Et surtout, il y a systématiquement un énorme décalage entre l’homme et la femme. À chaque fois que j’écrivais “millionnaire”, on me corrigeait. Le héros doit être milliardaire. Les filles gagnent déjà 20 % de moins que les mecs dans la vraie vie, la différence doit-elle obligatoirement se compter en milliards ? Ma maison d’édition me répétait sans cesse que mes romans devaient être glamour tout en étant proches de la réalité. J’ai fait des recherches, les trois quarts des milliardaires sont des Asiatiques de plus de 55 ans, en couple, et loin d’avoir un corps parfait… Le message délivré par ces livres est toujours le même : « Fais des études, décroche un stage en entreprise, mais uniquement pour trouver un homme riche. » La femme est dans l’attente de la rencontre qui va changer sa vie. Elle ne va jamais prendre d’initiatives, ni se masturber d’ailleurs.

Les maisons d’édition essayent de servir un produit prêt à l’excitation. Elles ne prennent pas de risques. Elles reproduisent un schéma qualifié de glamour, une vision du sexe telle qu’on la retrouve dans les films hollywoodiens : un couple, en position du missionnaire, qui bouge sous des draps en soie. Les fantasmes des femmes sont évidemment beaucoup plus variés que ça. À la fin de la collaboration avec ma maison d’édition, on m’a fait comprendre que j’avais commis un impair total. J’ai cru que c’était la fin du monde à cause d’une scène que j’avais écrite : un couple fait l’amour dans un loft à Londres et finit par éclater de rire en remarquant que l’homme a gardé ses chaussettes. Je trouvais ça sexy : ils avaient tellement envie l’un de l’autre qu’ils n’avaient pas pris le temps de retirer tous leurs vêtements. Pour mes boss, c’était impensable. Les ratés ne sont pas glamour, un homme ne peut pas être ridicule.