« Celle qui survit, c’est celle qui comprend que la fabrication de l’artifice mène à la vérité. »

Pour son troisième long-métrage, Rebecca Zlotowski, jeune réalisatrice française, raconte l’histoire de deux sœurs incarnées par Natalie Portman et Lily-Rose Depp, dans le Paris d’avant-guerre. L’une est médium, l’autre un peu trop lucide. Leur destin, tout comme l’Europe, basculera tout au long de l’intrigue, intrigante pour le coup. L’esthétique et le propos de ce film rappellent un Woody Allen qui aurait invité Patrice Leconte à table, et Leos Carax aurait fait le service.

Rencontre avec la réalisatrice, qui est aussi coauteur du scénario :

– Pourquoi raconter maintenant cette histoire-là ?

“Nous vivons dans un climat de menaces d’inquiétude, et j’ai écrit le script entre les attentats de Charlie en janvier 2015, celui de novembre, et l’affaire Dieudonné. À nouveau, l’Europe est en train de basculer. Je ressens le même climat qui devait flotter dans les années 30, où l’on questionnait l’image, où l’on répandait la suspicion. Et j’ai ancré cette réflexion dans le cinéma des années 30. Les personnages sont clairvoyants et extralucides, mais aveugles quant à ce qui est réellement en train de se jouer tout autour d’eux. C’est le contraire de la paranoïa, c’est le déni. Et ma conclusion, c’est bien entendu que le cinéma est une fiction salvatrice.”

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– Est-ce que le cinéma va vous sauver, vous ?

“J’espère. Ce sont mes démons transformés. Mon rapport à l’invisible, ce sont les films qui me restent de ma mère, que j’ai perdue jeune. Ce n’est pas une question de mysticisme, mais de foi très grande en l’activité humaine dont on n’a pas encore exploré toutes les potentialités cérébrales. Les découvertes que l’on fait tout au long de notre histoire moderne renouvellent “la machine à faire des images.””

– Comment avez-vous construit votre casting ?

“D’abord, avec Natalie Portman, que je connaissais par une amie commune. C’est une actrice hollywoodienne très atypique, qui s’intéresse au cinéma d’auteur. Curieuse, passionnée, elle est à la fois actrice et réalisatrice. En outre à Hollywood, passé 35 ans, si on veut trouver un beau rôle, il vaut mieux se tourner vers le cinéma européen et le cinéma d’auteur. Natalie est une star totale, mais elle subit le système, comme tout le monde. Son prochain film, elle le tourne avec Xavier Dolan. Il a écrit le rôle quasiment pour elle.

Emmanuel Salinger était aussi un personnage immuable pour moi. Ensuite, j’ai cherché une actrice pour incarner la petite sœur, et c’est Natalie elle-même qui a proposé Lily-Rose. Ça équilibrait le casting. Lily-Rose est entrée dans la pièce, et la recherche s’est arrêtée. Elle était parfaite. Ces deux jeunes femmes sont bilingues, ce qui est parfait en regard des personnages.”

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– Les frères Dardenne sont coproducteurs du film. Comment est-ce arrivé ?

“C’est Olivier Gourmet qui a fait le lien, par un jeu de rencontres. Ils étaient intimidés à l’idée de donner leur avis, et tout au long du processus, ils ont été très élégants.”

– Et maintenant ?

“J’écris une comédie amoureuse. Avec Planétarium, je suis allée au bout d’une intuition baroque, d’une chimère lourde à porter. Maintenant, il n’est plus seulement question de nous alerter sur les dangers du monde : on a aussi besoin de légèreté et d’espoir.”

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Allez découvrir ce conte contrarié, qui s’achève dans le monde de l’illusion, avec un film dans le film. C’est une proposition poétique, une expérience. Une mise en abyme de l’actualité, transposée à une part d’ombre de l’Histoire, que l’on voudrait laisser où elle est. Mais qu’il importe de remettre, au fil des cycles du temps, sous les projecteurs.

Déjà en salles.