SON INTERVIEW FEEL GOOD

Lors de notre entretien avec Alicia, à New York, dans un studio réservé pour le shooting, on a découvert où elle puisait sa force. Le genre de force qui pousse des millions de fans à l’écouter et à l’imiter. Alicia fixe ses interlocuteurs dans les yeux, poignée de main sincère et sourire chaleureux. Pendant la séance photo, elle pose avec assurance. Habillée par Louis Vuitton, Valentino et Miu Miu, elle entrouvre les lèvres, ferme les yeux et lève le menton d’un centimètre. Ses mouvements, délicats, magnifient les photos. Dans le studio, personne n’en croit ses yeux. « Elle a l’air d’avoir 20 ans ! », affirme l’un de ses assistants alors que l’autre, les yeux rivés sur Spotify, recherche le morceau le plus adapté pour accompagner les poses de sa boss.

Après près de sept heures de shooting, elle remet une tenue de tous les jours : une veste en jeans et un pantalon imprimé d’étoiles, des lunettes de soleil roses effet miroir et une paire de sandales compensées Stella McCartney. À 36 ans, Alicia a connu de beaux moments dans sa vie -personnelle et -professionnelle. Fin 2016, elle sort « Here » qui marque le début d’une nouvelle phase. Plus que jamais, Alicia veut faire passer un message : « Sois toi-même ». Peu avant sa sortie, elle a publié une lettre ouverte sur le site web de Lena Dunham dans laquelle elle lance le mouvement #nomakeup, destiné à bouleverser les standards de beauté.

« Ça peut paraître ridicule, mais je pense que de nombreuses personnes tombent dans ce piège. Nous accordons trop d’importance à ce que pensent les autres et oublions de réfléchir par nous-mêmes », affirme-t-elle. Sur la pochette de l’album, elle apparaît sans maquillage, avec ses taches de rousseur et ses cheveux naturels. La chanson « Girl Can’t Be Herself » véhicule le même message : « Quand une fille ne peut plus être elle-même/Je voudrais juste pleurer pour le monde/Le matin à la minute où je me lève/Et si je n’ai pas envie de mettre tout ce maquillage ? »

Le jour du shooting, elle opte pour des astuces beauté plus naturelles. Chichi Saito, une make-up artist de New York, originaire de Tokyo, a préparé des masques et crèmes hydratantes pour la mise en beauté. Elle utilise un petit rouleau en pierre de jade préalablement refroidi au réfrigérateur pour donner de l’éclat au teint. Pendant la séance photo, elle a recours à de simples mouchoirs pour matifier le visage d’Alicia. « Ce n’est pas seulement une question de porter ou non du maquillage. Il s’agit plutôt de vivre, de se sentir bien et d’explorer cette sensation », explique cette dernière alors que son coiffeur replace ses tresses de couleur.

/ « Girl Can’t Be Herself », sur votre dernier album, reflète votre sentiment du moment. Quand avez-vous entamé cette recherche de votre identité ?

A.K. « Je pense que j’ai réalisé à quel point tout ça peut être oppressant, surtout pour les femmes. J’ai commencé à remarquer de faux standards de beauté : comment vous devez vous habiller, de quoi vous devez avoir l’air ou encore comment vous devez vous comporter. Si vous n’êtes pas assez féminine ou que vous êtes trop masculine (et j’ai toujours été un garçon manqué, je n’ai jamais été très fille), nous endurons tout ça et finissons par nous perdre. Nous ne savons plus qui nous sommes, ce que nous aimons. Nous devenons une norme. Et c’est comme ça qu’une fille de mon gabarit, avec de grosses jambes, des fesses imposantes et des muscles peut perdre confiance en elle en se sentant jugée. Je m’aime comme je suis et on m’a toujours encouragée à rester fidèle à moi-même. Mais la situation aurait pu être différente. »

/ Vous avez déjà été jugée ?

A.K. « Oui. Et quand je me suis rendu compte de l’impact que ça avait sur moi et que je devenais en quelque sorte ce que les autres attendaient de moi (comment me maquiller, comment rester mince), j’en ai eu marre de tout ça. Marre de devoir être comme ceci ou comme cela au lieu de pouvoir être moi-même. Je me suis sentie tellement bien lorsque j’ai ouvert les yeux. Quand j’ai arrêté de me maquiller, je ne me reconnaissais plus dans le miroir. Et ça m’a pris un certain temps avant de me dire : « C’est moi. » C’était génial ! Il s’agit d’un processus perpétuel de découverte personnelle dénué de jugements, d’inquiétudes et de stéréotypes. Lorsqu’un ami m’a récemment avoué qu’il n’aimait pas mon look, je n’y ai pas accordé d’importance. Auparavant, je me souciais de ce que les gens pensaient. Ça fait un bien fou d’être heureuse. Parce que moi, j’aimais ce que je portais. »

/ Passez-vous plus de temps à prendre soin de votre peau depuis que vous avez arrêté le maquillage ?

A.K. « Il existe des trucs simples. J’ai appris que je pouvais mettre de la glace sur mon visage pour favoriser la circulation, mais aussi certaines huiles. Je n’y avais jamais pensé car j’ai toujours eu la peau grasse et j’imaginais que des huiles ne feraient qu’aggraver les choses. J’en apprends tous les jours, j’expérimente. Par exemple, je bois énormément d’eau ou pas du tout. Ça dépend des jours. Et je remarque la différence… (Rires) »

/ Quelle est votre définition du bonheur ?

A.K. « Pour être heureuse, j’ai appris à apprécier la perfection de l’imperfection. J’aime voir les choses de cette façon. Après tout, c’est quoi, la perfection ? Ça me semble abstrait. J’aime l’idée de l’imperfection. Ça me rend heureuse et nous devrions tous nous demander ce qui nous rend heureux. L’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée est primordial. J’ai toujours travaillé dur. Et nous, les Américains, sommes conditionnés pour réussir, pour atteindre nos objectifs. Je pense que le reste du monde comprend ce qu’est la vie. Les Américains manquent d’équilibre. Et moi, je veux trouver cet équilibre. Je ne veux pas me lever le matin épuisée, sans jamais prendre le temps d’être heureuse. Ce n’est pas une vie… »

/ Nous devons être efficaces pour avoir du temps libre.

A.K.« Oui, j’aime le mot “ efficacité ” car il implique de ne pas en faire trop. On fait ce qui doit être fait. Nous devons apprendre à vivre et à atteindre une certaine qualité de vie plutôt que de réfléchir en termes d’objectifs. »

/ Comment vous imaginez-vous dans dix ans ? Vous aurez 46 ans.

A.K. « Je veux être plus sexy que jamais ! Pour ma confiance en moi et ma paix intérieure, mais aussi pour être qui je suis et apprendre à me connaître encore davantage. Une personne qui sait qui elle est, c’est très sexy. Je veux être au top, apporter quelque chose au monde. »

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