est un jour retrouvée au chômage sans autres ressources. L’État est plus ou moins fauché et les allocations devraient être réservées à ceux qui en ont vraiment besoin, se dit-on. Mais étrangement, la nouvelle femme au foyer n’a pas vraiment le choix : elle doit chômer. Sinon, elle perd ses droits à la sécurité sociale.

Sur le site femmesetfoyer.be, une étudiante, Sarah Luc, constate : « Aujourd’hui, juridiquement parlant, une femme au foyer n’est rien. Elle n’a pas de rémunération ni de sécurité sociale personnelle et, fiscalement, elle est considérée comme une personne à charge. N’étant pas demandeuse d’emploi, elle ne bénéficie d’aucune aide si elle décide d’en retrouver un » (sauf après 40 ans).

Pas pour elle, le Plan Activa qui inciterait un patron à l’employer, l’accès aux formations gratuites ou même aux haltes-garderies où la chômeuse, elle, dépose son petit le temps de se présenter pour un job. Rien de tout cela pour la «femme rentrante», comme on l’appelle parfois, qui – c’est Sarah Luc qui le dit encore – « dépend entièrement de son conjoint ».

L’allocation de chômage est donc la manière la plus pratique (et la plus rentable) de régler l’absence de statut pour les nouvelles femmes au foyer qui ont travaillé. Alors, certaines de ces jeunes mères au conjoint plutôt à l’aise trouvent dans cet argent tombé du ciel l’illusion d’une sorte d’indépendance. L’une d’elles (qui a depuis repris le travail) – appelons-la Edwige – explique : « Mon mari ne me donnait pas d’argent pour mes loisirs. Il payait tout dans la maison, pour les enfants, etc. Mais quand je voulais une robe, m’offrir un massage ou un cinéma, c’était avec mon argent. » Autrement dit, avec ses allocations de chômage.

Et lorsqu’on demande à Edwige si ça l’a gênée de toucher de l’argent de l’État alors que le père de ses enfants est franchement friqué, elle répond que pas du tout, « dans notre couple, il y a son argent et mon argent ». Edwige rappelle qu’elle a travaillé, et donc cotisé pendant des années. Et elle a repris le travail après s’être occupée de ses enfants at home pendant deux ans. Alors, quand même, elle « y a droit », dit-elle. Elle précise qu’elle a repris le boulot « non pas parce que je n’aimais pas être femme au foyer – au contraire, j’ai adoré ça – mais parce que je ne supportais plus le regard des autres. Ne pas travailler, ce n’est pas du tout accepté socialement aujourd’hui. Surtout quand on a fait des études. Quand je disais à des amies que je ne travaillais pas, il y avait une espèce de blanc, un regard un peu bizarre, et ça me dérangeait. »