En Belgique, l'IVG est toujours considérée comme un délit. On se dit que c'est complètement absurde, on se demande ce qui prend autant de temps... Et puis on comprend à quel point le sujet est politique. La dépénalisation totale de l'avortement, ce n'est pourtant pas «que» symbolique. En cinq arguments, on vous explique pourquoi c'est important.
Sept sur dix: c'est le nombre de Belges qui ignorent que l'avortement reste un délit chez nous. Le chiffre vient d'un sondage du Centre d'action laïque. Il a été publié la semaine dernière et depuis, on a entendu parler de lui... Entre les ministres qui se prononcent en faveur de la dépénalisation de l'IVG et les marches «pour la vie», le débat est (re)lancé. A la rédac, on n'a pas mis longtemps à se décider. La sortie de l'avortement du Code pénal, ça nous semble tout simplement logique. Mais encore? Pourquoi on est pour?
Parce que l'interdit pénal entraîne l'interdit moral. Pénaliser une pratique, c'est la rendre taboue, honteuse. Encore aujourd'hui en Belgique, des femmes se font culpabiliser lorsqu'elles décident d'avorter. Si des BD ou des comptes Insta sont entièrement dédiés à ce sujet, ce n'est pas un hasard. Il faut en parler, changer le regard de la société et ça passe aussi par une dépénalisation totale de l'IVG.
Parce qu'un retour en arrière est toujours possible. «N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant». La citation de Simone de Beauvoir a plus de trente ans et pourtant, elle est toujours d'actu. Il suffit de penser aux States ou à la Pologne pour le comprendre... Dépénaliser totalement l'avortement, c'est un signal fort. L'IVG doit être un droit et non un délit, c'est un minimum.
Parce que la pénalisation entraîne des avortement clandestins. Big news: ce n'est pas parce qu'on interdit une pratique qu'elle disparaît. Dans les pays qui durcissent les conditions d'accès à l'IVG, les avortements clandestins augmentent. Ce qui entraîne évidemment des risques pour la santé des femmes, personne n'a envie de recourir aux cintres... Chez nous, entre 400 et 500 femmes se rendent chaque année aux Pays-Bas lorsque le délai des 12 semaines est dépassé. Et en 2015, Pierre Verbeeren (le directeur général de Médecins du Monde) appelait déjà les institutions de l'UE à garantir l'accès sans réserve à l'interruption de grossesse. Le but? Eviter les avortement clandestins qui, oui, ont encore lieu en Belgique.
Parce que «dépénalisation» ne signifie pas «banalisation». C'est le grand argument des opposants: la dépénalisation entraînerait une série de dérives. Et pourtant, une autorisation plus large ne veut pas dire que tout sera permis pour autant, les avortements à 8 mois de grossesse ou l'IVG comme moyen de contraception. L'idée ici, c'est simplement d'autoriser les femmes à disposer de leur corps librement. On peut dépénaliser ET miser sur l'information et l'éducation. L'un n'empêche pas l'autre.
Parce qu'il est temps que ça bouge. Si la Belgique est avant-gardiste sur des sujets comme l'euthanasie ou le mariage gay, elle est encore en retard pour l'avortement. Cela fait presque 30 ans que rien n'a bougé. En 1990, la loi belge sur l'avortement était promulguée. Elle indique que la femme enceinte doit être en "situation de détresse" pour demander une IVG... Depuis, rien n'a changé alors que la médecine et la société, elles, ont évolué. D'après l'étude du Centre d'action laïque, 75% des Belges sont d'ailleurs pour la sortie de l'avortement du Code pénal. Interviewée par la Première ce matin, Karine Lalieux, la députée fédérale socialiste, a dénoncé une loi archaïque: «Aujourd’hui, l’avortement est un délit, une infraction, qui culpabilise la femme. On ne lui donne pas la liberté de choix, ni la liberté de disposer de son corps. Or, il y a un consensus social et nous avons une majorité au parlement pour faire sortir l’IVG du Code pénal. Nous demandons juste de pouvoir travailler en toute liberté». A suivre.