Rencontre sur tous les tons avec Peter Philips, directeur artistique du maquillage Dior.

Texte: Laurence Descamps, photos: Richard Burbridge et Mark Segal pour Parfums Christian Dior.

Il a pris les rênes de la création du maquillage Dior au printemps 2014. Troisième « maître en couleurs » de la maison, après Serge Lutens et Tyen, il nous parle de sa passion pour le maquillage, au moment où sort un livre qui retrace les années de prouesses chromatiques de la maison de l’avenue Montaigne*.

Comment imaginez-vous les collections de maquillage Dior ?

Je ne dicte pas les tendances. Je veux avant tout séduire les femmes. Je suis à l’écoute de tout ce qui peut les intéresser, les séduire ou susciter l’envie chez elles. Je le fais  avec respect pour les femmes, qui vont regarder mes créations et, peut-être, les acheter et les porter.

Votre travail est à cheval entre l’art et le commercial. Comment conciliez-vous ces deux aspects ?

Le maquillage touche quelque chose de très intime et un succès commercial me permet de savoir que je suis dans la bonne direction. Quand les créations que j’ai imaginées sont des succès commerciaux, ça veut dire que les femmes ont été séduites par telle teinte, telle texture, et qu’elles l’ont achetée et portée. Mais j’aime aussi pousser un peu plus loin la créativité. Et j’ai parfois d’étonnantes surprises, comme lors du lancement de Rouge Dior. J’ai créé une gamme de trente-cinq teintes. La plupart d’entre elles sont très respectueuses de la beauté naturelle et classique. Il y a des rouges, des roses, des corail, dans toutes les nuances et tous les effets,  du satiné au mat. Et à côté, il y a des couleurs extrêmement audacieuses. Elles représentent l’approche catwalk, des tendances très fortes. Mais elles ont inspiré les femmes et nombre d’entre elles les ont glissées dans leur trousse de maquillage. La teinte grise, inattendue, est sold out !

Quelles sont vos couleurs préférées ?

ça dépend de mon humeur, de la journée. Là, j’adore le rouge, parce que je vous vois avec du rouge à lèvres. Mais en fait, j’aime toutes les teintes. Le nude comme le bleu. J’ai le même plaisir à mettre en valeur une beauté naturelle qu’à créer un maquillage plus extravagant.

Quelles sont vos relations avec les laboratoires ?

Je ne suis pas chimiste, et j’aime le côté un peu naïf que ça me donne. Je ne me limite pas en me disant que ça ne sera pas réalisable. Je m’adresse avec le point de vue du créateur et du maquilleur aux personnes qui travaillent
dans les labos : je leur explique pourquoi, dans une palette de cinq couleurs, il faut qu’il y ait des teintes
mates, d’autres satinées et d’autres encore presque blanches. Je leur fais aussi envisager le point de vue des femmes  du monde entier qui vont utiliser ces palettes. Une Asiatique n’a pas besoin de paillettes mais elle doit pouvoir jouer avec les volumes. Une femme dont les yeux sont profonds a quant à elle besoin de lumière pour qu’ils ressortent.

Il y a des contraintes qui limitent votre créativité ? 

Certains composants, certains pigments ne peuvent plus être utilisés, parce qu’ils ne sont plus autorisés par la législation. Mais, un jour, les labos trouveront d’autres solutions. C’est un challenge passionnant pour eux !
Quelques conseils pour les lectrices ?

En maquillage, on peut faire des erreurs mais la bonne nouvelle, c’est qu’on peut toujours corriger !  La chose la plus importante, c’est d’aimer le maquillage, de s’aimer soi-même et de prendre le temps. Je comprends que ça ne soit pas toujours possible le matin, mais on peut être très joliment maquillée en cinq minutes, même dans la  voiture. Ce qui compte, c’est de se regarder et de se dire qu’on veut se mettre en valeur. Se maquiller ne doit surtout pas devenir un automatisme, c’est un moment précieux, un moment à soi. L’astuce, c’est de trouver avant tout les produits qui conviennent vraiment : le bon fond de teint, le bon mascara, le bon rouge à lèvres, et à partir de là, de mettre en place un rituel qui rassure sans compliquer la vie. L’autre astuce à retenir, c’est que le maquillage doit évoluer avec le temps. On ne se maquillage pas à 20 ans comme on se maquille à 40.

diorlivre

« Le maquillage et les couleurs reviennent en force pour le moment. Il était temps de revendiquer l’héritage Dior, de parler de la couleur chez Dior. C’était aussi pour moi l’occasion de me replonger une fois encore dans tout le patrimoine de la maison. Ce livre nous rappelle aussi qu’on vit une époque où tout passe très vite et qu’il est important d’avoir des idées qui traversent le temps. La couverture du livre, par exemple, est une image que je connaissais, qui a été photographiée en 1968. Elle montre à quel point l’audace et l’innovation de la création couleur Dior traversent les époques, car elle est toujours très actuelle. »

« Dior, l’Art de la Couleur », Rizzoli New York.

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