On est libérées-délivrées et au final, on se cogne aux tabous sexuels. Tour d’horizon de l’indicible polisson.
Ce moment, autour de la grande table de réunion de la rédaction, où le sujet « sexe » du mois tombe sur vous, en pleine testo-détox printanière. Vous parlez sentiments tout doux, vous ne recueillez que grimaces compassées de vos collègues au con passé. Plus c’est trash, plus ça marche ? Les limites des tabous semblent les nouvelles frontières à repousser. Alors que vous évoquez en rosissant des interdits socialement répandus (« une soirée entre amis qui dérape »), les honorables mères de famille autour de vous attablées lancent des concepts à faire passer Marc Dorcel pour une pucelle. De votre collègue la plus soft (« faire l’amour pendant les règles ») à la plus souple (« le fist fucking, t’en parles ? », las, il est loin le temps de « Vipère au poing »), vous découvrez soudain l’éthique érotique de vos cosignataires littéraires. Voici tout, tout, presque tout, sur nos tabous.
- La partie fine, c’est finaud ?
Votre a priori. « C’est déjà assez complexe avec un seul gars et ses multiples personnalités (perclus de doutes mais fier de son zboub, lumineux, mytho, rationnel, mégalo). Alors, gérer des relations sociales et sexuelles en même temps, servir des petits fours tout en enfournant votre voisin, ça n’ira pas. »
Pourquoi c’est tabou ? * Il subsiste un énorme interdit culturel : l’être humain, contrairement aux animaux, se cache généralement pour faire l’amour. Ici, on sort du cadre, avec de surcroît des gens qu’on reverra. On mélange les sexes, au propre comme au figuré. On estime encore qu’il est de bon ton que la femme reste modérée dans ses
(h)ardeurs sexuelles. Sinon, pour la société, « c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres ».
Pourquoi vous devez essayer quand même ? On ne connaît jamais vraiment une personne tant qu’on n’a pas couché avec elle (ou qu’on n’en a pas divorcé). S’envoyer en l’air avec ses associés et leur conjoint permet de se faire une idée claire en peu de temps du potentiel de chacun (le courage se mesure au centimètre, la générosité aussi). On découvre alors, à peu de frais, comment tiennent les seins surréalistes de Josette (pas sans shapewear), on comprend pourquoi Simon suce tout le temps du chewinggum… Vous me suivez ?
Comment vous vous sentirez après ? Vous aurez des dossiers sur vos meilleurs amis. Qui ne pourront jamais parler de ceux qu’ils ont sur vous. C’est la recette d’une amitié bien scellée (contrairement à vos genoux à tous) : se rendre des petits sévices entre amis.
La version « petit bras ». C’est jouer à la bête à deux dos avec votre légitime, tout en surfant discrètement sur Fessebook, votre téléphone coincé sous l’oreiller.
- Le bondage et autres complications SM, c’est maso ?
Votre a priori. « C’est trop tarabiscoté, avec un bandeau sur les yeux je vais me cogner sur le coin du lit, et la ficelle coincée dans les bourrelets, on la verra même pas. »
Pourquoi c’est tabou ? * De plus en plus de gens jouent à tester ces pratiques version soft, mais le vrai sadomasochisme, fondé sur l’idée de la jouissance par la douleur, est catégorisé comme une déviance.
Pourquoi vous devez essayer quand même ? Parce que ça va vous défouler. Depuis le temps que vous aviez envie de lui coller une bonne fessée, à Raoul. Mais surtout, avec les pratiques sado-maso, il y a souvent des costumes et des accessoires. Un mini serre-taille, ça serre pas que la taille, ça sert l’ego. Une cagoule de cuir ? Parfaite pour camoufler les cernes. Des talons de 18 cm ? Quoi de mieux pour galber le mollet ? Mention spéciale pour le tablier de soubrette : même plus besoin de rentrer le ventre. Le SM, ça veux dire « sans malaise », en fait.
Comment vous vous sentirez après ? Passer de terre inconnue en terrain connu, ça permet de se sentir fier(ère) de soi. Une petite tapote à la croupe fait circuler le sang (excellent contre la cellulite), et si vous avez réussi à lier les mains de Raoul dans son dos, le tout fixé aux colonnes du baldaquin, vous avez peut-être pu, enfin, regarder votre série en mangeant de la crème glacée. Sucre Miel, Sans Modération.
La version « petit bras ». C’est le soutien-gorge trop serré parce qu’on a abusé de crêpes à la chandeleur, et qu’on se prend pour Dita von Teese parce que ça fait des marques rouges quand on l’enlève. C’est d’envoyer sa ceinture à Raoul en la lançant à travers la salle de bains, de le toucher par accident, et qu’il vous chope après avoir juré parce que ça l’a émoustillé. C’est de s’emberlificoter dans une corde à linge parce que le séchoir est en rade et rire toute seule quand ça frotte le téton.
- Le sexe salissant, c’est du propre ?
Votre a priori. C’est le contraire de celui de Woody Allen, qui a dit : « Est-ce que le sexe, c’est sale ? Seulement quand c’est bien fait. » Pourtant, il ne faut jamais dire (femme) fontaine…
Pourquoi c’est tabou ? * Dans nos société, le sexe doit rester « beau et propre », même quand il est « hard ». Quand on mélange le plaisir à tout ce qui touche au « scatologique au sens large », ça génère le dégoût et/ou la honte.
Pourquoi vous devez essayer quand même ? Se faire culbuter pendant les règles ou explorer l’orgasme à triple jet multidirectionnel, ça peut détendre quand on est de mauvais poil, crispée, hargneuse ou en larmes à la vue d’un chiot. Changer les draps ensuite, ça occupe les bras et l’esprit, ça crame l’excès de testostérones, c’est tout bénef.
Comment vous vous sentirez après ? Il paraît, d’après certaines de mes estimées collègues, que la pratique de faire pipi sur les gens, à leur demande, se répand, et pas que sur le parquet fraîchement ciré. À pisser non de rire, mais de jouir. On ne jugera pas. Mais si c’est le prix du lâcher-prise, on est prêtes à tout, goutte que goutte.
La version « petit bras ». C’est la gaudriole alimentaire : chantilly, miel ou jus de citron (Häagen-Dazs pour les plus téméraires, mais attention aux petits bouts de noix qui pourraient s’égarer dans des endroits délicats à expliciter à l’interne de service aux urgences). Au moins le fruit de vos pêchers pourra-t-il vous servir de dessert.
- Le club échangiste, pour changer ?
Votre a priori. « Je vais rencontrer plein de gens que je connais. »
Pourquoi c’est tabou ? * « Pour les femmes, l’idée de la consommation du sexe sans sentiments, sans connexion personnelle, avec des inconnus, est encore très difficilement acceptée socialement. Pour les hommes, en revanche, ça passe mieux. »
Pourquoi vous devez essayer quand même ? Pour dépasser vos complexes et connaître objectivement le nombre de gens spontanément susceptible de rentrer dans le vif de votre sujet.
Comment vous vous sentirez après ? Vous serez entrée dans la cour des glands. Vous aurez rattrapé en une soirée des années de râteaux, de doutes et de dragueurs pas assez bien pour vous qui vous auront tourné le dos (imprudemment, vu tout ce que vous venez d’apprendre). Ici, pas de jugements : vous savez désormais que dans la vie, on va plus loin avec un beau Q qu’avec un bon QI.
La version « petit bras ». C’est la soirée en boîte post-rupture où vous allez rouler des pelles à trois garçons différents, peut-être en même temps, parce que vous avez gobé votre première ecsta à
49 ans. Le souci, c’est que vous ne vous en souviendrez pas. Pas de photos de vous hilare sur leurs genoux, pas de tabous !