GIVE ME 5 PROD
Le rap, une passion qui fait vibrer bien des adolescents (et pas que)! Inscrit depuis bien longtemps dans le mouvement hip-hop, DeparOne, activiste Bruxellois de 37 ans, se fait connaître grâce à son label “Give Me 5” et rassemble une communauté de plus de 70 000 personnes sur sa chaîne YouTube. Retour sur son parcours…
- Depuis quand date ton implication dans le mouvement hip-hop en Belgique? Et comment as-tu atterris dans le monde de YouTube?
“C’était en 1995. J’ai commencé par la rencontre de plusieurs artistes urbains, qui faisaient des fresques sur les murs de Bruxelles, il s’agissait de beaux dessins, et non de vandalisme. J’ai également fait la rencontre de plusieurs rappeurs belges, essentiellement, et en 2005, j’ai commencé à réaliser des mixtapes sur des supports CD, qui regroupaient différents artistes belges, dans un premier temps. J’ai ensuite travaillé avec des artistes francophones à travers le monde. Vers 2009, je me suis intéressé à la vidéo et c’est dans le courant de cette année-là que j’ai ouvert ma chaîne YouTube car j’avais compris que l’air d’Internet avait pris le dessus et que c’était le moyen le plus efficace de se faire connaître. A l’heure actuelle, j’ai mis en place plusieurs concepts vidéo qui a fait que ma chaîne accumule maintenant plus de 70 000 abonnés et comptabilise environ 38 millions de vues, toutes vidéos confondues.”
- “DeparOne”, on imagine bien que ce n’est pas ton vrai nom et qu’il s’agit d’un blase que tu t’es attribué. Quelle est l’origine de ce surnom?
“C’est tout simple en fait; les lettres me plaisaient énormément niveau graffiti. Ce surnom a pris sens par la suite, puisqu’il fait référence à l’ancienneté que j’ai dans le milieu du hip-hop en Belgique. Étant donné que j’ai perduré assez longtemps au sein du mouvement, je peux dire que je suis là depuis le départ.”
- Explique-nous un peu le concept de ton label “Give Me 5”. Quand l’as-tu créé et pourquoi avoir choisi ce nom-là?
“En 2008, cela faisait déjà 3 ans que je faisais des mixtapes de rap belge. Dans les compilations, les gens disaient souvent préférer seulement 4 ou 5 morceaux. Du coup, j’ai essayé de concentrer la qualité dans un nouveau projet qui était de faire des CD de 5 titres. J’essayais de trouver directement les 5 morceaux qui allaient percuter les gens. Le premier CD 5 titres sous le label Give Me 5 est sorti donc en 2008, et regroupait des artistes comme Convok, ou encore Stromae, qui avant d’être une star internationale faisait du rap ici à Bruxelles.
Pourquoi le nom “Give Me 5”? Le chiffre 5, c’était une évidence puisque à l’époque, on vendait les mixtapes à 5€/pièce pour 5 titres. “Give Me 5″, c’est une expression qui, à la base, vient du milieu du Basketball, dont je faisais partie aussi à l’époque. Je trouvais le nom assez accrocheur et universel, aussi un peu fédérateur, qui a le pouvoir de réunir les gens. Quand tu marches dans la rue avec un t-shirt « Give Me 5 », que ce soit en Turquie, aux Etats-unis, ou partout dans le monde, les gens sont intrigués par le slogan et ont envie de venir t’en taper 5. C’est vraiment le but de ce label: pouvoir réunir les gens de manière positive autour d’une même passion.”
- Au sein de ton label, tu as crée un nouveau concept qui s’appelle “la Poignée de Punchlines”. En quoi consiste-t-il?
“Pendant tout un temps, je tournais en rond avec mes freestyles: j’allais à la rencontre des rappeurs pour les filmer, je mettais une petite musique, et eux rappaient dessus avec des textes qu’ils avaient déjà conçu au préalable. Avec le concept des poignées de punchlines, j’ai voulu créer une interaction avec le public qui me suit sur les réseaux sociaux.
Par exemple, je présente un artiste connu ou pas, et je propose aux internautes d’écrire une liste de mots dans les commentaires. L’artiste se voit imposer 20 mots qui sont plus farfelus les uns que les autres. Ce sont des mots qu’on utiliserait pas du tout dans un texte de rap, qui ont des codes bien spécifiques. L’artiste doit, à ce moment-là, enregistrer et écrire un texte en incorporant ces 20 mots. Ce qui est intéressant, c’est qu’on sort des codes et des convenances avec ces nouveaux mots qu’on a jamais entendu dans le rap, et que le rappeur doit aussi aller à la recherche de la signification de ces mots pour en faire des rimes et écrire un texte cohérent. Ça permet d’enrichir le vocabulaire de chacun, et du coup redorer un peu le texte du rappeur car on dit souvent que le rap, c’est utiliser des mots crus, vulgaires et misogynes. Là, non ! On essaye justement de casser ce jugement et d’apporter quelque chose de plus intellectuel au texte, malgré que le rappeur peut le tourner vraiment à sa sauce, que ce soit avec de la dérision ou de l’humour.”
- On sait qu’il est assez compliqué de se faire connaître sur YouTube, et que le succès n’est pas éternel. Comment appréhendes-tu ton avenir sur YouTube?
“J’ai eu la chance de connaître l’âge d’or de YouTube, où les vues fusaient à foison. Maintenant, suite au conflit interne entre Facebook et YouTube, Facebook a lui aussi créé son propre lecteur de vidéos. Ils ont donc tendance à filtrer un maximum les liens YouTube sur le fil d’actualité. Ils privilégient les vidéos qui sont téléchargées sur leur plateforme. Par conséquent, la visibilité YouTube a diminué. Mais pour ma part tous mes abonnés sont informés par e-mail lorsqu’une vidéo sort sur ma chaîne.
Comment je vois mon avenir sur YouTube? Et bien je vais continuer à faire ce que je fais depuis toutes ces années. Je suis un grand passionné et mon but premier est de faire découvrir des talents donc, que les vues suivent ou pas, je veux pouvoir offrir une visibilité à des rappeurs qui en ont peu ou pas du tout. Un de mes objectifs est également d’informer mes abonnés sur ce qu’il se passe un peu dans le monde du rap en dehors des têtes d’affiches qui explosent les scores actuellement dans les médias. J’aimerais souligner aussi que tous les artistes belges du moment comme Roméo Elvis ou Caballero, dont on parle énormément, sont tous à un moment donné passés par Give Me 5. J’ai cette fierté de les avoir mis en lumière un peu avant que tous les médias ne s’y intéressent.
Je vois l’avenir sur YouTube comme je l’ai toujours vu, c’est-à-dire de continuer à être productif et de proposer un maximum de talents et de vidéos sur ma chaîne.”
- YouTube, tu considères ça comme un vrai métier?
“Personnellement, je n’ai jamais considéré YouTube comme mon métier. C’est quelque chose que je fais en dehors de mon boulot actuel, donc je n’en vis pas exclusivement. Maintenant, je pense qu’il y a pas mal de youtubeurs qui arrivent à vivre plus que bien de leurs monétisations sur la plateforme. C’est sûre que pour le youtubeur qui produit et crée lui-même ses vidéos chaque jour ou chaque semaine, c’est un boulot à plein temps qui peut rapporter pas mal.”
- Depuis quelques années, les nouveaux médias prennent une place énorme dans la société actuelle. Vois-tu la vidéo comme l’avenir de l’info?
“Je dirais plutôt que les réseaux sont l’avenir de l’info, et du divertissement aussi, dans le sens où la télé est regardée de moins en moins, ce qui n’est pas une surprise. On est tous finalement obnubilé par les réseaux sociaux, que ce soit pour s’informer ou dans le but de s’amuser. Je préfère, comme sûrement la majorité des personnes, m’informer grâce à Internet, notamment YouTube, que d’attendre l’envoyé spécial du vendredi. Aujourd’hui, on a accès à tout, partout et quand on veut sur Internet, donc pour moi, c’est certain que ces médias ont presque complètement remplacé les anciens!”
- Des futurs projets?
“Je viens de sortir au mois de décembre l’application “Give Me 5” que l’on peut retrouver sur iOS pour iPhone et sur Google Play pour les appareils androïdes. C’est tout nouveau, tout frais! On y retrouve toutes mes vidéos qui sont sur ma chaîne YouTube. Les gens peuvent donc les regarder sur leur smartphone sans passer par la plateforme, et peuvent créer leur propre vidéo freestyle par eux-mêmes. Lorsque la vidéo est prête, exportée et partagée sur les réseaux sociaux, elle apparaît directement avec le logo “Give Me 5” en bas de l’écran. Afin de découvrir de nouveaux talents, j’ai mis en place une banque de mots sur l’application pour que les gens créent leur propre “Poignée de Punchlines”, et permettre à tout le monde de s’essayer à l’exercice.”