Lea T en cover du ELLE Brésil

TÉMOIGNAGE

Louis, coordinateur du pôle jeunesse de l’association Genres Pluriels

« Je m’appelle Louis et j’ai 28 ans. Lorsqu’on me rencontre pour la première fois, on ne sait pas forcément que je suis transgenre. Mais dès que les gens l’apprennent, j’ai droit à une série de questions indiscrètes, du style ‘Tu fais comment au lit ?’ La curiosité est humaine mais ce n’est pas parce que vous avez une personne transgenre en face de vous, que vous pouvez tout vous permettre. Je ne demande pas à ma boulangère si elle a effectué une chirurgie vaginale… Je n’ai toujours pas pu modifier la mention de mon sexe sur mes papiers d’identité. La loi de 2007 est toujours d’application et je considère que ses conditions sont contraires aux droits humains. J’estime que l’État n’a pas à exiger que je passe par un psychiatre, une stérilisation forcée, etc. Le problème, c’est que mon établissement scolaire refuse de reconnaître mon identité et j’ai été obligé de suspendre mes études à cause de ça. La direction m’a informé qu’elle ne pouvait pas changer mon prénom sur les documents officiels à cause du système informatique. Pourtant, une étudiante trans a obtenu exactement ce que je demande il y a des années…

MODIFIER MON PRÉNOM SUR DES DOCUMENTS N’EST PAS JUSTE UN ACTE SYMBOLIQUE.

Ça a aussi des conséquences très pratiques. Si je veux postuler pour un job, je vais écrire mon C.V. au masculin mais mon diplôme sera au féminin. Je serai donc forcé de faire un coming out auprès de mon potentiel employeur. Et les études montrent que les personnes transgenres sont victimes de discrimination à l’embauche… Il faudrait une directive claire du cabinet Marcourt mais certaines écoles font déjà un effort. L’ULB a par exemple décidé de modifier son système informatique pour que les étudiants puissent utiliser leur prénom d’usage. C’est un super message. Le problème, c’est qu’une majorité d’écoles pensent encore que c’est interdit.

JE PENSE QUE LA SITUATION BOUGERA LORSQU’ON PARLERA MIEUX DES TRANSIDENTITÉS.

Forcément depuis dix ans, j’ai remarqué une évolution. Les discours sont plus nombreux que lorsque j’étais ado, mais pas toujours corrects. Ça reste encore un sujet nouveau pour beaucoup de personnes. Les personnes trans sont également plus présentes dans les films et les séries mais elles ne sont souvent réduites qu’à leur transidentité. Ça occulte parfois de vrais enjeux de société comme la discrimination à l’embauche, les problèmes d’accessibilité aux soins de santé, etc. Je conseille à tout le monde de regarder “ Her Story ”, une web-série où le personnage trans n’est pour une fois pas “ exotisé ”.Même s’il y a encore beaucoup de personnes conservatrices, j’ai l’impression que les gens sont plus ouverts au dialogue qu’il y a dix ans. Les tabous se lèvent doucement, je ressens moins de peur. C’est grâce aussi à l’activisme qui s’est développé en Belgique. Genres Pluriels a été créée il y a quelques années, par trois personnes qui ont constaté qu’il n’y avait aucune association trans chez nous. Aujourd’hui, il est beaucoup plus facile de trouver de l’information bienveillante. La Belgique a beaucoup de potentiel mais il ne faut pas se reposer sur nos lauriers. Tout n’est pas gagné.»

Petit lexique pratique

> > Une personne transgenre, c’est une personne dont l’identité de genre (le fait de s’identifier comme homme, femme ou entre les deux) est différente de celle qu’on lui a assignée à la naissance. On parle aussi de transidentités.

> > On évite le terme «transsexuel» (la sexualité n’a rien à voir là-dedans) et on ne parle pas de «changer de sexe». Comme l’explique Genres Pluriels, «le sexe d’une personne se définit par de nombreux critères (chromosomes, hormones, organes internes et externes…), certains non modifiables. Quels que soient les choix d’une personne trans quant à son corps, il est impossible de changer de sexe.» On préférera donc dire «changer d’expression de genre».

> > De 1993 à juin 2016, 885 personnes ont effectué la procédure légale permettant de changer la mention du sexe sur la carte d’identité. En Belgique, environ 3% de la population serait transgenre.

VOUS PENSEZ ÊTRE VICTIME D’UNE DISCRIMINATION ? 

Prenez contact avec l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes via le numéro gratuit 0800/12 800, par mail egalite.hommesfemmes@iefh.belgique.be ou sur le site http://igvm-iefh.belgium.be. Les dossiers sont traités gratuitement, en toute confidentialité et toujours avec l’accord de la personne qui a introduit le signalement.