De la rue au podium, et retour
La question de la tenue « adéquate » s’ajoute à la révolte de toute une frange de la population à propos du sexisme répandu. Charlotte Ledent, sexologue et psychothérapeute, observe que « le phénomène #metoo et #balancetonporc a généré beaucoup de questionnements qui ont été exprimés en séances de thérapie. Certains jours, 100 % de mes patientes avaient besoin d’en parler. C’était un déferlement. Cette problématique sociologique a remué et réveillé énormément de choses, notamment la conscience du harcèlement distillé au quotidien, et auquel beaucoup de femmes sont tellement « habituées » qu’elles décident -consciemment ou pas- d’y prêter moins attention. Ce focus médiatique a aussi fait remonter à la surface, chez certaines patientes, des traumatismes enfouis, plus anciens. Ce que cela change, de porter ces questions au grand jour, c’est que la parole libérée impacte la conscience. Est-ce que cela a modifié leur façon de s’habiller ? Je ne sais pas. En revanche, en tant que femme, je constate qu’à certains endroits, les femmes semblent se sentir plus libres de porter ce qu’elles veulent. C’est le cas à Londres par exemple, et une de mes patientes anglaises m’a confirmé être moins importunée dans la rue là-bas. Malheureusement, où que l’on se trouve, il existe une adaptation des comportements à notre environnement. Là où une femme perçoit une réaction oppressante à sa liberté de s’habiller, elle peut réagir en la restreignant. Or, c’est cette liberté qui devrait être protégée ». Raphaëlle, 42 ans, productrice artistique, ne cède rien à sa liberté vestimentaire : « Je pense que moins les femmes auront peur et moins elles seront harcelées, et plus elles assumeront leurs actes comme leur apparence. Personnellement plus j’assume ma féminité, plus je mets du rouge à lèvres et des talons hauts, moins je me laisse marcher sur les pieds ! Dans la rue j’observe d’ailleurs un vrai changement ces dernières années. Mini-shorts jambes nues, crop tops laissant dévoiler le ventre, décolletés plongeants… Les jeunes filles d’aujourd’hui s’autorisent beaucoup plus de choses que celles de ma génération. Elles assument notamment le fait de ne pas avoir un corps qui correspondent aux critères de la mode, de la pub ou de la presse féminine… Passé un premier réflexe conditionné « wow, c’est un peu too much », je trouve ça finalement courageux et très très positif. En cela, elles font vraiment avancer la cause de leurs contemporaines et mènent un vrai combat, probablement sans le savoir, contre les effets sur certaines femmes de la résurgence d’une forme d’obscurantisme. » Pour la saison à venir, et c’est généralisé à toutes les marques, on observe dans la mode une tendance à valoriser une attitude naturelle, avec des coupes et des motifs colorés, joyeux et floraux, des transparences et des longueurs variables, du long fluide au très échancré : les mots d’ordre restent donc manifestement – et heureusement « variété et liberté ».