Pour leurs collections de Master, année diplômante, celle qui décide de l’avenir de ces jeunes gens, et leur sert de carte de visite, chacun a pu exprimer son professionnalisme, jouer de l’aboutissement des scénographies, de célébrer son identité forte : ces designers émergents ont traduit en étoffes les potentiels de leurs talents. Et sur le catwalk, ils ont raconté des histoires :
Woojic Jo a développé une collection surréaliste impressionnante sur la fiction d’une boutique de tailleur qui serait tenue par Mister Bean. Une forme de délire décalé, extrêmement maîtrisé, et référencé (comme ce masque en forme de dinde de « Friends », inoubliable, dans les deux cas). Les accessoires, lunettes machines à coudre et chaussures doubles, étaient à la fois inspirants et hilarants. Avec sa narration de dandy maladroit, ce jeune designer qui a déjà oeuvré deux années auprès de Walter Van Beirendonck a développé plusieurs niveaux de lecture, et proposé une forme de langage culturel « mixé-décanté-explosé ».
Nastasia Fine a travaillé sur les tissus anciens et contemporains, pour imaginer un univers de poupées rebelles. Elle s’est inspirée de l’artiste japonais Araki, et a développé en assemblages de matières sa sensibilité combinée à des pièces solides. On a aimé sa poésie brodée, façon éloquente d’exprimer doublement ses émotions.
Raphaële Lenseigne, qui a fondé l’année dernière Adult, sa propre maison de souliers avec Shone Puipia (cliquez pour découvrir leurs collections, c’est édifiant!), a présenté une série fondée sur l’imagerie des désordres de la nature. Le résultat ? Créatif, organique et vibrionnant.
Yuki Hashimoto a tiré les fils de sa collection à partir des codes du camping et des constrastes de la nuit. Dans une nature twistée, la matériel réadapté à la survie urbaine est tombé à pic (de randonnée, évidemment).
Maximilian Welsch a revendiqué pour sa collection l’art qui réside dans le mélange d’erreurs humaines, de clichés, de critiques et de créativité. Il a mélangé les textures, mixés les saisons, les influences. Le résultat ? C’est ce qu’on obtient quand on veut tout faire à la fois, regard décalé et aigu sur l’industrie de la mode qui ne fait pas de concession au temps.
Lukas Spilka nous a emmené sur Mars. Les jeunes designers font souvent ça. Avec sa collection futuriste mixée avec les codes des anciens uniformes spatiaux, il a crée des pièces sexy qui rappelaient les bédés de science fiction des années 60. Et des robes en épingles à nourrices, parce que ça peut toujours servir. Bien sûr.
Joanna Chlust a conçu son travail autour du vestiaire masculin/féminin, mais destiné aux hommes, pour une fois. Les vestes de costumes devenaient peignoirs, les tissus aux couleurs d’automne brodés plongeaient, enfin, les garçons dans une sensualité sartoriale.
Rushemy Botter a fait le show sous l’eau, interprétant avec humour les questionnements sociologiques et écologique d’une jeunesse caribéenne qui cherche son chemin pour s’intégrer : il a exagéré les codes urbains pour mieux nous parler des îles, métaphoriques, à n’en pas douter.
Marta Twarowska vient de Pologne. Elle a évoqué, avec humour, une garde-robe où l’on porterait sur soi toute l’originalité en matière de décoration que le manque de ressource pouvait interdire à la population du temps du communisme. Ah, tous les intérieurs étaient uniformisés ? Marta propose d’habiller sa maison… sur soi. Motifs « tableaux », jupes « rideaux », masques « cristaux » : c’est symbolique, psychanalytique, et fort esthétique.
Sanan Gasanov a quant à lui déployé sur mannequin ses archives familiales : analysant les belles pièces que ses aïeules collectionnaient, il en a exacerbé la modernité, l’a poussée, l’a mixée. Il a déstructuré la tradition, et expliqué : « J’ai voulu créer une collection honnête, parce que la mode perd un peu de son sens ». (Notez bien, au passage, les bottes qui font manches…)
Si vous cherchez vous-mêmes le sens de la création, Anvers semble une excellente option.