« Un profil pour deux » de Stéphane Robelin explore dans un réjouissant Vaudeville les chassés croisés amoureux 3.0. Et nous ouvre des perspectives, sur un malentendu...
L'époque est aux rencontres virtuelles et aux sentiments charnels. Le point de départ d'un savoureux paradoxe dont certains d'entre nous se délectent au gré de leur zapping amoureux, tandis que les biens casés observent d'un air curieux (en prenant des notes, on ne sait jamais). Dans cette comédie sentimentale rocambolesque qui rebondit sur le ressort de Cyrano, Pierre Richard séduit Fany Valette, mais doit envoyer au premier rencard Yaniss Lespert (il a triché d'un demi siècle sur son âge) qui sort lui-même avec Stéphanie Crayencour. Dans le film, ils s'appellent autrement, mais vous avez compris. L'occasion pour nous de nous pencher sur les mille déboires et merveilles auxquels on peut s'attendre en cherchant l'âme sœur sur Tinder / Happn / Adopte Un Mec et consort (qu'on sort avec qui on peut, d'ailleurs). L'amour, c'est du marketing ?
(Illustration : Valentine De Cort)
La publicité mensongère
C'est le cas où comme Pierre Richard, on arrange un peu la réalité : situation conjugale dissimulée, photo chopée ou shoppée, défauts tournés à notre avantage (« je suis diplomate et enthousiaste », chez un homme, peut vite masquer « lâche et instable », par exemple). A tout hasard, et comme en politique, ne croyez pas un mot de ce que la personne qui a besoin de vous séduire avance. Vérifiez, comparez. Et ne soyez pas trop transparente non-plus : ce qui importe, c'est de transformer l'essai numérique en rencontre physique, pour pouvoir juger sur pièce. Dès ce moment-là, ne vous focalisez pas trop sur des notions superfétatoires telles que la sincérité ou l'ouverture de toutes vos fenêtres (surtout si vous êtes sur Windows) : gardez vos bonnes cartes dans une poche, sinon vous finirez par vous prendre à votre propre jeu, et devenir le dindon de la farce, quand tout le monde sait que vous êtes une pintade de la force.
La bonne affaire de fins de soldes
Sur les sites de rencontre mythiques (ha ha), le doigt fébrile sur votre écran de téléphone, vous traquez le produit frais, neuf et de saison. Au risque de passer à côté d'un timide cultivé qui ne sait pas faire un selfie correct, et dégringolerait en centième page de vos critères. C'est dommage. Car le garçon (ou la fille) sérieux(se) qui ferait votre bonheur est peut-être quelqu'un de peu hâbleur, discret, pas suffisamment rompu à la drague en trois signes et deux émoticons pour rameuter les sportifs de la séduction sur son profil. Avez-vous jamais vécu une belle et longue histoire avec un baratineur ? Non. Repérez-les dès l'accroche et la photo en clair-obscur, puis imaginez ce à quoi pensent tous(tes) les autres. Et visez plus loin, voire plus maladroit. On peut avoir de bonnes surprises, avec ceux qui ont l'air de ne pas savoir y faire.
La plume d'emprunt
En l'occurrence, c'est un index. Comme dans le film où une jeune fille pense avoir trouvé l'homme parfait parce qu'il a le physique avantageux d'un trentenaire et l'éloquence d'un vieux rêveur, vous pourriez être tenté(e) de laisser un(e) ami(e) vous prêter sa verve (non, ce n'est pas une faute de frappe). Voire, céder à la facilité de demander à vos copines de sélectionner les candidats pour vous, en swipant sur les visages de candidats comme sur l'onglet « fins de série » d'un site de mass market. Aux jeux de l'amour et du bazar, l'entourage proche semble toujours plus avisé. Mais les conseilleurs ne sont pas les (mauvais) coucheurs, et vous vous ferez choper un jour, alors que vous vouliez juste pécho. Vous alignez les fautes d'orthographes ? Riez-en. Grossissez le trait, et soulignez votre capacité à l'autodérision. De toute façon pour confondre Tournez Manège et La Roue de la Fortune comme vous êtes en train de le faire, il en faut une bonne dose.
L'humour dans l'amour
Vous risquez de vous ramasser une fois ou l'autre, ça fait partie de l'exercice. Mettez votre susceptibilité et votre vanité dans votre minaudière (ou votre minaudière en vanité, ça dépend de sa forme). Vous vous emballerez sans doute, vous ferez emballer, puis vous devrez tout déballer. Ceci n'ayant rien à voir avec le mode de rencontre, mais avec la complexité des relations humaines. Qui n'a jamais juré, après une déception ou un bon râteau « jamais plus jamais ? ». Mais on y est tous retournés. Du moins les plus avisés. Il serait dommage de se priver de bonnes histoires à raconter. Or le côté aléatoire des rencontres arrangées par la toile démultiplient les possibilités de situations désopilantes, comme tomber sur son ex, sur le mari d'une copine, ou la personne avec qui on aura un rendez-vous d'embauche lundi prochain (d'autant qu'on aura pris le soin de mentir, aussi, sur son CV…)
Quelques conseils pour que ça marche :
Prenez l'e-séduction pour ce qu'elle : un jeu de hasard qui peut rapporter gros, mais pas souvent (et rarement deux fois à la même personne)
C'est bien de se donner les moyens de trouver le compagnon idéal pour les vacances ou la vie, mais le secret d'une relation lourde, c'est la légèreté. Vous vous lancez dans un grand loto du coeur – une boule pour la couleur des yeux, une boule pour la longueur des cheveux, une boule pour le mental, etc. Au final si ça ne matche pas, vous pourrez toujours retirer un coup. Subtile transition vers le coaching de la page suivante.
Les conseils de Bénédicte Ann, psychologue, coach de vie, et experte en anti sabotage, auteure de « C’est décidé, j’arrête d’être célib »**, un ouvrage qui recèle 100 trucs infaillibles pour trouver l'amour sur Internet, applis comprises :
- Arrivez au premier rendez-vous fun et de bonne humeur
- Sortir de la naïveté et de l'auto-sabotage. En général, la couleur est annoncée dès le départ. Il faut absolument s'armer de discernement : le monde est devenu une jungle.
- Sur les applis de rencontre, on peut classer les hommes en deux catégories : ceux qui veulent aimer, et observent avant "d'acheter". Ils n'aiment pas qu'on leur saute dessus, d'ailleurs. Et ceux qui veulent s'amuser et "consomment" avant éventuellement d'être surpris par l'amour. Mais parmi ceux-là, certains resteront des séducteurs qui ne souhaitent pas de fixer."
- On reproduit souvent des situations condamnées d'avance (relation à distance, hommes pas libres, accros à l'alcool ou à la drogue, séducteur compulsif ou lunatique…) En gros, on craque pour les bad boys qui ne s'intéressent pas à nous, et on ne remarque même pas ceux qui pourraient nous rendre heureuses. C'est l'érotisation de la relation impossible : « plus c'est compliqué, plus ça m'attire. » il faut donc commencer par détricoter nos névroses.
- Prendre la mesure de notre propre responsabilité dans nos échecs. Réaliser le poids que représentaient les relations précédentes.
- Prendre aussi "une potion de joie", ne pas repousser les prétendants.
- Surtout, garder le coeur ouvert... mais les yeux aussi !
** Albin Michel