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Le challenge semaine ultraproductive de Laurence Donis journaliste société

« Mais pourquoi tu t’infliges ça ? » Cette question, je l’ai entendue en boucle lorsque j’ai expliqué que j’allais me lever en même temps que le soleil pendant une semaine. Dimanche soir, peu avant minuit, je règle mon réveil à 5 h 30 pour le lendemain. L’enthousiasme des débuts me gagne, mais je me demande aussi si je ne suis pas un peu maso. Non, je ne fais pas partie du cercle privilégié des lève-tôt (qui ressemblent en plus à Gisèle Bündchen après six heures de sommeil). Je suis plutôt comme le commun des mortels : le bouton snooze m’attire tel un sac de créateur en soldes. Et pourtant, la perspective d’avoir deux heures rien que pour moi avant de commencer le travail est exaltante. Débuter la journée dans le calme, sans se presser et sans stresser, procure une vraie sensation de liberté et de plénitude. C’est ce que j’ai ressenti le premier matin. Et étonnamment, la fatigue n’a pas trop pointé le bout de son nez.

Hal Elrod conseille à ses lecteurs de pratiquer quelques minutes de méditation en sortant du lit. ça tombe bien, à 5 h 30, le silence règne chez moi. Et dans une coloc’ de sept, c’est plutôt rare. Je ne suis pas une habituée de la position du lotus, alors je télécharge deux applis : Headspace et Calm. Les guides parfaits pour débutants. Les adeptes du « Miracle Morning » prennent aussi dix minutes tous les matins pour écrire. On note ses pensées du moment, ses objectifs à accomplir, une citation inspirante, etc. Je décide de coucher sur papier une série de petites choses pour lesquelles je suis reconnaissante. Un vrai shoot de bonne humeur ! Il est six heures et je continue à me faire plaisir, je marche d’un pas décidé vers la boulangerie. Ah non, c’est fermé, en fait. Je reviens une heure plus tard, je suis la première cliente et les croissants sont encore chauds. Bonheur. Je termine ma pré-matinée par un bain, j’ai l’impression de voler un « supplément de vie » et d’avoir découvert un secret bien gardé.

Mais mon enthousiasme se calme dès le premier soir. Il n’y a pas de miracle, mes yeux se ferment à 21 h 30 et je sens que ma vie sociale va en prendre un coup. La fatigue s’accumule et le réveil est de plus en plus difficile au fil de la semaine. Pour rester motivée, je décide de planifier des activités. Je constate directement que Bruxelles n’est pas vraiment une ville « early risers friendly ». Comme les Londoniens, j’aurais bien fait la fête avant d’aller bosser, mais après un premier essai à Namur en 2015, le concept n’a pas pris chez nous. Des conférences pour lève-tôt, baptisées « Creative Mornings », sont aussi organisées au Beursschouwburg, mais elles finissent à 9 h. Un peu tard pour les working girls. Il reste le marché matinal, que j’ai toujours eu envie de tester, et les cours de sport. Le premier débute à 7 h 30.

Et à part ça ? J’ai enfin le temps de lire un roman, j’admire ma tarte au citron home made et je rattrape mon retard de séries au lit. J’ai l’impression de faire l’école buissonnière et c’est plutôt agréable. Petit conseil : aux aurores, évitez « Grey’s Anatomy » et ses scènes de chirurgie sans anesthésie…

La semaine se termine et le bilan est mitigé. Oui, mes journées ont été super productives, mais je ne sais pas si je serais capable de tenir ce rythme longtemps et je ne suis pas prête à sacrifier mes soirées. Et puis, il faut avouer que j’ai choisi la bonne saison : l’été. Se lever à 5 h 30 en hiver, c’est tout de suite moins fun. Plutôt que de programmer mon réveil deux heures plus tôt, je me contenterai d’une demi-heure supplémentaire. Trente délicieuses minutes qui n’appartiennent qu’à moi. À savourer quotidiennement pour rester sereine et attaquer la journée du bon pied. Comme le disait si bien Fabrice Emaer, propriétaire du club mythique Le Palace dans les années 80, « le futur appartient à ceux qui se lèvent tôt, le présent à ceux qui se lèvent tard ».