Cher Saint-Nicolas,
Ça fait déjà trois semaines que je te croise à tous les coins de rue (fais gaffe avec ton régime yoyo, c’est pas sain de perdre et reprendre du poids aussi vite que ça. Hier, je t’ai à peine reconnu, tu avais fondu depuis la veille), mais ma mère veut que je t’écrive parce que ça se fait.
Elle a tout de même collé une photo de la présente lettre, avant relecture, sur Facebook, parce ce que c’est mignon. Et moi, si je peux l’aider à augmenter son Klout à coups de “likes”, je dis pas non.
Je profite de cette missive pour m’excuser pour mercredi dernier.
Quand on est venu te voir au supermarché, mamy-zinzin (la maman de maman), m’avait obligé à garder mon anorak fermé sur mon sous-pull parce qu’il y avait des courants d’air dans le hall du centre commercial. Du coup, j’avais chaud, ça me grattait à mort, et ça se voit sur la photo où je pose sur tes genoux.
En plus je m’étais un peu lâché sur le monstrueux gamin de devant qui m’avait marché sur le pied. Je lui avais mis une pichenette derrière la nuque, et j’avais ramassé une claque sur la main accompagnée d’un «On ne peut pas taper!» crié bien fort, avec écho (ça ne me semble pas logique comme méthode pédagogique, de frapper pour apprendre à ne pas frapper, mais je me garde bien de le signaler à mamy-zinzin, j’aime pas la polémique).
Certains enfants de ma classe disent que tu n’existes pas.
Moi je dis qu’on a le droit de croire si on veut, et même en Dieu si ça nous chante.
Mais si on ne croit pas, est-ce qu’on a quand même un cadeau? Dans le doute, je préfère me référer à ta haute autorité et te dresser ci-dessous la liste de mes souhaits.
J’ai entendu mes parents discuter du bienfondé d’offrir des jouets en plastique, fabriqués par des enfants, à d’autres enfants. Oui, ils se posent des questions difficiles comme celles-là. Ils sont chouettes, mes parents. Alors moi aussi je me pose des questions. Je ne suis pas en âge de regarder le journal télévisé, mais ça m’arrive quand même, et j’ai bien vu qu’il y avait des gamins moins bien nés, et pas forcément très loin.
Mon papy me raconte que lorsqu’il avait mon âge, il recevait une mandarine, un biscuit et un bout de bois pour la Saint-Nicolas, et que c’était très bien comme ça.
Je ne le crois pas parce qu’en calculant bien, je sais qu’il est né pendant les trente glorieuses, en plein « Baby boom », et que c’était une période de plein emploi. On ne me la fait pas à moi.
C’est sa génération qui a connu et soutenu l’accroissement de la production industrielle, donc son bout de bois, il devait être franchement bien verni !
Mon père, lui, me parle de Puissance 4, de Mastermind, de Simon, de Docteur Maboul, d’Hippos Gloutons, de peluche Kiki, de Spirograph et de pétards Tigre. Il me raconte, quand il était petit, des après-midis entiers à jouer à Cluedo ou à Risk, et ça me fait une belle jambe puisqu’aujourd’hui, il n’arrête pas d’interrompre notre partie de Caddy Crush pour checker son Twitter.
Je ne devrais pas balancer, mais je me demande tout de même pourquoi ma copine a commandé une troisième poussette Hello Kitty pour sa poupée chauve au lieu d’un chouïa de bon sens. Mais c’est démago comme idée, me souffle un de mes potes de récré.
J’aimerais bien te dire que je préférerais troquer mes cadeaux contre la paix dans le monde, l’égalité entre les individus et les peuples, le respect des droits de l’Homme et de l’Enfant, mais j’ai quand même super envie d’un microscope et de l’équivalent de mon poids en chocolat.
Alors fait au mieux, comme tu peux et comme tu dois.
Cherche pas la cheminée, il n’y en a pas, et la fumée que tu vois, c’est celle de la chaudière. Fais gaffe aussi à l’alarme, on a un voisin tatillon qui risque bien de t’envoyer deux ou trois marrons si tu tentes de pénétrer chez nous la nuit.
Je t’embrasse de loin parce que je dois me méfier des types que je ne connais pas.
A demain !