L’avis de la pro des fourneaux

ISABELLE ARPIN, cheffe étoilée 

« Dans tout le Benelux, il n’y a que six cheffes étoilées. Proportionnellement,
les hommes sont donc beaucoup plus nombreux et je pense que c’est pour
ça qu’on entend moins parler des femmes. À Culinaria, le festival gastro de Bruxelles, j’étais la seule parmi une trentaine de chefs. Et pourtant, je sais très bien que les organisateurs n’ont rien contre les femmes. Peut-être que certaines filles recherchent moins l’attention médiatique, d’autres ont une vie de famille et n’ont pas le temps pour les événements presse. C’est vrai que j’exerce un métier contraignant, on travaille le soir et les week-ends mais les infirmières le font aussi. Les enfants ne constituent pas un frein, il y a plein de cheffes étoilées qui en ont et ça ne les empêche évidemment pas de performer au travail.

PERSONNELLEMENT, JE N’AI JAMAIS EU DE PROBLÈMES AVEC LES HOMMES EN CUISINE.

Je ne dis pas que ça n’existe pas, il y a des filles qui se font persécuter, mais pas plus que dans d’autres professions masculines j’ai l’impression. Il y a des chefs sexistes mais tous ne sont heureusement pas comme ça. Homme comme femme, il faut se battre et faire sa place, moi j’essaie d’utiliser l’humour pour me faire respecter. Certains affirment que les filles n’ont pas leur place dans ce milieu parce que c’est un boulot trop physique mais je ne suis pas d’accord avec ça. Oui, c’est fatigant mais pas plus pour nous que pour les mecs ! Ça dépend des constitutions. J’ai déjà entendu des hommes me dire qu’ils avaient mal aux pieds à force de courir partout, ils ne sont tout simplement pas faits pour ce job.

QUAND ON ME DIT QUE JE RÉALISE DES ASSIETTES “FÉMININES”, ÇA NE M’ÉNERVE PAS MAIS JE NE COMPRENDS PAS.

Je ne sais pas ce que ça veut dire. Pour moi, ce n’est pas une question d’herbes, de fleurs ou de couleurs, il y a plein de chefs masculins qui le font. Et pourtant, on
ne leur dit jamais à eux que leurs plats sont féminins ou délicats. Quant aux guides consacrés aux cheffes, je n’ai rien contre mais je ne suis en revanche pas convaincue par les concours où il existe une catégorie spéciale pour les femmes. C’est toujours agréable d’être nominée mais pourquoi ne pas réaliser un classement commun ? On ne fait pas de distinction homme/femme pour le prix Nobel par exemple. Est-ce qu’il y aura bientôt une section pour les gays, les blonds ou les plus âgés ? (rires). Ça permet de mettre en avant les femmes dans la cuisine mais c’est une initiative à double tranchant.»

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