La Haute-Couture, c'est un espace de liberté pour les Maisons de mode. L'occasion de montrer un savoir-faire inestimable, et de donner l'impulsion de la collection prêt-à-porter qui suivra. Même si on ne peut pas s'offrir ces pièces exceptionnelles, il faut écouter ce qu'elle nous racontent de l'été.
Dernier rempart à la disparition des « métiers de la main », en France notamment, la Haute Couture pérennise un savoir-faire qui fait la fierté d'ateliers familiaux ancestraux, et qui ne peut plus se transmettre que grâce au soutien de quelques maisons qui se raréfient. Si la maison Chanel rachète des manufactures de métiers d'Arts, d'autres marques leur confient « simplement » la façon de leurs collections qui nécessitent parfois des milliers d'heures de travail, à la main évidemment, pour une seule robe.
Cette saison à Paris, 10 nationalités étaient représentées au calendrier officiel, « seulement » 14 membres labellisés (Adeline André, Alexandre Vauthier, Alexis Mabille, Chanel, Christian Dior, Franck Sorbier, Giambattista Valli, Givenchy,
Jean-Paul Gaultier, Julien Fournié, Maison Margiela, Maurizio Galante, Schiaparelli, et Stéphane Rolland), des « membres correspondants » invités (Giorgio Armani Privé, Elie Saab, Victor & Rolf, Valentino). 17 maisons ont de leur côté été conviées à présenter leur collection (Af Vandevorst, Antonio Grimaldi, Azzaro Couture, Galia Lahav, Georges Hobeika, Guo Pei, Hyun Mi Nielsen, Iris Van Herpen, Maison Rabih Kayrouz, Proenza Schouler, Ralph & Russo, Ronald Van Der Kemp, Ulyana Sergeenko, Xuan, Yuima Nakazato, Zuhair Murad, et Christophe Josse).
Si on ne peut pas forcément s'en acheter, on doit les observer, partager leurs images, les applaudir. La reconnaissance, c'est l'une des conditions de leur existence.
Iris Van Herpen nous montre l'art et la matière
La créatrice néerlandaise aux collections cybernétiques, aux techniques de fabrication avant-gardistes et à l'approche de l'industrie de la mode futuriste, a grandi sans appareils électronique. Elle dansait dans sa chambre, au son d'une musique imaginaire. Danseuse professionnelle, elle a décidé de sublimer les mouvements du corps en vêtements oniriques. Iris Van herpen consacre une partie importante de son temps à communiquer par Skype avec les plus grands scientifiques de notre époque, pour composer des collections dans des matières qui quelques secondes avant… n'existaient pas. Ses robes de science-fashion, inspirées de la dé-puis-re-composition atomique des matières, font apparaître de somptueuses jupes défragmentées d'imprimantes 3D et de tubes à essai. Elle est pionnière dans cette recherche, et pour son dernier défilé Couture, à la scénographie enchanteresse comme elles le sont toujours, elle avait placé le tissu est placé dans une imprimante 3D qui utilisait la technologie PolyJet, pour imprimer différents matériaux simultanément. La robe a été imprimée directement sur tulle de 0,8 mm d'épaisseur, puis le matériau de résine a durci une fois exposé à la lumière ultraviolette. Les chercheurs ont développé un modèle paramétrique pour traduire les modèles 2D en données 3D, définissant les variations de couleur et de transparence. Après 260 heures d'impression 3D, les pièces ont obtenu leur forme finale après le post-traitement lorsque les contraintes dans le matériau déforment les éléments imprimés. Cette conception est une fusion de la modélisation 3D numérique contrôlée avec précision et de la nature analogique moins prévisible de la déformation. La mode, un artisanat traditionnel ? Pas sous l'oeil d'Iris.
Schiaparelli valorise les investissement sur le long terme
Bertrand Guyon, le directeur artistique, trouve ses marques et fait décoller la vénérable Maison fondée il y a plus de 60 ans, et réveillée par l'homme d'affaire Diego Della Valle. Sa décision semblait courageuse, en 2015, de redévelopper un studio de Couture alors qu'il aurait pu opter pour la facilité : des sacs et des parfums, en y apposant le nom de Schiaparelli. Mais il a longuement étudié le marché, observé les réactions, il a injecté les investissements nécessaires. Le marché est sursaturé, Schiap ' change donc de stratégie, pour prendre le contre-pied, en explorant un univers qui n'a pas encore été récupéré. La Maison revient aux fondamentaux : une mode alternative, servie par une formule viable. Une approche anti show off, des objectifs qui ne se dispersent pas. Le studio fait moins, mais de mieux en mieux. A la sortie des défilés, c'est celui-ci qui revenait sur toutes les lèvres…
Dior joue le surréalisme sur toute la ligne
C’est en équilibre entre rêve et réalité, entre imagination et réalisation, que Maria Grazia Chiuri, a mené ses recherches et ses travaux d’exploration. Par des jeux de lignes en trompe-l'oeil et noir & banc, elle a déployé une collection intemporelle, d'une élégance troublante. Le soir-même dans les Jardins du Musée Rodin, après les licornes de 2017, les thèmes chers à Christian Dior - le bal, le surréalisme et les arts divinatoires - s'incarnaient en jeu d'échecs géant. A l'entrée, l'esquisse d'une colombe était projetée sur la façade du Musée. Une fois le hall traversé et le Baiser dépassé, il fallait parcourir un immense jeu d'échec - une réussite pour le coup - pour accéder à la fête. Reine, Roi, Cheval ou Fou, à chacun de se positionner. Comme en toutes choses dans la vie… En guise de tickets de vestiaire, des dés "magiques". Au micro pour un showcase exclusif, Willow Smith. Partout lorsque l'on évoluait parmi les convives anonymes ou super-connus mais masqués, on croisait des visages qu'on tentait de décrypter, vite happés par un serveur en tenue Magritte - du costume au maquillage - offrant des cartes à jouer en chocolat blanc, à dévorer. Le bal - une soirée électro en réalité - était glamour et animé, l'événement où il fallait voir et être vu, l'air de ne pas y toucher, sans bouder son plaisir, l'excitation à peine déguisée. Un masque, et le tour était joué...
Chanel glorifie les jeunes filles en fleurs
C’est dans un décor de bosquet entouré d'une galerie en treillage sur lequel grimpaient roses, lierre et jasmin, avec en son centre une fontaine, que Karl Lagerfeld a convié ses invités. Coiffes fleuries, voilettes printanières, bottines à talons transparents en tweed, c'était une collection, mais c'était une éclosion.
Viktor & Rolf jouent velours sur du satin
Des entrelacs de rubans de satin : la collection du duo néerlandais, pour une fois, était « portable » de la première la dernière silhouette. Ceux qui nous avaient habitués aux silhouettes spectaculaires, aux statements sublimes mais parfois conceptuels, ont opté cette saison pour une élégance plus classique, qui rappelait toutefois l'esthétique du Fantôme de l'Opéra. On ne se refait pas.
Jean-Paul Gaultier rend hommage à Pierre Cardin
Dans un univers psychédélique à la Oompa Loompa, Jean-Paul Gaultier, toujours dans les thèmes ethniques qui lui sont chers, a rendu hommage à Pierre Cardin, présent dans la salle. Pour le designer star qui reste une icône dans le coeur du public, la Couture matérialise une jubilation évidente à jouer les trublions. Il a arrêté le prêt-à-porter, mais ses collections constituent toujours l'un des points d'orgue des défilés.
Giambattista Valli décline une féerie entre rose clair et rose froncé
Pour les amoureuses de robes de princesses : Giambattista Valli déploie l'ampleur de son talent, mêle les univers de la danse et de la séduction fétish, avec grâce, un entrechat, et puis revient.
Alexandre Vauthier célèbre les grandes années 80
Grâce à des über-épaulettes, et des drapés de cuir ajustés. Avec Bella Hadid en figure de proue, le designer évolue dans son style, et s'inscrit dans une lignée d'adorateurs des femmes fortes et sexy, comme Gaultier avant lui.