Alors que, du « New York Post » au manifeste subversif signé par Li Edelkoort, des éditorialistes titrent « Fashion is Dead », on finit par se demander : est-ce que la mode va mal ? Rassurez-vous : elle vit la transition la plus importante de son histoire, mais elle n’a jamais déployé autant d’énergie.
Entre multiplication de jeunes marques, réflexions à propos du développement durable de l’industrie et engouement exponentiel sur les réseaux sociaux, la mode reflète, comme elle l’a toujours fait, les -questionnements de la société. Dans un contexte de fashion weeks où les défilés se -chevauchent à un rythme soutenu, les défilés homme, un peu plus tôt dans la saison, donnaient un autre indicateur de l’état de la mode : elle se rationalise, sans perdre en créativité. Ce qu’on voit défiler chez les garçons, c’est ce qu’ils porteront dans la rue. Un nouvel espace de liberté pour la mode ? Le masculin, c’est le territoire à prendre, avec un marché en explosion. La jeunesse est inventive, les maisons d’expérience apprennent de l’évolution du métier. L’avenir de la mode, ce sera donc l’écologie, la conscience, l’Homme… et un désir tout neuf qui émerge dans tous les -secteurs. Plus que jamais, la mode a besoin de tout le monde. Cinq -créateurs, majeurs ou émergents, nous confient leur vision de l’avenir.
Olivier Theyskens
Il a toujours développé une relation singulière, intense et sensuelle au vêtement. Un travail lié à la poésie, à l’Histoire et à la modernité. Attaché à sa liberté, le créateur précoce vit la mode à son rythme propre et développe sa maison indépendante à un rythme humain. Directeur artistique de Rochas à 25 ans, de Nina Ricci à 29 ans, puis de Theory à 35 ans, il garde son calme dans une tempête de créativité.
« L’accélération du rythme de la mode ouvre des opportunités »
« Beaucoup de gens s’inquiètent de l’accélération du rythme de la mode, de la multiplication des produits, en parallèle avec la précipitation globale du monde. Moi, j’y vois une opportunité positive : ça invite certaines marques à se positionner dans une nouvelle stabilité, sans céder au rythme effréné. Cette accélération génère aussi une réflexion autour des enjeux écologiques. On réévalue l’accès à la mode et ça rend la période très intéressante. Le secteur n’a pas évolué de manière aussi forte depuis les années 60. Les années 2000 somnolaient un peu et maintenant, on assiste à la naissance d’une nouvelle ère. Les maisons qui produisent en conscience, en privilégiant la qualité, se démarquent. Je constate aussi que la couture connaît un nouvel élan, que je n’avais pas anticipé, grâce à un public qui aime l’art et les belles choses. Cette énergie neuve se tourne vers l’artisanat haut de gamme, c’est bon signe pour l’avenir. D’autre part, j’ai eu l’occasion de visiter plusieurs écoles de mode récemment et j’ai observé une nouvelle typologie d’étudiants, moins intéressés par la création pure et plus par les métiers satellites, la gestion, l’encadrement. La création devient une discipline complète, et c’est un autre indicateur encourageant. »