10 questions à Véronique Vermeire, scout chez Dominique Models.
On dit “chasseuse de têtes” ou “scout” (prononcé à l’anglaise), Véronique Vermeire arpente les rues à la recherche des nouveaux visages de l’agence de mannequins belge. Comment fonctionne-t-elle ?
Scout, c’est quoi ?
Je suis à la chasse des “new faces” de l’agence Dominique Models. Je scrute, repère et contacte de futurs mannequins qui bosseront alors pour des campagnes publicitaires, des créateurs, etc.
Où chassez-vous ?
Festivals, concerts, shopping malls, cela dépend du temps. L’idée, c’est de se retrouver dans les lieux où se réunissent les ados.
Un bon baromètre, ma fille de 17 ans qui me dit: “tiens, aujourd’hui, c’est un temps pour aller au cinoche !” Alors je vais me poster à l’entrée du Kinépolis pour scouter.
Le matin, ma première question: « Si j’étais une ado, qu’est-ce que je ferais aujourd’hui ? ” En période d’examens, impossible de scouter. Par contre, dès le dernier jour, tout le monde est dehors !
C’est une stratégie à mettre en place, très importante, parce qu’elle détermine si je vais croiser des gens intéressants ou pas.
Une fois que j’ai décidé dans quelle ville je voulais travailler (Gand, Louvain-La-Neuve, Anvers…), je me poste dans le triangle d’or des magasins de fast-fashion H&M-Zara- &co.
Mon meilleur vivier à jeunes recrues ? Les festivals et les concerts de jeunes artistes comme Justin Bieber, One Direction, Taylor Swift…
Scoutez-vous à l’étranger?
Il m’arrive d’être en vacances et de repérer une Belge et de la recruter. Ça m’est déjà arrivé à Londres, par exemple. Mais je ne scoute jamais d’étrangère. Je ne vais pas aller dénicher une fille au Danemark pour la Belgique, ça n’a pas de sens.
Combien de filles par jour ?
Une ou deux quand c’est une bonne journée ! Le matin, je me dis que je n’ai pas perdu mon temps si j’en trouve une. Les critères sont tellement exigeants que c’est largement suffisant.
Parfois, je m’arrache les cheveux parce qu’après plusieurs journées je ne trouve personne !
À quoi pensez-vous quand vous scrutez les gens?
Tous les critères défilent très vite ! La première question que l’on se pose, c’est “est-ce qu’il ou elle est photogénique ?
Dès qu’une fille est grande (il faut au moins 1m75), jeune et mince, je fonce. Je n’hésite pas. Après, on verra si elle est photogénique. La photogénie ne se voit pas, malheureusement. Seul l’objectif peut trancher.
Je regarde également la grosseur des lèvres, la structure du menton, l’écart des yeux, tout ça doit aller très vite parce que la fille ne sait pas que je la suis… Si elle me passe sous le nez et que je me dis que je la retrouverai plus tard, on oublie. Je sais que je l’ai perdue et que j’aurai des regrets.
Il vaut donc mieux en repérer trop et après leur demander leur nom de famille pour faire un tour sur Facebook et checker leur photogénie.
Quel l’âge faut-il avoir ?
L’âge pour entrer dans une agence et bosser, c’est 16 ans. J’ai déjà scouté des gamines de 12 ans, mais c’est trop tôt. Il m’arrive souvent de scouter de jeunes filles de 14 ans, elles ne peuvent pas travailler tout de suite, alors j’observe leur évolution.
Si la fille n’est pas prête dans sa tête, je lui laisse le temps de s’épanouir, de grandir et de prendre de l’assurance. Cela peut durer des mois, 6 mois, un an, deux ans. Pendant cette période, je les fais venir régulièrement à l’agence, je les mesure et elles participent aux fêtes.
Si une fille est photogénique, mais trop petite ?
Nous avons une catégorie « Talents » pour les personnes qui ne défilent pas, mais qui participent à des campagnes. Elles sont jolies, photogéniques, mais plus petites. Finalement, tout le monde a sa chance.
Je scoute des gens caméragéniques, qui se sentent à l’aise devant une caméra, pour les pub par exemple.
Je repère aussi les mannequins plus size ou les personnes plus âgées, car nous recrutons beaucoup de personnes pour la publicité.
Sans oublier les garçons ! Je scoute beaucoup d’hommes.
Est-ce qu’il y a des tendances physiques ?
L’écart entre les dents de Georgia May Jagger, les gros sourcils de Cara Delevingne, y’a-t-il des traits physiques plus à la mode que d’autres ?
Non, chez les femmes pas vraiment. Pour les garçons oui, il y a par exemple beaucoup de demandes pour les hommes barbus, ou mal rasés. C’est le retour de la virilité. Les tatouages, les cheveux mi-longs. Cela fait déjà quelques saisons que le mec lisse n’a plus la cote.
Pour les filles, il y a moins de tendances : elles sont longues et fines. Point. (Et puis, tout est permis !)
Comment se passe l’abordage en rue ?
Je me présente à la demoiselle ou au jeune homme, je lui dis que je travaille pour l’agence Dominique et que je recrute de jeunes talents.
Je préviens que je ne m’engage pas à la recruter, que je l’ai juste repéré. Cela évite toute désillusion.
Ensuite, je demande l’âge. Si il/elle est mineure, je prends contact avec les parents. Il est très important d’avoir l’aval des parents. Je pense à ma fille et je m’imagine qu’elle est accostée comme ça en rue… Il faut être professionnel, avec une carte de visite entre autres.
Est-ce un avantage d’être une femme quand on scout ?
C’est impossible autrement. Nous recrutons pas mal de scouts dans beaucoup d’endroits et on ne prend jamais d’hommes hétéros. C’est soit un homo, soit une femme.
Il faut que la fille se sente à l’aise.
Comment les personnes scoutées réagissent-elles ?
Cela dépend de ceux qui les accompagnent !
C’est très marrant, les garçons entourés de copains vont faire croire qu’ils ne sont pas intéressés, mais vont prendre la carte. Et ce sont les premiers à appeler le lendemain.
Les filles entre elles sont très excitées : Et moi ! Et moi ! Malheureusement, je ne prends pas tout le monde…
Quand les parents sont là, je parle rarement à la jeune fille, je m’adresse directement à la maman. C’est plus professionnel.
Comment se passe le rendez-vous ?
Une fois recrutés en rues,les filles et les hommes repérés passent à l’agence où ils sont mesurés et photographiés.
Ensuite, je demande à mes collègues de les voir. Il faut que tout le monde soit convaincu. Les interrogations commencent: qu’est-ce qu’on fait ? On lui fait faire un test ? On attend ? Si on sent qu’elle en veut, on ne la lâche pas. Si elle n’est pas pressée, on l’encourage à terminer son année et on se revoit en été.
Qu’est-ce qui est le plus stimulant dans votre job ?
Quand des mannequins qu’on a repérés sont partout. Qu’ils font plein de shows, de campagnes. C’est super gratifiant. Je suis fière.
Par contre, c’est un boulot parfois très frustrant. Souvent, j’arrive à l’agence avec une jeune fille en pensant qu’elle sera prise et ce n’est pas le cas. Ça arrive de moins en moins (heureusement), parce qu’avec les années, je sais ce qui marche ou pas. Mais parfois des filles sont recalées et c’est dur. Certaines filles que l’on a recrutées jeunes ne grandissent pas, c’est aussi une déception.
Quelles sont les filles que vous avez scoutées et en qui vous croyez ?
Romi (sur la photo), Lisa Michiels, Inne Neefs, Manou… il y a plein de jeunes filles incroyables !
Comment devient-on scout ?
Il n’y a aucune formation pour cela. Il faut avoir l’œil, comprendre ce que le marché recherche. J’ai travaillé pendant des années au sein de l’agence, je faisais du booking et, progressivement, j’ai fait des repérages et un jour on m’a dit « Véronique, tu as l’œil, tu devrais devenir scout ! » Aussi simple que ça.