Innovant depuis 40 ans, le créateur poète s’active sur les réseaux sociaux, s’insurge, et réfléchit à l’avenir de la mode.

Andy Warhol-Les Contemporains- campagne Iceberg par Olivier Tuscani

Andy Warhol – Les Contemporains – campagne Iceberg par Olivier Tuscani

Depuis le milieu des années 90, il plante des dessins dans la ville, comme des graines de liberté. Des images poétiques, visages naïfs, déployant parfois leurs ailes d’angelots bienveillants quoique circonspects sur le monde, porteurs à l’occasion d’un message d’actualité. Au milieu des graffitis criards qui souvent dégradent, les esquisses à la craie de Jean-Charles allègent les pesanteurs urbaines, et mystérieusement, résistent au temps.

Chapeau Lego. Photo par Jean-Charles de Castelbajac

Chapeau Lego. Photo par Jean-Charles de Castelbajac

Pourquoi composez vous cette volière de dessins sur tous les murs que vous croisez, dans toutes les villes que vous visitez ?

« Parce que ça fait plaisir aux gens, tout simplement ». À Bruxelles, vous en trouverez partout, de la gare du Midi à l’Abbaye de La Cambre. Jean-Charles De Castelbajac, grand voyageur, aime beaucoup Bruxelles, et se sent des affinités avec de nombreux créatifs belges : « j’admire beaucoup l’œuvre de Walter Van Beirendonck. Nous avons des destins parallèles. Tous les deux, nous avons connu des creux, et nous avons rebondi. » Lui-même poète surréaliste à sa façon, il embrasse la force du langage dadaïste, « parce qu’il est universel ».

Avec près de 50 années de carrière explorative et expérimentale en perspective, Jean-Charles sort aujourd’hui un livre rétrospectif des images fortes de sa carrière, de fait intimement mêlés à sa vie. « Il y a quelques saisons, quand j’ai arrêté de défiler, j’ai vu mon univers qui continuait de vivre chez les gens : des capes à frange, des mots imprimés, des motifs géométriques de couleur. Je ressens toujours ce désir de rencontres, de partage, de mettre mes certitudes en danger en me confrontant aux meilleurs. »

Jean Charles de CastelBajac au V&A à Londres le 31 janvier 2006, en compagnie de Vivienne Westwood. © Luc Castel.

Jean Charles de CastelBajac au V&A à Londres le 31 janvier 2006, en compagnie de Vivienne Westwood © Luc Castel.

Cet ouvrage, inspirant, nous rappelle que dans toute modernité, particulièrement dans la mode, il y a des précédents révolutionnaires en leur temps, mais très près de nous, pourvu que l’on ait un peu de mémoire. Jean-Charles De Castelbajac se charge de la rafraîchir, et nous donne matière à rêve et à réflexion.

L’opus, pas passéiste pour un sou, dévoile des collections devenues intemporelles, comme le pull Snoopy, qui fête son 37e anniversaire, et qui a depuis été mille fois reproduit et interprété : « probablement parce que c’est un bon compagnon de route. »

PE84. Photo par Jean-Charles De Castelbajac (Entre nous, Moschino, bonjour !)

PE84. Photo par Jean-Charles De Castelbajac (entre nous, Moschino, bonjour !)

Est ce que le « copié » ne bénéficie pas autant de la copie que le copieur ?

« Je suis un enfant de l’appropriation : moi-même, je me suis nourri du travail de Mondrian, de Courrèges, de Raoul Dufy. Ils ont été des méta-convergents. Moi, je suis une éponge, à un aimant. Il est légitime qu’il existe une filiation de mon travail. Mais le souci, ça n’est pas l’inspiration, c’est le pillage sans interprétation. J’accepte d’inspirer, mais pas d’être piraté. »

Quand on est arrivé au bout d’une danse, comment invente-t-on un nouveau rythme ?

« J’ai ouvert une agence de direction artistique de mes fils. Je peins. J’expose. Je reviens à mes premières amours. Je viens aussi de créer des stickers pour Lime (réseau social ultra populaire en Asie) qui ont été téléchargés presque 300.000 fois en 48 heures ! »

À 67 ans, JCDC reste en première ligne sur la brèche du Nouveau Monde.

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Offrez-vous cet ouvrage indispensable destiné à la jeunesse, pas bien cher (79 €) au regard de ce que c’est une encyclopédie de la mode, et lourd de culture (2 kg), chez Yellow Korner.

“Aujourd’hui, l’une des composantes essentielles du succès, c’est de savoir se vendre. Ça explique une partie de ma survie. Et aussi, d’être capable de regarder le monde tel qu’il est.”