AMANDINE MAZIERS ( 39 ans ) – HAUT LES CŒURS BRUXELLES
DE JOURNALISTE À FLEURISTE
Les débuts de Haut les coeurs ?
« J’ai fait Sciences Po en France parce que c’était considéré comme la voie royale pour être journaliste. Ça fait dix-neuf ans que je travaille à Bruxelles, j’ai fini par être rédac’ cheffe du magazine Victoire mais je me suis toujours dit que je ne ferais pas le même métier toute ma vie. J’avais plein d’idées donc j’ai fait une petite liste très scolaire et j’ai choisi naturellement les fleurs. Je faisais déjà des bouquets pour moi et j’avais de chouettes retours sur Instagram. J’ai aussi eu envie de me lancer dans une activité qui a du sens. On ne le sait pas forcément mais c’est une industrie super polluante. La majorité des fleurs viennent de grosses serres hollandaises, d’Afrique du Sud et du Kenya où les gens bossent dans des conditions déplorables. Mon idée, c’est de sélectionner des fleurs bio, locales et de dire d’où elles viennent, comme pour les fruits et légumes. »
Et après?
« J’ai fait une formation pour me sentir légitime et je me suis retrouvée entourée de vrais fleuristes. J’étais la seule novice mais personne ne l’a remarqué, je me suis vraiment sentie dans mon élément. Et ça a été le déclic. Aujourd’hui, je vais chercher ma matière première chez les producteurs, directement dans les champs de Belgique, et je réalise mes bouquets chez moi. Ce sont des fleurs très différentes de ce qu’on a l’habitude de voir. Elles ont ce côté imparfait que j’aime parce qu’elles sont élevées à l’air libre, sans une tonne d’engrais. Mes créations sont ensuite livrées à vélo, dans les 19 communes de Bruxelles. »
Ton état d’esprit depuis le lancement ?
« Je me sens super bien ! J’avais envie de retravailler avec mes mains, je n’en avais plus du tout l’occasion ces dernières années avec mon métier de journaliste. Le changement radical de carrière s’est fait assez naturellement, c’est redevenu cool ce côté savoir-faire à l’ancienne. J’étais stressée à l’idée que mes bouquets ne plaisent pas mais c’est très apaisant comme travail. On prend son temps, on choisit dans quel sens on va disposer la fleur… (rires). Et puis la partie intellectuelle est bien présente. Le secteur des fleurs bio et locales est en pleine expansion mais tout est encore à faire. Il y a plein d’idées à développer, de partenariats à mettre en place… »
La réaction de tes proches ?
« J’ai été soutenue mais la première réaction de mes parents, ça a été de dire:“Mon dieu, tu as étudié à SciencePo, qu’est-ce que tu vas faire avec des fleurs ? ” (rires). Les gens estiment en général que c’est osé parce qu’ils ont l’impression que j’exerçais un job de rêve : je bossais pour un magazine de mode, j’assistais aux défilés… Tout le monde m’a aussi affirmé que je devrais me lever tôt mais comme je travaille en direct avec les producteurs, je vais chercher mes fleurs quand je veux. »
Les réseaux sociaux, l’atout des néo-artisans ?
« C’est sûr, je me suis fait connaître grâce à Facebook et Instagram. Il y a quinze ans, ça n’aurait pas été possible ! Les réseaux sociaux sont des facilitateurs, ils ont changé plein de choses au niveau du business. Le resto Chyl a récemment posté l’un des mes bouquets sur sa page Insta, c’est de la pub gratuite, j’ai récolté 300 nouveaux followers en une journée ! »
Un cool souvenir ?
« Une fille m’a acheté des fleurs en ligne et il y a eu un bug au moment de passer la commande. Lorsque je lui ai envoyé un message pour lui dire que le paiement avait été effectué, elle m’a raconté que c’était son bouquet de mariée. La cérémonie se déroulait le lendemain ! C’était touchant et j’ai adoré ce petit grain de folie. »
Un conseil ?
« Ecouter la petite voix au fond de soi. Il y a plein d’aides qui existent, le seul véritable obstacle, c’est nous-mêmes. »