La collab’ entre Jean Paul Knott et un petit village salvadorien autour de l’indigo, c'est un joli conte bleu devenu réalité. Le résultat? Une collection capsule bobo chic parfaite pour cet été...
« Le vrai luxe pour moi, c’est de se créer un dressing constitué de basiques très simples et de pièces plus originales, mais intemporelles », explique Marie- Martine Israël. Et dans cette deuxième catégorie, ce sont les tenues teintes à l’indigo qui séduisent cette grande dame de la mode. Âgée aujourd’hui de 70 ans, elle est tombée dans la fashion industry lorsqu’elle était petite. À l’époque, sa maman possède une maison de couture et le prêt-à-porter n’existe pas encore. Très vite, les filles des clientes préfèrent les robes confectionnées par Marie- Martine et sa première collection voit le jour. Elle n’a que 18 ans et la folle envie de créer des vêtements différents. Pendant sa longue carrière de styliste, cette slasheuse née lance sa marque, ouvre un resto, écrit des papiers mode et fait la promotion de jeunes créateurs belges... avant de tomber amoureuse du Salvador, le plus petit pays d’Amérique centrale.
« Mes meilleurs amis y vivent depuis une dizaine d’années. Grâce à eux, j’ai découvert un pays incroyable, absolument pas dangereux, contrairement à ce que l’on raconte. Mes amis ont ouvert un hôtel à Suchitoto, un petit village typique. Jusqu’au XIXe siècle, la ville était très riche grâce à une plante sauvage qui pousse un peu partout et dont on extrait une teinture végétale, l’indigo, ce fameux or bleu », raconte Marie-Martine Israël. Mais ça, c’était avant l’invention d’une teinture chimique beaucoup moins chère. Aujourd’hui, il reste encore quelques petits ateliers artisanaux mais la production massive d’indigo a été abandonnée pour la culture beaucoup plus lucrative du café. Business is business ! En vacances au Salvador, elle a pourtant croisé la route d’un petit groupe de femmes désireuses de sauvegarder l’héritage de leur savoir-faire ancestral.
Elle décide alors de les aider en lançant un projet qui fait rimer mode et solidarité. Comment ? En leur apportant des tissus de qualité mais aussi son expertise de styliste pour créer des pièces modernes, susceptibles d’intéresser les fashionistas du monde entier. « Je pars du principe qu’il faut apprendre aux gens à creuser un puits plutôt que de leur donner de l’eau. Je leur ai expliqué que c’était plus agréable de porter une robe en lin que du synthétique, par exemple. Je leur montre aussi comment rendre leurs créations plus contemporaines, plus trendy afin qu’elles plaisent aux clientes étrangères ». Résultat ? Des vêtements, des accessoires et des objets de déco design bleu indigo. Pour un coussin, il faut compter généralement 90 euros et pour une robe, 250. Tout est évidemment fait maison et chaque pièce est unique. Un argument de taille pour les modeuses qui ne veulent pas arborer le même outfit que leurs copines.
« Le processus de teinture est long mais fascinant. Les femmes font d’abord macérer les plantes pour obtenir le pigment, elles trempent ensuite de nombreuses fois le vêtement dans une cuve avec de la poudre d’indigo. À ce stade, le tissu, tout comme le liquide, est vert. Ce n’est qu’au contact de l’air qu’il s’oxyde et devient bleu. C’est un spectacle magique. On peut aussi nouer ou plier le tissu avant de le teindre pour que certaines parties restent blanches. Cela crée un effet tie and dye qui me rappelle la tendance hippie des seventies. On ne sait jamais exactement comment le vêtement va ressortir, les motifs sont uniques et c’est là tout le charme de ce travail ».
Cela fait déjà deux ans que le projet existe et l’évolution est impressionnante. Les boutiques de vêtements teints à l’indigo fleurissent à Suchitoto et aucun touriste ne repart les mains vides. Une collab’ avec le créateur belge Jean Paul Knott a même été lancée l’année dernière. Le designer a sorti une collection capsule « bobo chic » dans une enseigne à Tokyo. Des ventes privées sont aussi organisées à Bruxelles et tous les bénéfices sont reversés au Salvador. Dans ce petit pays, les femmes ont beaucoup de pouvoir et se battent pour leurs droits. La majorité des habitations du village sont d’ailleurs ornées d’une pancarte sur laquelle on peut lire : « Dans cette maison, nous voulons une vie libre de violence envers les femmes ». Et le gouvernement est également là pour les soutenir. Des aides financières sont régulièrement accordées aux entrepreneuses.
« Les gens du village ont envie de conserver leur maîtrise de l’indigo et prennent confiance en eux parce qu’ils remarquent que leurs créations plaisent. J’ai rencontré une femme qui a pu engager des employés et payer l’université de sa fille grâce à la vente des vêtements », raconte Marie- Martine Israël. « Les jeunes aussi ont envie de s’impliquer. Après avoir fait des études de marketing, certains voulaient partir bosser aux States, aujourd’hui, ils préfèrent rester au Salvador et développer le commerce de leur mère. Chaque pays a ses forces et c’est très important de continuer à transmettre le savoir-faire. » Face à une fast fashion industry qui privilégie souvent la production en usine à moindre coût et aux grands groupes qui ne demandent pas plus de dix euros pour une paire de sneakers, ce n’est pas gagné d’avance...
Mais ces dernières années, on remarque une petite inversion des tendances. Stratégie marketing ou véritable prise de conscience, certaines marques essaient d’adopter une philosophie plus green et plus éthique. Les mots « bio » et « éco » sont sur toutes les lèvres, le naturel est en passe de redevenir le maître. Il y a quelques mois, Emma Watson créait d’ailleurs un nouveau compte Insta, « The Press Tour », pour faire la promotion d’une mode durable et responsable. On y voit l’héroïne de « La Belle et la Bête » dans une robe Louis Vuitton tissée avec des bouteilles recyclées ou dans une tenue Oscar de la Renta respectueuse de l’environnement. L’idée plaît tellement au public qu’Anne Hathaway a décidé de la suivre. Pendant la promo de son film « Colossal », l’actrice ne portera que des pièces eco-friendly.
« C’est une tendance générale. De la même façon que je me nourris de légumes bio, je préfère acheter une robe colorée naturellement qu’un tee- shirt teint avec des produits nocifs, susceptibles de provoquer des réactions allergiques », affirme Marie-Martine Israël. « Je fais partie de la génération mai 68, je dois avoir des gènes révolutionnaires en moi ! Il y aura toujours des personnes qui suivent la masse et d’autres qui se battent pour amorcer un changement positif. Nous en sommes tous responsables. »
Je veux aider, je fais comment?
Une vente de pièces, teintes à l'indigo naturel et importées du Salvador, aura lieu en juin au magasin de déco Or & Vermeil.
147 rue Edith Cavell, 1180 Uccle. Plus d’infos sur les dates
et heures d’ouverture
sur la page Facebook d’Or & Vermeil.