Ils ont troqué l’ordi pour l’établi et comparent l’artisanat au nirvana. La vague d’intellectuels ayant opté pour un métier manuel grossit à vue d’œil… Rencontre avec des (p)artisans de sens.

JONATHAN WIEME ( 33 ans ) –  NIYONA 

D’INFORMATICIEN À ARTISAN SELLIER-MAROQUINIER 

Des appréhensions avant de te lancer ? 

« Je n’étais pas du tout stressé par le côté financier. Pendant nos deux premières années, on travaillait dans la menuiserie de mon beau- père, avec de la sciure de bois qui tombait sur nos créations (rires). Lorsque j’ai trouvé un bel atelier, j’ai directement fait une offre sans savoir que c’était un engagement ! J’avais 26 ans, j’étais naïf mais le fait d’avoir des objectifs financiers nous a boostés. On essaie d’être les meilleurs dans ce qu’on fait. »

Les réactions de tes proches ? 

« Ma famille m’a toujours soutenu mais, même après sept ans, je crois que ma maman attend toujours que je dise : “J’arrête le cuir et je retourne en agence de pub” (rires). Certains potes ne comprennent pas mon choix d’exercer un métier manuel. Pour eux, j’avais une vie cool et un bon boulot, ils ont l’impression que je recherche les difficultés pour rien. Ça m’arrive d’être stressé et fatigué mais quand je revois mes anciens collègues, dix minutes suffisent pour que je me dise que j’ai pris la bonne décision. »

Les avantages d’un job manuel ? 

«J’adore apprendre de nouvelles techniques. Ce sont des compétences acquises que je peux transmettre. C’est un peu comme si je construisais un mur, brique par brique. Je n’avais pas du tout cette impression dans mon ancien job, le digital, c’est trop volatil. On a gagné plein de prix lorsque je travaillais dans la pub mais quand je regarde mes projets, ils ont mal vieilli. La technologie a évolué et les campagnes ne sont plus visibles. Aujourd’hui, je crée des objets physiques qui résisteront à l’épreuve du temps. Et mon savoir-faire ne peut pas se remplacer en un claquement de doigt. »

Artisan, un métier accessible ? 

« J’ai l’impression que le pas est plus facile à franchir. Avant, c’était très codifié, il fallait suivre des étapes bien précises. Aujourd’hui, on peut devenir artisan plus simplement, on donne des cours de maroquinerie à l’atelier par exemple. On fait aussi partie d’une génération qui a envie de s’épanouir, d’être libre et de ne plus forcément suivre le chemin des parents. »

Un métier d’avenir ? 

« J’en suis convaincu. Ce sont de vieux métiers qu’on peut réinventer et moderniser, il y a une revalorisation de la profession. On estime parfois que la moitié des jobs seront effectués par des robots dans une vingtaine d’années mais les artisans sont préservés. Ils ont une certaine “patte”, une créativité qui ne pourra jamais être remplacée par une intelligence artificielle. »

Un moment particulièrement heureux ? 

« L’assistant du chef étoilé Thierry Marx nous a contactés pour qu’on lui confectionne un tablier en cuir, on ne savait même pas qu’il connaissait notre existence ! On rencontre plein de gens intéressants et à chaque fois qu’on a un retour positif des clients, c’est super motivant. »

Un conseil ? 

« Se lancer. Ce n’est pas parce qu’on quitte un métier plus intellectuel pour un métier manuel qu’on ne peut pas y revenir.»

> Niyona