Marie Ottavi, journaliste-portraitiste chez Libé, consacre un livre entier à un homme à demi. (Presque) sans juger, elle décrypte, fascinée, la grandeur de l’inutile.
Jacques De Bascher, compagnon de Karl Lagerfeld pendant 18 ans, qui le quitta pour Yves Saint-Laurent, n’avait ni ambition, ni talent particulier autre que celui de chavirer les esprits les plus brillants de son époque.
De sa pratique journalistique, l’auteure s’intéresse aux personnages hors normes, et s’est interrogée sur ce qu’aurait été le destin fantasmé, à l’heure de la gloire creuse des réseaux sociaux, d’un homme qui n’a jamais rien produit d’autre que lui-même. Se serait-il pris au piège de sa propre vanité ? « Dandy de l’ombre », il vivait libre et libertin, et offre aujourd’hui à la plume avisée de Marie Ottavi l’opportunité de brosser un portrait en creux de la France permissive des années 70-80. Si la société a été rattrapée par la crise, dans une tragédie parallèle, Jacques a été taclé par son destin. Karl Lagerfeld lui avait servi un luxe et un confort auxquels il n’aurait jamais pu accéder, privilèges qui se sont retournés contre lui. Le récit est palpitant, les rouages de l’âme humaine, surtout lorsqu’elle côtoie génie mais se repose au lit de l’inanité, intrigants.
A la rencontre d’un courtisan chevronné, suivez les pas sur le côté de cette journaliste inspirée, ils vous mèneront sur des sentiers inespérés.
Jacques De Bascher, Dandy de l’Ombre, Ed. Seguier. 21€