On connaît surtout des fashion weeks d'Amérique du Nord celle de New York, ville « grande soeur » de Montréal. Fashion Preview n'est pas à proprement parler une « semaine de la mode », mais une expérience de 3 jours où les talents québécois défilent et se dévoilent. C'est stimulant, et instructif.
Chaque saison, Fashion Preview présente la fabuleuse énergie créative montréalaise, grâce à l'initiative d'Emanuela Lolli, Italienne qui a vécu à Paris, travaillé dans la mode, et qui estime que la nouvelle génération de designers québécois mérite un efficace coup de projecteur. Car le Canada souffre encore souvent du « syndrome belge », qui fait que la réussite de ses artistes et créateurs les rattachent souvent dans l'opinion publique "au gros pays juste en dessous" : non, Jason Wu, Patrick Cox, Rad Hourani, Lululemon ou Erdem ne sont pas des Maison américaines ou britanniques. Elles sont canadiennes.
Lors de Fashion Preview, des écoles de mode montrent le savoir-faire de leurs étudiants qui défilent (comme La Cambre ou l'Académie d'Anvers en juin chez nous), et des marques installées ou émergentes présentent leurs futures collections. Comme lors d'une fashion week traditionnelle – or il n'en existe plus à Montréal – les acheteurs peuvent y faire leur sélection, et la presse internationale se régaler à l'avance des talents qui déferleront, on le leur souhaite, bientôt sur les podiums de Paris ou New York.
Si on devait caractériser le style des créateurs montréalais, par comparaison avec la recherche d'avant-garde parisienne ou l'élégance baroque milanaise, le sens pratique de l'épure new-yorkaise ou l'exubérance londonienne, on parlerait « d'incarné ». Du pratique, du confortable, du rationnel. Et une attention soutenue à la dimension écologique de la production.
Le Collège Lasalle est la grande école de mode québécoise. Les élèves avaient choisi de décliner le thème des signes du zodiaque, pour un show très pro et dynamique, aux collections fondées sur la réflexion à propos de la construction-déconstruction du vêtement, et de la notion de théâtralité de la mode comme moyen d'expression. Une présentation pleine d'humour aussi, signe que la jeunesse aborde le futur de l'industrie du textile avec le recul nécessaire :
La jeune Maison Markantoine a présenté un défilé aux accents gothiques pour clubbers. L'une des étoiles québécoise montantes, à garder à l'oeil. L'artiste montréalaise Annie Sama a offert une magnifique performance live, nous reviendrons sur elle prochainement :
Chez Naïke, marque easy luxury de sportwear urbain (pardon, pardon le Québec tout entier pour les anglicismes!), les pièces étaient servies par des coupes laissant libre de ses mouvements, sans trahir l'élégance :
Le chausseur Diego Montefusco a présenté des accessoires pour hommes, en cuir italien arc-en-ciel. Un peu de couleurs et de culot dans l'univers du soulier de luxe, ça fait du bien :
Parallèlement à Fashion Preview, cette semaine montréalaise consacrée à la mode a également mis en avant des maisons à la créativité qui ne demande qu'à séduire l'Europe*, à l'instar de Søsken, dessinée depuis 2015 par Marisa Minicucci, styliste célèbre au Québec. Du Nord de l'Amérique à celui d'Anvers, elle crée de beaux liens, avec une ligne de vêtements d'extérieur (« rain chic ») pensés pour être superposés, démontés, faire du sport, séduire. Comme elle dit : « on soigne son look, puis il se met à pleuvoir, et on fait quoi ? » Eh bien, on enfile un imper qui peut aussi servir de robe, une cape qu'on resserre grâce à de nombreuses attaches élastiques, on ajuste, on empièce, pour affronter les changements de météo au cours d'une même journée. Ça vous dit quelque chose ? Avec ces matières déperlantes et respirantes, on comprend une réalité transversale de Knokke… à Montréal.
Last but not least (pardon, pardon la francophonie Nord Américaine), Di Carlo Couture * se fera une joie de vous poster Outre-Atlantique une robe de mariée – il y en 8 dans la collection capsule disponible en ligne - avec broderies et perlages, pour celles qui rêvent du style de robes des films où Jennifer Aniston se marie.
*soutenues par Export Québec
Enfin, rappelons-nous que même si les grandes enseignes américaines sont emblématiques à New York, sont fabriqués à Montréal les 2/3 des costumes et sous-vêtements griffés Calvin Klein, Ralph Lauren, Tommy Hilfiger, grâce à une tradition manufactorière qui mérite d'être explorée et exportée.
La prochaine édition de Fashion Preview aura lieu en octobre 2018 : la vieille Europe y croise le Nouveau Monde, et on a intérêt à lever les yeux vers le Nord.
Photos : Mathieu Ridelle