Lutz Huelle

Formé à Saint Martins, Lutz Huelle a fondé sa marque en 2000, après trois années chez Martin Margiela. Pour sa marque au succès exponentiel, Lutz dessine tout lui-même. Ses vêtements classiques, démontés et réinventés créent un langage innovant et interpellent le regard, avec leurs différents niveaux de lecture. À sa manière, Lutz crée des trompe-l’œil, mais dit la vérité au cœur. C’est le surréaliste le plus rationnel de la mode contemporaine.

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« Les choses sont en train d’évoluer de façon extrême… C’est le début d’une nouvelle ère »

« Nous vivons un moment très intéressant. Les choses sont en train d’évoluer de façon extrême. ça fait longtemps qu’on n’a pas senti émerger quelque chose d’aussi fort. Il y a toujours eu un décalage entre l’image glaciale des présentations des maisons et la réalité des gens. Une image distanciée, nourrie de l’élitisme du public de la mode. Maintenant que cette mode s’adresse au grand public, elle est devenue réelle, et c’est très positif. Aujourd’hui, on montre des collections ancrées dans le quotidien et non plus dans une vision idéalisée d’un corps ou d’un âge parfait. Mais il ne faut pas déduire de cette démocratisation que le mass-market est une vertu du système : au contraire, il a détruit la valeur des vêtements. Les gens pensent aujourd’hui que le prix de la fast-fashion, c’est le prix normal. Mais la mode, ce n’est pas seulement assembler des pièces de tissu. C’est une réflexion, une coupe, l’expérience de savoir comment les matières vont bouger et tomber. C’est un processus holistique. Et quand un vêtement est très peu cher, on oublie tout ça. Parallèlement, et c’est un bon signe, on assiste à une autre démocratisation : celle des identités dans la mode. Il y a beaucoup plus de possibilités en matière de création. Nous assistons à l’un de ces moments dans la mode comme il y en a déjà eu, par exemple au début des années 90, où tout explose, où tout est à réinventer. Actuellement, l’ouverture est similaire. Les gens ne veulent plus qu’on leur impose des diktats, ils sont prêts à changer, à adopter une mode différente. C’est le début d’une nouvelle ère. Moi, je n’ai jamais compris que l’on dise que tout a déjà été inventé : c’est un non-sens, puisque la mode évolue avec la société. Parfois à pas lents, parfois à pas de géant. C’est le cas aujourd’hui, et je le sens depuis longtemps. Il faut faire évoluer les vestiaires. L’engouement massif pour le sportswear est passionnant : nous avons besoin de vêtements qui nous habillent et nous permettent d’être actifs. Le luxe, ça n’a jamais été l’oisiveté, mais des pièces de qualité qui nous accompagnent à chaque moment de la vie : quand on court, quand on voyage, quand on s’anime. C’est en train d’arriver et c’est une grande période de potentiel. Dire que la mode n’est plus que copies est non seulement simpliste, mais faux. La mode passe en même temps que le temps passe. Demain sera encore différent… »