Bye Bye Belgium! Tout plaquer, poser ses valises à l’étranger et décrocher le job idéal... On en rêve un peu, beaucoup, (et passionnément le lundi matin). On a rencontré les Belges qui ont osé!
Lundi matin, le teint gris comme le temps bruxellois, vous êtes coincée depuis une heure dans les tunnels de la capitale (et depuis quelques années dans une vie légèrement étriquée). En route vers un boulot qui ne vous plaît qu’à moitié, vous passez votre temps à attendre le week-end, en rêvant d’étudier le stylisme en Italie ou de posséder une petite ferme bio en Équateur... Et si vous vous lanciez ? Cela fait déjà plus d’un an que Jonathan Kubben Quiñonez, un Belgo-Mexicain de 28 ans, a décidé de faire le tour du monde. Et il ne l’a pas regretté. « À l’époque, je travaillais comme consultant, j’ai étudié la com et la gestion d’entreprise. J’avais une vie stable et je n’étais pas malheureux, mais un jour, j’ai mis deux heures pour rentrer chez moi à cause des embouteillages. Je suis devenu dingue ! Le soir même, j’ai regardé une conférence TED et j’ai décidé de partir. La monotonie me pesait, j’ai réalisé que j’en attendais plus de la vie. J’ai quitté mon boulot, j’ai vendu ma voiture et j’ai annoncé la nouvelle à mes proches le jour de mon anniversaire. Je ne suis pas marié, je n’ai pas d’enfants, je me suis dit que c’était maintenant ou jamais. » Sponsorisé par NRJ, Jonathan vit de ses voyages.
Son secret ? Un compte Insta original qui a attiré l’attention des médias du monde entier. Pour rassurer sa maman mexicaine, il pose avec une pancarte proclamant «Mom I’m fine » dans des lieux improbables, au sommet d’une montagne en Bolivie, suspendu à 300 m au-dessus de la jungle péruvienne, sous l’océan en Colombie... Résultat ? Il est suivi par plus de 230 000 followers, enchaîne les photos avec Ronaldinho ou Martin Solveig et la maman de Kim Kardashian est fan de lui ! Mais il n’est pas le seul à avoir décidé de tout plaquer. On compte environ un demi-million de Belges inscrits dans des postes diplomatiques à l’étranger*. Si les pays voisins séduisent généralement les expats, le Canada et les States ont aussi la cote. D’après une nouvelle étude de Securex, agence spécialisée en RH, un employé belge sur cinq aimerait changer de job à long terme. « De nombreuses personnes veulent donner du sens à leur existence. Elles ne se sentent pas reconnues au boulot, leur job est frustrant et ne correspond plus à leurs désirs. La génération Y a des attentes différentes à l’égard du monde du travail, elle veut se sentir utile. Et puis l’épanouissement, la réalisation de soi, c’est devenu très important dans notre société », analyse Catherine Négroni, sociologue et auteure d’une thèse sur la reconversion professionnelle.
« Aujourd’hui, les gens pensent davantage à réussir leur vie qu’à réussir dans la vie. Le monde du travail est moins sûr et tout va très vite. Grâce au web notamment, on se rend compte de toutes les possibilités qui s’offrent à nous », ajoute Luce Janin-Devillars, psy et auteure du livre “ Changer sa vie. Il n’est jamais trop tard. ” Les millenials biberonnés à la crise économique ont bien com- pris qu’ils ne passeraient pas toute leur vie dans la même entreprise. Pour Luce Janin-Devillars, le déclic se produit souvent après un événement qui amène à réaliser un petit check-up : un licenciement, une rupture ou un problème de santé, par exemple. Quentin Mees, lui, s’est tout simplement lassé de son job peu stimulant et de la grisaille bien de chez nous. À 29 ans, il est parti en Inde et a ouvert un comptoir de gaufres belges qui cartonne. « J’avais l’impression de ne pas être à ma place en Belgique. Un jour, j’en ai eu marre et j’ai arrêté de me trouver des excuses. J’avais passé un an en Inde après ma rétho et j’avais adoré. Je n’ai pas vraiment réfléchi, j’ai acheté un aller simple et j’ai déménagé le mois suivant. »
Être issu d’une famille de travel addicts et partir en couple peut aussi pousser à bouger. C’est ce qui s’est passé pour Virginie Dardenne et Sophie Van den Eynde. Après avoir étudié la mode en Italie et en Chine, la première est partie s’installer à Bahreïn pour vivre avec son amoureux, un pilote de ligne. À 23 ans, elle gère les relations publiques de Noon by Noor, une marque qui a défilé lors de la dernière Fashion Week de New York. La deuxième a ouvert une cantine bio et healthy, PiCNiC, au Costa Rica avec son mari. « Je suis belge mais je suis née aux États-Unis. J’ai fait des échanges linguistiques quand j’étais plus jeune et on accueillait toujours beaucoup d’étrangers à la maison. C’est plus facile d’avoir été “ baignée dedans ” et moins effrayant de tout quitter à deux. On se sent vraiment soutenu, on a toujours quelqu’un sur qui compter. »
Une fois la décision prise, ça se passe comment ? Tout n’est pas rose, partir, c’est aussi devoir s’adapter à la culture locale, gérer le manque des proches, le côté administratif, l’insécurité financière, la peur de se planter... Les moments difficiles font partie de l’expérience. « Quand je suis arrivée à Bahreïn, je me sentais très seule. Je n’avais pas de boulot, je ne connaissais personne et mon mari était souvent parti. C’était difficile mais ça m’a appris beaucoup sur moi-même. Je me suis poussée à sortir, à rencontréer d’autres expats. Aujourd’hui, on ne se voit plus quitter le pays ! », raconte Virginie.
« On a vraiment bossé pour réussir. J’ai mis un an à m’adapter au Costa Rica », ajoute Sophie. « Les débuts n’ont pas été faciles. Je suis tombée enceinte et ça nous a pris six mois pour trouver le local de notre resto. On vivait sur nos économies et on ne savait absolument pas si notre concept allait fonctionner ». Mais aucun des expats que nous avons rencontrés ne regrette le départ et tous sont d’accord pour dire que l’expérience leur a énormément apporté : de la maturité, de la confiance en soi, une ouverture sur le monde... « Tout a changé : ma façon de manger, de faire la fête, de considérer le travail, la famille, la vie. Avant, je pensais que la réussite, c’était d’avoir une grosse voiture avant 30 ans », explique Jonathan. « Ça peut paraître cliché mais aujourd’hui, je préfère collectionner les expériences. L’année qui s’est écoulée a été la plus belle de toutes, et de loin. Partir a été la meilleure décision de ma vie. »
Ils l'ont fait, ils racontent
Virginie, 23 ans > Expatriée à Bahreïn
LES DÉBUTS ?
« Je suis originaire de Gand mais j’ai étudié la mode à Paris et j’ai aussi vécu en Chine et en Italie. J’adore découvrir de nouvelles cultures ! Quand j’ai rencontré mon mari, il faisait des allers-retours à Bahreïn pour son boulot et on a très vite eu envie de s’y installer ensemble. Ça fait deux ans qu’on y vit, j’ai mis du temps à trouver un job dans mon domaine mais aujourd’hui je m’occupe des relations publiques d’une marque de luxe, Noon by Noor. Je suis ravie ! J’ai beaucoup de collègues arabes, c’est super enrichissant. »
LA RÉACTION DE TES PROCHES ?
«Je suis partie à 21ans,ma maman a eu un peu de mal à l’accepter mais aujourd’hui elle est très fière de moi. Ma famille et mes amis me manquent souvent mais Internet permet de rester en contact, on se parle tous les jours. »
LA VIE DANS UN PAYS MUSULMAN ?
« Le Bahreïn est l’un des pays les plus ouverts du Golfe. En tant que femme, je ne me sens pas limitée. Je vais où je veux, je peux me balader en bikini sur la plage, je veille juste à couvrir mes épaules lorsque je vais dans un endroit où il y a beaucoup de locaux. Ici, tout le monde respecte les autres cultures. Depuis que je suis partie, j’ai rencontré des gens d’un peu partout dans le monde, je suis devenue plus mature mais aussi plus tolérante, plus ouverte d’esprit. »
UN CONSEIL ?
« Apprenez à connaître le pays, discutez avec des personnes qui y vivent et ne vous laissez pas guider par des a priori. Je suis partie plusieurs fois en vacances à Bahreïn pour voir si ça me plaisait avant de tout plaquer. Une fois qui vous êtes sur place, saisissez toutes les opportunités et soyez positif ! »
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Sophie, 30 ans > Expatriée au Costa Rica
LES DÉBUTS ?
« À 18 ans, je suis partie pour un échange linguistique au Costa Rica et j’y ai rencontré Juan, qui est devenu mon mari. On a poursuivi nos études chacun de notre côté (la cuisine en Espagne pour lui et la gestion d’entreprise en Belgique pour moi) et puis on a eu envie de se retrouver. On était jeunes, rien ne nous retenait, on a décidé de déménager à San Francisco, un “ terrain neutre “ pour tous les deux. On y est restés trois ans avant de repartir au Costa Rica pour ouvrir un resto, le PiCNiC café. Il y a une montée incroyable des fast-foods là-bas alors on a voulu s’inscrire dans la tendance inverse. On est très fiers d’offrir une alternative healthy. On travaille avec des produits bio et des petits producteurs locaux. »
LE DÉCLIC ?
« Je ne voulais pas me lancer dans une vie routinière, tracée d’avance. J’avais envie d’aventures et d’expériences. Il faut simplement oser ! Je pense que les gens se rendent de plus en plus compte que l’on n’a qu’une seule vie et que c’est important de poursuivre ses rêves. C’est cliché mais tellement vrai. Je trouve ça très enrichissant de vivre dans un pays qui n’est pas le mien, d’être baignée dans plusieurs cultures. »
LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS DE LA VIE D’EXPAT ?
« À Bruxelles, et encore plus à San Francisco, le marché est saturé alors qu’ici, il est beaucoup moins compétitif. On a le luxe de pouvoir grandir, on a engagé 13 personnes et la surface de notre resto a déjà doublé ! Les locaux sont très accueillants et il fait beau tout le temps mais il faut s’adapter. Le Costa Rica n’a pas le même système éducatif, le même niveau de confort et de sécurité qu’en Belgique. Et c’est parfois difficile d’être loin de nos familles, surtout depuis que nous avons un petit garçon. »
UN CONSEIL AVANT DE SE LANCER ?
« Si vous voulez monter un business, essayez d’apporter un élément nouveau. Demandez conseil autour de vous, plaquez tout pour créer quelque chose de positif.
Jonathan, 28 ans > En tour du monde
LES DÉBUTS DE « MOM I’M FINE » ?
« Ma maman est une vraie mère poule. J’ai choisi de commencer mon voyage à Cuba où il n’était pas évident de donner des nouvelles. L’accès à Internet est limité et il y a un grand décalage horaire. Je me suis dit qu’une photo valait plus que mille mots et j’ai posé avec une pancarte “ Mom I’m fine ”. Je l’ai publiée le 1er avril pour faire une blague mais c’est vite devenu viral. »
TON RESSENTI AVANT LE DÉPART ?
« J’étais stressé, j’ai même raté mon avion. Mais une fois sur place, je me suis rendu compte que j’étais souvent à côté de la plaque. J’avais beaucoup d’a priori sur certains pays que j’ai visités. On me disait que la Colombie était risquée par exemple et j’avais la série “ Narcos “ en tête. En réalité, je n’ai jamais été aussi bien accueilli. Avec mon compte Insta, je veux pousser les gens à voyager et leur montrer que le monde n’est pas si dangereux. »
UN MOMENT DIFFICILE ?
« Il y en a eu plein mais c’est ça qui est intéressant ! J’ai dû dormir par terre, sous la pluie, à côté de ma voiture au Costa Rica. Un ami avait perdu les clés et on avait peur de se faire voler nos passeports. J’ai aussi été malade en pleine traversée du désert de sel en Bolivie et il n’y avait pas de toilettes ! (Rires). Mais j’ai aussi vécu beaucoup de belles expériences. J’ai gravi des montagnes alors que je suis plutôt plage. Je n’ai pas juste découvert le monde, j’ai aussi appris à me connaître. »
UN NOUVEAU PROJET ?
« J’ai créé ce compte Instagram pour dire à ma maman que j’allais bien, aujourd’hui j’ai envie d’aider ceux qui n’ont pas de famille. J’utilise “ Mom I’m fine “ pour créer, à Kinshasa, un centre pour les “ enfants sorciers “. Le but est de leur apporter un soutien psychologique et de les aider à se réinsérer durablement dans la société. Ce sont des enfants abandonnés par leurs parents parce qu’ils apportent soi-disant la malchance. En réalité, les mères n’ont pas les moyens de s’occuper d’eux. »
UN CONSEIL AVANT DE SE LANCER ?
« Procédez par étapes. Prenez une feuille de papier et inscrivez-y les pays que vous voulez visiter, les périodes de l’année les plus propices pour y aller, etc. Petit à petit, votre plan va devenir concret et vous n’aurez plus envie de faire marche arrière. »
Quentin, 39 ans > Expatrié en Inde
LES DÉBUTS ?
« J’ai fait un échange à Bombay quand j’avais 18 ans. Je n’ai pas tellement étudié mais j’ai beaucoup voyagé et j’ai eu un coup de cœur pour l’Inde. De retour à Bruxelles, j’ai bossé dans le marketing sans grande conviction pendant un peu plus de dix ans. J’en ai eu marre et du jour au lendemain, j’ai quitté mon job et mon appart pour retourner en Inde. J’ai eu de la chance de trouver un travail très rapidement, j’ai bossé comme traducteur sur des séries de Bollywood. J’ai finalement rencontré une Indienne et on a décidé de vendre des gaufres belges. Notre boutique, Belgyum, est un vrai succès ! »
ET APRÈS ?
« Je suis très content d’avoir osé prendre mon destin en main. Mes proches ont essayé de me raisonner, ils voulaient que j’économise, que je retarde mon projet. En Inde, il y a un côté beaucoup plus positif et spontané qui me plaît. Les gens se lancent et s’ils se plantent, ce n’est pas très grave. C’est vrai que la pauvreté, la pollution et le manque de confort ne sont pas toujours évidents à gérer mais j’aime le chaos, la désorganisation de ce pays. Ici, tout est plus fort : les couleurs, les saveurs, les sensations... Je suis finalement revenu en Belgique pour me focaliser sur mon métier de consultant en identité de marque, mais je garde toujours contact avec mes associés de Belgyum et le projet se développe. »
L’APPORT D’UNE VIE À L’ÉTRANGER ?
« Après avoir vécu en Inde, j’ai un regard moins arrêté sur le monde, je suis plus tolérant. J’ai aussi pris conscience de la force de notre patrimoine. Je ne parle pas que de frites ou de chocolat, la Belgique a beaucoup de potentiel, il y a un savoir-faire, une sensibilité à valoriser. On ne devrait pas avoir peur de l’exporter davantage. »
UN CONSEIL AVANT DE SE LANCER ?
« Sans être totalement inconscient, ne tergiversez pas trop. La réflexion peut nuire à la spontanéité. Poursuivez vos rêves et même si votre expérience n’est pas concluante, il y a peu de chances que ce soit catastrophique.
Trois questions à se poser avant de tout plaquer
1 Suis-je vraiment prête ?
Avant de s’écrier « Hasta la vista, baby », on se pose deux minutes et on se demande si notre personnalité matche avec notre désir d’évasion. « Plus une personne est formaliste, attachée au passé et aux acquis, moins elle aura réellement l’envie de changer de vie. La mise en route pourra alors être très difficile, voire impossible », explique la psy Luce Janin-Devillars. « Pour certains, le fantasme de tout plaquer ne se concrétisera jamais, et c’est très bien comme ça, il participe simplement à leur équilibre psychique. Ne confondez pas coup de cœur passager et vrai besoin. Si je m’intéresse au bouddhisme, dois-je nécessairement m’installer en Asie ? ». Posez-vous la question : le désir de changement est-il présent depuis longtemps ?, puis faites des petits tests (partir en vacances toute seule, par exemple) avant de vous lancer.
2 Envie de partir ou coup de blues ?
Partir à l’autre bout du monde pour fuir un boss tyrannique ou un mec toxique, c’est tentant mais ce n’est pas forcément l’idée du siècle. « En changeant de pays, on peut avoir l’impression de tout régler mais en fait, on traîne toujours quelques valises avec soi. D’où la nécessité de se faire accompagner par un coach dans certains cas afin de faire le point sur son histoire, ses désirs profonds, ses vrais besoins », indique Luce Janin-Devillars.
3 Suis-je assez informée ?
Ce n’est pas parce que la décision de partir est prise qu’il faut illico remplir ses valises. On puise des infos sur le web mais aussi auprès des pros comme à l’Union francophone des Belges à l’étranger (UFBE). « Ce n’est pas compliqué mais il y a pas mal de petites démarches administratives à effectuer avant de s’installer à l’étranger et d’astuces à connaître. Financièrement, c’est plus intéressant de s’expatrier entre juin et août par exemple, parce qu’on casse son année fiscale en deux. Chaque cas est différent et les conseils que l’on trouve sur Internet ne sont donc pas toujours corrects », explique Diego Angelini, conseiller à l’UFBE.