A la suite des 4 grandes fashion weeks, le Québec présentait ses jeunes espoirs fin octobre à Montréal. Ecoles et designers émergeants à l'enthousiasme contagieux, ils dressent le portrait de la mode québécoise de demain.
Montréal passe souvent pour la petite soeur de New York, rien qu'architecturalement. Pas sûr que le compliment l'emballe toujours, d'autant que Montréal a ses propres atouts, notamment un savoir-faire de tailoring historique : ici sont fabriqués les 2/3 des costumes et sous-vêtements griffés Calvin Klein, Ralph Lauren, Tommy Hilfiger. Entre autres. Il existe à Montréal une tradition manufactorière qui mérite d'être explorée et exportée.
Fashion Preview, c'est chaque saison trois jours de défilés et de présentations de collections, pour découvrir les talents de demain et comprendre, à travers leur travail, la culture, les enjeux et l'esthétique de la jeunesse montréalaise.
Contrairement à Paris, Londres, Milan ou New York, qui fondent leurs identités créatives singulières sur une recherche d'avant-garde et de design sur un langage de mode affûté qui dépasse ses propres propositions chaque saison, Fashion Preview dévoile du pratique, du confortable, du transversal. Avec une démarche de rationalisation de l'impact écologique appuyé, notamment. Une belle énergie, l'enthousiasme d'une nouvelle génération de créateurs, pour servir un style mixant deux cultures, une certaine épure européenne, et dans une certaine mesure, les ornements et les couleurs chers à un éclat anglo-saxon.
Daniel Beaudet a étudié à l'Académie d'Anvers pendant 3 ans, puis il a effectué un stage chez Dries Van Noten. Avec sa marque anagramme Leinad Beaudet, il crée désormais une mode 100% made in Montréal (enfin "faite à Montréal", vous voyez le contexte), en imaginant pour chaque silhouette une histoire : "je pars d'un patron, puis j'exagère. Je pose des coutures où elles ne devraient pas être". Fabricant d'inattendu, Daniel Beaudet cultive la douceur des contrastes :
Chez Naïke, avec deux lignes masculine et féminine, on vise l'élégance sporty avec des matières techniques agréables et fluides :
Chez DUY, on cultive un luxe "tous terrains", les belles matières et les finitions soignées :
Yoga Jeans, ce sont des jeans hyper souples et écolos, modernes et sexy, créés par une entreprise artisanale réputée auprès des fashionistas québécoises pour leurs coupes flatteuses et leur confort inégalable. D'ailleurs sur le podium, des mannequins ont pédalé tout le temps du défilé, le sourire aux lèvres (c'est dire) :
Le Collège Lasalle, école de mode la plus prestigieuse du Québec qui a formé les meilleurs talents de la région, a présenté des travaux d'élèves fondés sur le recyclage de chemises, pour attirer l'attention sur les 25% de vêtements produits par le mass market, qui ne seront ni vendus, ni portés. Catastrophe écologique, symboliquement prise en considération par cette nouvelle génération impliquée :
Fashion Preview a également mis en avant des maisons installées, à l'instar de Marie Saint Pierre, référence de la Couture et du prêt-à-porter de luxe au Canada : depuis 30 ans, la créatrice Québécoise la plus reconnue à l'international joue avec les matières, sculpte des collections esthétiques et fonctionnelles. Elle conçoit ses modèles sur mannequins (vivants), a développé à Montréal le luxe expérimental. "Je recherche sans relâche l'innovation, j'explore la possibilité de réinventer le rythme traditionnel des saisons en mode. Le calendrier de production n'est plus adapté à la réalité du marché." Adepte du mouvement, attentive au tombé des étoffes, elle invente des coupes à vif, ses lignes classiques dévoyées et réinterprétées en tissus techniques forts. Marie Saint Pierre revisite le haut de gamme pour en faire du "cocktail-sportif", c'est malin, adapté aux nouveaux codes de la féminité. Elle superpose subtilement les épaisseurs, influencée par les Ecoles belges et japonaises. Issue du milieu des arts, Marie parle un langage de mode qui pourrait être familier aux Anversois...
Denis Gagnon est une référence dans la mode Québécoise. Il a transmis son savoir-faire à toute une génération de jeunes designers, et c'est le "punk" du métier. Non pas dans les coupes, mais dans sa façon de gérer sa maison. Son style, son identité, ses règles. C'est moderne, séduisant, osé. Et finalement dans les lignes, très européen.
Trois créatifs belges étaient également invités à l'événement, pour partager leur savoir-faire :
Charlotte Thys et ses mailles :
L'Antichambre, avec ses parfums sur mesure :
Et Le Bijou Créa la Femme, et ses parures sculptures...
La prochaine édition de Fashion Preview aura lieu en mars 2017, et on a tout intérêt à lever les yeux vers le Nord : au Québec la nouvelle génération, main dans la main avec les maisons installées, est prête à assurer l'avenir.