Derrière les jolies créations d’Orta Store, il y a Marion Schoutteten, une jeune femme entrepreneure de 31 ans portée par l’envie de proposer une nouvelle manière de consommer la mode, plus responsable, accessible et transparente. Rencontre.
Française d’origine (mi-lilloise, mi-bretonne) mais bruxelloise d’adoption, Marion est arrivée en Belgique par amour. Depuis 2017 ans, elle est à la tête de la marque Orta Store qu’elle a lancé – en fond propre et avec 5000 € en poche – avec son mari Gauthier. À travers sa marque, elle fait le pari de proposer une mode made in Europe qualitative, tendance et accessible à toutes. D’ailleurs Orta signifie Objectif Responsable Tendance Abordable. Tout est dit.
Si on vous en parle régulièrement sur le ELLE.be c’est qu’en plus de proposer des pièces canons – qu’on adore et qu’on est plusieurs à porter à la rédaction -, la croissance d’Orta fait rêver. En quelques années seulement, l’équipe est passée de 5 à 20 personnes et bientôt 30, les stocks ont triplés, un award business a été décroché au passage, des collabs se sont mises en place, le lancement de Maison Orta (collection d’objets de décoration d’intérieur) a été célébré, des pop-up stores ont été ouverts, etc. Bref, rien ne semble arrêter Marion et son équipe qui bouillonnent d’idées. Un parcours impressionnant et inspirant. Une success story (Marion déteste le mot succès, elle a peur que ça lui colle la poisse). Et pourtant, il était une fois Orta, …
Orta Store, c’est qui, c’est quoi ?
Orta, c’est mon mari Gauthier et moi. Et aussi une équipe géniale sans qui peu de choses seraient possibles aujourd’hui. Après avoir bossé quelques années dans la mode, j’ai eu envie de me lancer. Je n’ai fait aucune école de commerce, je n’avais aucun contact dans la production mais j’avais un rêve. Mon mari m’a encouragé à y croire, il m’a poussée à me lancer. Et nous y voilà (rires) ! Nous proposons une collection par mois (à l’exception du mois d’août), imaginée à Bruxelles dans nos bureaux et conçue dans des usines situées au Portugal et en France, à des prix accessibles et pour toutes les femmes. La priorité va à la qualité des pièces et à l’origine des tissus. Mon objectif est de proposer des vêtements qui ont parcouru moins de 3000 km avant d’arriver dans les dressings de nos clientes. Nos créations, plutôt classiques au début, sont de plus en plus diversifiées. C’est l’avantage de la croissance, ça nous a permis d’oser en termes de couleurs mais aussi de pièces. Désormais, Orta c’est aussi des manteaux, des maillots, des chaussures, de la maroquinerie. En fait, ce qui nous est arrivé est un peu dingue. On a bossé pour mais jamais, en débutant, je n’aurais pu imaginer, je n’aurais pu rêver que 4 ans plus tard, on en serait là avec une telle équipe et autant de projet accomplis. Le mot qui me vient à l’esprit quand je pense à l’histoire d’Orta c’est : fulgurant.
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C’est important pour toi de travailler avec des partenaires européens ?
J’avais envie de proposer du made in Europe à prix accessibles. C’était une évidence : il y a encore un vrai savoir-faire industriel en Europe et une réelle éthique sociale dans les usines avec lesquelles nous travaillons. Sans parler de l’aspect écologique. Mais pour être honnête, au début, ce n’était pas si facile que ça. On a commencé sans expérience et sans contact. Quand j’ai débuté, on ne m’ouvrait pas les portes des ateliers. Je posais des questions mais j’avais du mal à obtenir des réponses. En 2 ans seulement, on est passé de quelques centaines de mètres de commande de tissu à plus de dix milles. Mes usines me disent qu’ils n’ont jamais vu une croissance aussi rapide. Aujourd’hui, tous ces acteurs de la chaine de production nous font confiance. Cette croissante nous a ouvert des portes, on a pris de l’ampleur et donc en s’associant avec d’autres acteurs importants du secteur, on a réussi à faire bouger les choses. C’est grâce à notre communauté et nos consommatrices qu’on a pu réaliser nos rêves. J’en suis très fière. À force de travail, on a réussi à faire bouger les choses. On travaille sur un énorme projet européen depuis plusieurs mois, qui arrive en avril 2022. Promis, ça va être incroyable !
Comment ça se passe au bureau ? Quel genre de boss es-tu ?
Je pense que je ne suis pas si facile #InstaVSréalité mais je pense être juste. Je suis très exigeante envers moi-même et j’attends la même implication de mes équipes. J’ai mille idées à la minute et je sais que ça peut être très fatiguant mais je veux que tout se passe dans la bienveillance. Malgré tout, je n’ai pas peur non plus de dire les choses. La croissance d’Orta m’a apporté aussi beaucoup de stress. J’ai beaucoup plus de responsabilités, j’ai une vingtaine d’employé.e.s, donc je dois prendre les bonnes décisions. Et une bonne décision, ce n’est pas forcément une décision populaire.
Quand as-tu su qu’il se passait quelque chose et que Orta prenait une nouvelle ampleur ?
Un gros tournant s’est produit milieu d’année 2021. Tout s’est accéléré. Beaucoup de projets ont abouti : on a déménagé dans de nouveaux bureaux parce qu’on manquait d’espace, de nouvelles personnes sont venues renforcer l’équipe, on a lancé les pop-up, ça représente une ouverture par mois dans une ville francophone européenne, une refonte du site, la vente de nos créations au 3e étage du Printemps Haussmann, en septembre 2021 on a triplé nos stocks pour remédier au problème de sold out qui frustrait beaucoup nos clientes, et là, je me suis dis waw !, on est en train de construire quelque chose de beaucoup plus grand. C’est cool, c’est excitant, ça nous offre plus de libertés. Je n’en reviens toujours pas.
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Est-ce que l’entreprenariat pour les femmes reste plus compliqué que pour les hommes ?
Je ne pensais jamais dire ça un jour mais oui, c’est un peu vrai. En fait, avant d’y être confrontée, mon discours c’était plutôt “mais allez les filles, quand on veut, on peut, faut juste se battre pour l’avoir”. Mais j’ai été victime de plusieurs situations qui m’ont fait changer d’avis, c’est une réalité. Par exemple, ça m’est arrivé pour la location de bureaux, la signature de mon mari était exigée alors que légalement, seule la mienne avait une valeur. Donc oui, les femmes entrepreneures sont encore aujourd’hui confrontées à des difficultés que les hommes n’ont pas. Mais le monde est en train de changer et donc, j’ai bon espoir pour l’avenir.
Tu es donc femme entrepreneure mais aussi maman et épouse, comment tu gères tout ça au quotidien ?
Je dirais que ma vie est un joyeux bordel (rires). Je ne vois pas mon fils en journée, pendant les horaires de boulot, mais je lui consacre mes week-ends et quand je suis avec lui j’essaie d’être à fond avec lui. J’ai besoin de ma famille au quotidien mais j’ai aussi besoin d’Orta au quotidien. C’est là qu’est mon bonheur, mon équilibre. Je suis heureuse et épanouie au bureau donc je le suis à la maison quand je rentre. Et puis, j’aménage mon confort aussi. J’ai une aide ménagère, j’ai une super nounou pour mon fils et j’apprécie le fait d’être indépendante et de pouvoir aménager mon temps comme je le veux. C’est un luxe que j’aime et dont je profite. Maintenant, il n’y a pas de secret, monter et diriger une entreprise c’est beaucoup de travail. Je prends très peu de congé (aucun ces 2 dernières années), je bosse en soirée et une partie des week-ends pendant les siestes de Marceau, par exemple. Bien sûr, j’aimerais passer plus de temps avec ma famille, mes amis, mes proches. Je me l’imagine très bien mais je ne vois pas encore comment le matérialiser aujourd’hui. Je rêve de plus de temps pour moi, de stabiliser l’équipe et de ne plus être indispensable au quotidien.
As-tu un conseil à donner à celles et ceux qui aimeraient entreprendre ?
Y croire et oser, tout en minimisant les risques. S’assurer d’avoir toujours un toit au-dessus de sa tête et de quoi remplir le frigo. Je pense que si on se donne à fond dans quelque chose, même si ça ne fonctionne pas, on en tirera toujours une leçon et ensuite, on en ressortira grandi. Si on se pose trop de questions, on n’avance pas. Si on se dit “pourquoi pas ?“, tout devient plus accessible. Enfin, il faut bien intégrer qu’un tel projet est une réelle course d’endurance et pas un sprint. Il faut persévérer pour réussir, il faut de la patience et ménager son corps et son esprit pour aller plus loin. Il est aussi très important de se satisfaire de chaque petite victoire et de les célébrer. Toujours. Pour tout résumer, je dirais que “qui ne tente rien n’a rien”.
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