Quand les femmes se restreignent elles-mêmes
Liberté certes, mais il reste que souvent, on ne s’habille pas de la même façon selon l’heure, le lieu, et sa culture. Si des marques proposant des tenues religieuses «à la mode» et des «voiles branchés» ont récemment généré autant d’attention que de discussions philosophiques, en Belgique, le phénomène reste niche. En revanche dans le vestiaire commun, des questions de choix peuvent se poser au quotidien, pour tout le monde, de la rue au travail. Vanig, qui est aussi juriste et résolument féministe, choisit dans le cadre de son activité professionnelle de se fondre dans les codes de sa fonction : «Je ne choisis pas mes propres tenues dans un esprit de revendication féministe, même si c’est clairement ma sensibilité. Je ne m’habille pas du tout sexy dans le cadre de mon environnement professionnel, parce que depuis que j’ai commencé à travailler, à 23 ans, parmi une vingtaine d’hommes entre deux âges, j’ai compris que si je voulais qu’on m’écoute, mon look devait rester discret. J’évite encore d’attirer l’attention sur autre chose que sur ce que j’ai à dire. Pas de mini jupe, une coiffure simple, peu de maquillage. Lors du premier jour de mon premier job, la première remarque qui m’a été adressée concernait mes jambes. Et nous étions dans un cabinet d’avocats ! Le fait que je choisisse délibérément de m’habiller low profile est une conséquence de mon contexte professionnel, mais ce n’est pas du tout un parti pris philosophique. En privé, je fais ce que je veux, même si le soir à Bruxelles, je sors plutôt couverte quand je sais que je vais rentrer tard, pour éviter les ennuis. J’ai arrêté de porter des jupes pour me balader en ville quand j’avais 20 ans. En revanche, lorsque je pars en vacances en Espagne, je porte exactement ce qui me fait plaisir, et ça inclut des shorts courts. Ce que je souhaiterais pour la génération de mes filles, c’est qu’elles puissent se vêtir comme elles le veulent, attirer l’attention si ça leur fait plaisir, sans risquer le moindre problème. C’est ça, mon idéal féministe.» La question de la liberté individuelle, ici matérialisée dans les choix vestimentaires, dépasse évidemment les étagères de nos placards : elle s’analyse par réalités sociales, se détermine à travers nos histoires singulières. La mode, c’est le rapport au corps, à nos revendications. Le regard des autres en doublure, notre éducation fixée à l’ourlet. Et le courage d’habiller l’actualité, en faisant, ou non, dans la dentelle.