En tout cas, elle vient d'annoncer qu'elle quittait la maison qui porte son nom.
Sale temps pour la mode, entre les enseignes de créateurs qui ferment au rythme des feuilles d'automne arrachées par les bourrasques de la crise - un peu de lyrisme s'impose - et les directeurs artistiques qui désinvestissent leurs propres marques pour des raisons "personnelles". Il y a quelques semaines encore, c'est Jil Sander qui tirait sa révérence de "chez elle".
Ann Demeulemeester a annoncé son départ dans un communiqué manuscrit, et on retrouve rien que dans ce geste son attachement à ce qui est fait par la main : "C'est une nouvelle ère qui s'ouvre à la fois dans ma vie privée et pour la marque Ann Demeulemeester. Je sens qu'il est temps de séparer nos chemins."
Elle est l'une des Six d'Anvers, ces créateurs souvent énigmatiques et presque toujours prodigieux, qui propulsèrent au début des années 80 les "couturiers" au rang de "créateurs", et la mode belge sur le devant de la scène internationale. Alors que le département mode de l'Académie d'Anvers, qui fête ses 50 ans cette année, les a lancés fraîchement diplômés en 1981 sur un marché qui n'attendait qu'eux, Ann Demeulemeester était venue assister au défilé anniversaire, avec ses 5 comparses, en juin dernier. Une brochette jamais réunie depuis des décennies.
Dans son message, elle ajoute : “Ann Demeulemeester est une marque mature, avec une identité et un héritage, capables de continuer à grandir sans moi. J'ai confiance en la société et en les gens qui ont travaillé dur avec moi. Nous avons préparé cette étape ensemble, et ils se sentent prêts à porter la marque plus loin dans le futur."
Espérons qu'elle voit juste. D'autres créateurs supra talentueux, comme Martin Margiela, ont eu la même foi en confiant leur maison à leur équipe.
Elle qui aimait tant les gants, qui a dessiné peut-être les plus beaux, longs, envoûtants, des vêtements en soi, les dépose à présent.