Il représentait l’âge d’or des Maisons de Coutures, quand c’étaient encore des entreprises indépendantes, menées par la personne qui les avait créées, et avant qu’on n’appelle les couturiers des “directeurs artistiques”. A 91 ans, Hubert de Givenchy a rejoint Audrey Hepburn, à qui il venait de consacrer une émouvante exposition.

Il était né dans une famille de la noblesse française. Hubert James Marcel dit comte Taffin de Givenchy avait trouvé sa voie grâce à Cristóbal Balenciaga. En 1947, âgé de 20 ans, il était devenu le premier assistant d’Elsa Schiaparelli, puis directeur artistique de la boutique. Cinq ans plus tard, il fondait sa propre maison de couture.

En 2016, Hubert de Givenchy avait collaboré à l’exposition “To Audrey With Love”, à La Haye. Présent pour l’inauguration, il avait commencé par dire son émotion. La dernière fois qu’il est venu à La Haye, c’était en 1989, également pour un vernissage exposition à propos de sa maison, mais à l’époque, en compagnie d’Audrey.

En 1954, Audrey avait 25 ans, elle préparait le tournage du film Sabrina. Pour ses costumes, comment en toute chose, elle savait exactement ce qu’elle voulait : être habillée par la maison Givenchy. Elle avait pris rendez-vous avec le couturier, qui ne comprit pas bien son nom, et attendit Catherine Hepburn. “Arrive une jeune fille pétillante. Elle voulait que je l’habille pour toutes les scènes du film, mais je n’avais pas le temps pour assurer toute une garde-robe. Elle a insisté, m’a invité à dîner. Elle a payé l’addition, ce qui à l’époque, était très inhabituel pour une jeune fille bien élevée. C’est au cours de ce dîner que nous nous sommes découverts. Je lui ai demandé de revenir le lendemain à la maison de couture, pour voir ce qu’on lui trouverait. Nous étions, un indéfectiblement, tombés en amitié. »

Audrey, avec sa légèreté de danseuse virevoltait dans la boutique, voulait tout, se projetait dans telle robe dans les bras d’Humphrey Bogart. Hubert se défendit de ne pas disposer d’assez du couturière pour répondre à ses demandes, elle insista, il dit oui à tout. « Nous avons basculé dans une « Love affaire » platonique. J’ai bien fait de lui céder, car elle a changé les critères de beauté des icônes hollywoodiennes. Un style gracile émergeait. » À la suite du succès de Sabrina, à chaque contrat signé avec les grands studios, Audrey faisait mentionner Hubert de Givenchy comme son couturier attitré. Grâce à lui, elle incarnait la femme contemporaine. Audrey Hepburn, entre les mains de Hubert de Givenchy, devint le visage de la mode parisienne, le comble de l’avant-garde. Avec son ami de cœur, elle sera la plus loyale des loyales. « Notre relation n’a été qu’un enchantement. Du premier au dernier jour. Nous avons travaillé dans la joie et le bonheur, ça été une époque formidable. » Monsieur le Givenchy l’accompagnait partout sur les plateaux, de Rome à Broadway. « Notre amitié devenait de plus en plus intimée fervente. J’étais là pour son mariage, pour la naissance de ses enfants. »

Bouleversant d’amour-amitié inébranlable, le vieux monsieur installé derrière ce pupitre il y a presque deux années de cela était toujours le jeune homme qui adorait une actrice gracile de toutes ses forces. Lors de ses missions pour l’Unicef, pour qui elle oeuvrait activement, elle prenait beaucoup de risques. Elle se déplaçait dans des pays dangereux, elle volait à bord de petits avions parfois bringuebalant. Elle était confrontée à la misère, à la tristesse, à la maladie : “je suis certain que ça joue sur sa santé. Si vous regardez les photos, plus elle accomplissait ce travail miraculeux, plus son visage se creusait. Lorsqu’elle revenait de mission humanitaire et qu’elle en témoignait à la télévision, je lui faisais des T-shirts de soie, rien que pour elle. Elle me disait : « ces petits morceaux de toi me protègent. » » Quelques grammes de tissu assemblé par Hubert, et Audrey pouvait affronter la guerre. Il n’était qu’intimité et connexion, et lorsque le téléphone sonnait, il savait si c’était elle. Audrey disait juste « c’est pour te dire que je t’aime. » Lors de cette conférence de presse, presque deux heures durant, il n’aura parlé que d’elle. Mais dans ses mots, son émotion, ses souvenirs et sa vérité, Hubert de Givenchy n’aurait pu mieux se raconter. En 1995, deux après la disparition d’Audrey, il avait quitté sa maison de Couture. Mais sa mode restera pour un moment dans l’inconscient de plusieurs nouvelles générations de créateurs.