An Vandevorst et Filip Arickx célèbrent cette année les vingt ans de leur Maison. Dans la nef de l’Oratoire du Louvre, lieu spirituel comme leurs collections incarnées en cuir et en soie, ils ont resculpté à l’occasion de la semaine de la Haute Couture la sensualité d’une allure sportive, l’apaisement paradoxal des coupes militaires, les fausses candeurs virginales de leur œuvre de tissu.
40 silhouettes emblématiques, issues des 40 saisons de la Maison. Aucune pièce n’a pris la moindre ride. Vue à l’aulne d’une séduction contemporaine, on (re)découvre ALWAYS + FOREVER, une rétrospective comme une émotion, presque une tendresse, la justesse d’une mode affûtée dans son interprétation d’une femme assertive à l’esprit souple comme une toile de parachute. Chaque chapitre de ce défilé A.F. Vandevorst racontait une histoire subtile comme leurs superpositions. Chaque silhouette était brodée de son année de création, et une « fiche produit » était agrafée au tissu. En guide de maquillage, l’immense make-up artiste belge Inge Grognard avait dessiné, comme au feutre, des sourires exagérés. Et dans la salle, tout le monde souriait aux ange. On peut connaître des créateurs par leur travail, mais c’est par la peau qu’on les rencontre. An et Filip sont de ces faiseurs de mode qui nourrissent le langage universel, en ajoutant des mots à notre vocabulaire émotionnel. Ils disent : « La mode, ce n’est pas l’avenir, c’est le présent. » Le passé de leurs collections nous a toujours projeté vers demain.
Pour célébrer cet anniversaire – une belle longévité de mode – ils sortent parallèlement chez Cannibal Publishing, un livre titré ENDE NEU, comme la contraction du nom du groupe allemand de musique industrielle Einstürzende Neubauten. Un statement rock, qui signifie « renouvellement dans la continuité ».
Dans cet ouvrage encore, An Vandevorst et Filip Arickx ont rassemblé les plus belles images de leurs plus belles collections – elles le sont toutes – pour faire le point, de départ. Pour Filip, « c’est un voyage introspectif que nous n’avions pas prévu nous-même, et qui nous a été proposé par les éditeurs. Au début, nous ne pensions pas avoir le temps de nous y impliquer en profondeur, alors ils se sont plongés dans nos archives, au bureau, pendant trois jours. Nous avons regardé le résultat, attentivement, et nous avons réalisé que nous possédions de meilleures images. Les souvenirs remontaient, et c’était sans doute leur objectif de départ. » Le couple a choisi de travailler avec le graphiste qui les suit depuis dix ans, et qui connaît parfaitement leur esthétique. « Maintenant que nous avons le livre en main, nous revisitons chaque histoire de chaque collection, et on réalise le chemin parcouru. Jusqu’ici, je ne m’étais jamais vraiment retourné vers le passé ». Les témoignages de leurs amis les ont touchés, parfois surpris par leur côté laudatif : ce n’était pas le but recherché.
An ajoute : « ce n’était pas un appel à superlatifs, on attendait un ancrage humain, des anecdotes sur notre parcours. Ensuite, chacun partage ce qu’il ressent. Après le défilé haute couture qui a été un succès, nous savons que nous avons fait les bons choix ». Comme un métronome tout au long de cette rétrospective en émotions et en photos, les déclarations d’amis chers du métier, qui les admirent et les soutiennent, ponctuent ce retour sur histoires de coton, de cuir et de soie. Sarah Mower, Dries Van Noten, Walter Van Beirendonck, Linda Loppa, Caroline de Maigret, Nicole Phelps, Suzy Menkes, Stephen Jones, Mario Testino, Didier Grumbach, Tim Blanks. De leurs mots à eux, pour ouvrir de nouveaux chapitres, les designers-amoureux expliquent leurs intentions, leurs inspirations. An témoigne : « On a réalisé à quel point nos vies professionnelles et privées étaient tissées ensemble ». Filip se rappelle : « An m’a appris que sans beauté, personne ne peut vivre ». On sera accompagné, longtemps encore, par la leur, notamment grâce à ce livre gainé de tissu est doublé d’espoir. « Les A.F », comme on les appelle tendrement, se renouvellent, la mode continue…
Film du final (et la photo d’ouverture) : Mathieu Ridelle
Plus d’images : Catwalk Pictures / Etienne Tordoir