Le développement de systèmes urbains de production alimentaire représente l'un des défis majeurs de nos sociétés. La population mondiale augmente, l'espace disponible pour l'agriculture est menacé. Face à cette réalité, les villes s'organisent pour jouer un rôle dans la production et permettre aux citadins de se réapproprier leur alimentation.
L'humanité vit désormais au-dessus de ses moyens. Selon le Rapport Planète Vivante 2016 du Fonds Mondial pour la Nature (WWF), d'ici 2030 la population mondiale aura besoin de deux planètes pour subvenir à ses besoins. Les prévisions de croissance démographique, spécifiquement dans les villes, tirent la sonnette d'alarme sur des questions de sécurité alimentaire. L'agriculture urbaine gagne du terrain dans notre capitale. Les toitures se cultivent, l'herbe des jardins a cédé la place aux potagers, les initiatives individuelles s'institutionnalisent, les citadins s'ordonnent pour permettre à Bruxelles de jouir d'une véritable autonomie. La permaculture, la myciculture, l'aquaponie ou encore le biomimétisme, ces méthodes agricoles représentent l'avenir de l'agriculture en ville.
Rencontre avec les urban farmers bruxellois
Direction les légendaires caves de Curreghem à Anderlecht où sous les voûtes ancestrales sont cultivés des Shiitakés poussant comme des Champignons de Bruxelles (page 2).
Notre périple nous emmène ensuite à Saint-Gilles où sous une chaleur tropicale et sur fond de notes provençales, les jeunes bio-ingénieurs de Little Food élèvent des grillons par milliers (page 3).
En Mars, c'est le Début des Haricots, en route donc pour La Ferme Urbaine afin de clôturer ce petit tour de capitale verte (page 4).
Le Champignon de Bruxelles
Le saviez-vous ? Seuls 10% des ingrédients manipulés pour brasser nos bières belges terminent véritablement dans nos verres. Les tonnes de matières organiques qui demeurent après le brassage finissent à la poubelle. Le Champignon de Bruxelles s'est donné pour mission de valoriser ces ressources inexploitées pour produire une alimentation saine, durable et responsable en ville : un projet on ne peut plus dans l'air du temps. Sur des drèches de bière (les résidus du brassage de l'orge), deux entrepreneurs bruxellois Sevan Holemans et Hadrien Velge font désormais pousser des Shiitakés : une variété de champignons asiatique d'une grande qualité nutritive et aux multiples vertus médicinales exportée partout dans le monde. Disciples absolus de l'industriel belge Gunter Pauli, les jeunes économistes ont découvert en lisant le livre L'économie bleue : 10 ans, 100 innovations, 100 millions d'emplois de ce "Steve Jobs du développement durable" - selon les dires de l'Huffington Post - tout le potentiel du champignon. Le choix de la variété japonaise n'est par ailleurs pas anodine, celle-ci étant réputée pour stimuler l'immunité du corps. Immunostimulant, antioxydant, riche en vitamines D, B5, B6 et en fibres alimentaires, le shiitaké à l'accent Brusseleir a tout pour concurrencer le champignon le plus consommé en Belgique, à savoir le champignon de Paris. À 29 ans seulement, le binôme et l'agronome Thibault Fastenakels qui vient compléter cette bande de joyeux innovateurs, fusionnent la sagesse du Japon et le folklore belge pour développer une méthode de production ambitieuse qui répond à deux enjeux actuels : le traitement des déchets via l'économie circulaire et l'agriculture en ville grâce à un circuit court local.
"L'avenir c'est le Shiitaké"
Depuis novembre 2016, "les shietekes" - comme les concepteurs se plaisent à les nommer - ont colonisé les mythiques caves de Curreghem transformées en champignonnière de 750 m2. Sous les magnifiques voûtes en pierre rouge des halles des abattoirs d'Anderlecht 1 tonne et quelques kilogrammes de shiitakés sont cultivés chaque mois et l'équipe ne compte pas s'arrêter là, "nous souhaitons augmenter notre production et cultiver différentes variantes de champignons japonais ainsi que diversifier la transformation des produits" déclare Thibault Fastenakels.
Vous avez l'âme de producteur, l'envie de cultiver vos propres Shiitakés et de faire un pas (de plus) sur la route de l'autosuffisance ? Commandez votre "Kit Shieteke" sur l'e-strore du Champignon de Bruxelles. Pour cuisiner un velouté, un risotto ou encore une tartelette au Shiitaké, vous pouvez également retrouver les champignons frais dans les magasins Färm et chez CRU.
Pour devenir acteur de l'économie circulaire et urbaine, engagez-vous en tant qu'ambassadeur du Champignon de Bruxelles et participez à la gouvernance collective de cette coopérative. L'équipe des jeunes champignonniers bruxellois (qui compte depuis janvier une champignonnière : Camille Séon) a déjà su mobiliser un impressionnant réseau, grâce à leur motivation et leur ambition le Shieteke bruxellois pourrait bientôt être à portée de concurrencer son voisin parisien.
Adresse : Rue Ropsy Chaudron, 24 à 1070 Bruxelles
Little Food
1001 pattes et 1001 saveurs promet la ferme avant-gardiste Little Food (les petits génies répliqueront que les grillons n'ont que 6 pattes, d'accord mais on n'allait pas se priver une petite référence à notre film d'animation préféré.). Dans les locaux situés à Saint-Gilles se joue sous les couveuses dont la température est comprise entre 30 et 38°c, un orchestre aux tonalités provençales. Le projet farfelu d'élever des insectes Raphaël Dupriez et Maïté Mercier, fraîchement diplômés en bio-ingénieurie, l'ont adopté lors d'une soirée arrosée (C'est bien connu, les meilleures idées germent généralement deux-trois verres dans le nez). Persuadés que les grillons représentent l'avenir de l'alimentation humaine grâce à leur apport nutritionnel, les deux jeunes montent en 2013 la société Little Food. Au commencement, Raphaël et Maïté axent les activités de l'entreprise autour de l'organisation de team-building afin de sensibiliser les participants, les invitant ensuite à déguster des grillons tout prêts tout frais. Quelques mois et quelques cultures plus tard, Nikolaas Viaene et David Melett rejoignent le duo pour développer Little Food et commercialiser le produit. Béni par l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA), l'unique élevage de grillons enregistré en Belgique s'étend et les petites bêtes cri-cri-crient désormais par milliers, attendant d'être cuisinées pour l'apéro.
"C'est confirmé nous sommes de bon éleveurs, nos animaux sont en forme et le public apprécie notre produit !"
Depuis toujours Raphaël Dupriez était destiné à devenir un grand éleveur d'insectes : jeune garçon il élevait déjà des cloportes dans son lit, qu'il cachait dans une boite sous ses draps. Quelques années se sont écoulées depuis mais son amour pour les petits bêtes ne l'a jamais quitté. Conscientisé aux problématiques alimentaires et agricoles au cours de ses études, les grillons devinrent vite une évidence pour Raphaël. Aujourd'hui, il peut sa vanter d'avoir développé avec sa compagne Maïté Mercier la meilleure méthode pour élever des grillons. "Ils aiment la chaleur, pas trop de lumière et adorent les "maisons boîtes à oeuf" qu'on leurs a aménagé." D'ici quelques semaines, Little Food va déménager son élevage de Jiminy cricket chez Greenbizz, un incubateur de projets durables, dans de grands locaux le long du canal à Laeken. Le nouvel espace permettra de multiplier par 30 la production de Little Food, ce qui équivaut à 3 tonnes de grillons par mois. L'entreprise travaille actuellement sur de nouveaux produits pour diversifier les façons d'aborder l'insecte.
Les chips Grills du futur
Apports nutritionnels pour une portion de grillons fumés : protéines (pour la même quantité l'insecte offre 25x plus de protéines que le boeuf), vitamines B12, oméga 3, lipides, fer, fibres, magnesium, calcium.
L'élevage de grillons possède une faible empreinte environnementale en comparaison à l'élevage traditionnel. Les projections démographiques démontrent par ailleurs que le niveau actuel de consommation des protéines animales ne peut être maintenu à long terme en regard des conséquences sur l'environnement de l'élevage intensif. Face à cette impasse nutritionnelle l'élevage de grillons présente une alternative saine et écologique à la consommation de viande dont l'élevage conventionnel conduit à l'augmentation de la déforestation et des gaz à effet de serre (là où le grillon produit 60x moins de GES). Tandis que l'élevage bovin nécessite de vastes espaces, tant pour élever les animaux que pour produire leur nourriture, l'élevage verticale de grillons optimise l'utilisation et valorise le volume du site. De plus, les grillons Little food sont nourri de résidus de pressage d'huile de lin et de tournesol bio, ils ne présentent dés lors pas un risque de compétition pour l'humain quant à leur alimentation.
Un en-cas croustillant à se mettre sous la dent
Séchés ou fumés, saveur crustacés ou noix, à la sauce thaïlandaise, les grillons sont idéaux pour l'apéro ! Les produits Little Food sont à retrouver dans divers magasins à Bruxelles, à Namur, à Charleroi et dans le Brabant-Wallon. Ouvrez votre horizon culinaire à la gastronomie grillonesque et participez aux cours de cuisine organisés par les chefs Little Food. "Le goût réside dans la préparation, il s'agit de faire ressortir toute l'essence du produit" explique Raphaël Dupriez. Vermicelles aux grillons et à la menthe orangée, frisée de grillons, chauvines ou grillons enrobés de chocolat, retrouvez ces recettes originales sur leur site.
Adresse : Rue Fernand Bernier, 15 à Bruxelles
Le début des haricots
L'ASBL créée en 2005 mobilise les Bruxellois à la réappropriation de leur ville comme espace cultivable et les sensibilise à l'alimentation durable. Le collectif de membres responsables et respectueux de l'environnement promeut les alternatives concrètes et l'autogestion en tant que levier d'émancipation individuelle et collective. Grâce au soutien des "haricotiers" divers projets qui se veulent également sociaux et culturels ont vu le jour dans la Région bruxelloise, dont La Ferme Urbaine : un espace de production maraîchère (culture de légumes, de fruits, de fines herbes et de fleurs comestibles) en agriculture paysanne et biologique situé au nord de Bruxelles proche des Serres royales de Laeken. La Ferme Urbaine se développe autour d'un autre modèle alimentaire (à savoir local, de saison et en circuit court) qui promeut l'agrobiodiversité. Elle contribue à retisser le lien entre les citadins et les activités agricoles écologiques.
Désireux de participer à la formation d'un monde meilleur, davantage durable et respectueux (sans prétention) ? Munissez-vous de vos pioches, pelles et râteaux et apportez votre coup de pousse à la Ferme Urbaine ! L'ASBL le Début des Haricots organise également des moments de réflexion dans le but de mobiliser les Bruxellois et construire collectivement un regard critique sur le système agroalimentaire et des questions relatives à l'environnement et l'égalité sociale.
Les mains dans la terre
Cette année, la Pousse qui pousse, la Ferme Urbaine et les Herbes de Bruxelles s'associent pour proposer trois nouvelles formations. Une formation aux plantes aromatiques et médicinales : les participants apprendront à confectionner un potager urbain, à gérer la production et la récolte, ils seront ensuite formés à l'usage des plantes recueillies. Une fois par mois de mars à octobre les adultes jardineront le toit du Mont des Arts au coeur de la capitale. Une seconde formation au potager biologique urbain : pendant le suivi d'une saison, de la graine au légume, le public sera formé à la culture d'un potager et à la sélection, récolte et conservation des semences. Ainsi qu'une formation au maraîchage diversifié : tout au long d'une saison à la Ferme Urbaine qui accueille sur un terrain de 1,5 hectures des cultures, des pâtures, des parcelles de plantes aromatiques et médicinales ainsi qu'un rucher, les participants acquerront les bases théoriques et pratiques en culture du jardin pour devenir des as de l'agriculture urbaine.
Adresse : La ferme urbaine est située sur le terrain de la « bergerie » dans le quartier du Val Maria : Marïenborre, 1120 Neder Over Hembeek
Audrey Depuydt