Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh /  Photo : Etienne Tordoir / Catwalk Pictures


Jean-Pierre Blanc
est le fondateur de ce Festival de l’avant-garde. En 2017, il y a ajouté aux volets « mode » et « photo » une nouvelle section « accessoires », mais pour pouvoir continuer cette mission d’utilité publique (la création, c’est le vecteur d’évolution d’une société), il souligne depuis plusieurs éditions son besoin de soutien en termes de moyens. Sans quoi, le Festival d’Hyères, ses rencontres uniques au monde, ses tremplins décisifs pour les jeunes designers et photographes, ses concerts exclusifs, ses performances et ses gariguettes sont menacées : « La créativité est plus importante que la subversion. On assiste à l’émergence d’une nouvelle génération, plus intéressante, qui cultive la subversion avec intelligence. Glenn Martens, avec Y/Project, incarne une forme de renouveau. Il casse les codes, les fait évoluer, il propose quelque chose de neuf. Dans les dernières collections présentées lors des fashion weeks à Paris, on perçoit beaucoup d’enthousiasme, du courage dans la mode. Depuis plusieurs années, en raison de la noirceur ambiante, le vrai renouveau, c’est une envie palpable de faire la fête. On développe une sensualité nouvelle, un besoin de libération et d’expression du corps, qui se lie avec la mode. La période que nous vivons m’étonne ; c’est comme un retour à la fin des années 70, début des années 80. Il y a des circuits alternatifs qui permettent de ne pas être récupéré immédiatement. Un défilé de mode, ça n’est pas incontournable. La subversion, c’est d’abord savoir s’affranchir des règles. Moi les règles, c’est tout ce que je déteste, et je ne suis pas le seul. C’est la vie, de repousser les cadres, plus encore en matière de création. Cette envie de fête et de sexe fait partie de cette pulsion de renouvellement que j’observe dans la nouvelle génération. Le naturisme par exemple, peut être perçu comme une subversion. Alors qu’on nous rebat les oreilles de bio, de nature, de primitivisme, le naturisme qui se répand actuellement jusque dans les villes, reste un acte alternatif. C’est logique : les oppositions culturelles ont toujours généré de la peur. Ce sont les sociétés les plus riches qui doivent développer les libertés. Via les réseaux sociaux et Internet, et globalement la libération de la communication, les jeunes peuvent échanger entre communautés. Mais la subversion n’est pas l’apanage de la jeunesse : elle fait partie de la vie, de la joie, de l’amour. Il y a des choix complexes que l’on fait jeune, sans recul et c’est une chance, sinon on hésiterait. La jeunesse pousse au culot, mais plus tard, on pose d’autres choix, qui peuvent changer la société (…) Les autres manifestations prestigieuses de mode disposent de moyens beaucoup plus élevés. Nous, nous restons dans une forme de réalité. Je n’aime pas faire de la communication pour la communication, du spectacle pour du spectacle. On accompagne des jeunes, c’est un engagement sérieux. On les guide, on reste à leur côté. Nous menons une mission d’utilité publique culturelle. Nous ne faisons pas que de l’image. Et si nous étions plus aidés, nous pourrions le faire toute l’année, et pas uniquement sur le temps du festival. Mais ça n’a jamais été possible. Ces choses-là se décident dans des dîners en ville, et nous sommes installés en province. Cette mission, la colonne vertébrale de notre organisation depuis 33 ans, plus de la moitié de ma vie. Alors qu’on pourrait avoir la charge du suivi, du soutien des jeunes créateurs en français en Europe, nous ne l’avons pas. Nous avons besoin d’un État qui soit ouvert, et qui défriche la voie ».