Elle venait de remonter sur scène après deux ans d’absence due à des problèmes de santé (une opération des cordes vocales en 2016, et des problèmes de dos qui l’empêchaient de savourer ce qu’elle préférait : “se perdre dans un cri de gospel” et “toucher le ciel” – pour citer les paroles de “Différente quand je chante”).
D’abord à l’Inc’Rock Festival jeudi dernier (le 3 mai), puis à la Fête de l’Iris dimanche (la veille de sa mort !), sur la Grand-Place de Bruxelles. Dans les deux cas, c’était pour rendre hommage à Brel, son idole de toujours (son prochain disque – le douzième – devait d’ailleurs être un “tribute” au Grand Jacques – comme pour boucler la boucle)… Pour rappel Claude Luypaerts (son vrai nom) avait débuté sa carrière en chantant “Quand on a que l’amour” (et le reste) : lors d’un spectacle en compagnie de Philippe Lafontaine (“Jacques Brel en mille temps”), il y a quasiment 40 ans (1979). C’est au cours de ce show que la jeune Verviétoise (née à Ixelles en 1960) se fera repérer par Pierre Barouh (le “chabadabada” d’“Un homme et une femme”, c’est lui), qui produira ses premiers 45 tours.
https://youtu.be/_CSTlcevM1o
C’est à ce moment-là que Claude Maurane (son premier nom de scène) se fait – timidement – connaître du public… Avant d’enchaîner comme choriste (pour Lafontaine, Viktor Lazlo ou encore Jo Lemaire) au début des années 80, puis finalement comme chanteuse de front avec son album “Danser” en 1986… La consécration arrive avec “Starmania” en 1988 (elle y joue Marie-Jeanne), avant le carton plein de son deuxième album solo l’année suivante (et ses tubes à gogo). Elle entame donc la décennie suivante en pleine possession de ses moyens (cette voix, grave mais limpide, qui lui permet de tout chanter, du jazz de papa à la variète la plus radiophonique), bosse avec les plus grands (dont l’immense Jean-Claude Vannier), et se retrouve sur tous les plateaux de télé à partager (souvent) le micro en duo, l’une de ses spécialités. C’est bien simple : on dirait qu’ils ont toutes et tous, de Zazie à Céline Dion, chanté avec Maurane… Jusqu’à ce dimanche donc, où la star donnait une ultime fois le change à la jeune Typh Barrow, sur “La Chanson des vieux amants” de Brel – encore.
Mais Maurane ce n’était pas seulement une grande voix : c’était aussi une sacrée grande gueule. Un bagout qui faisaient marrer les uns et irritaient les autres, surtout quand son caquet se voyait amplifié par la petite lucarne ou les réseaux sociaux – dont la chanteuse était devenue une adepte forcenée. Tweeteuse sans filtre, Maurane n’hésitait jamais à rembarrer le troll qui s’en prenait à sa musique ou, pire, à son physique… Parfois avec humour, parfois moins : tout dépendait de son humeur.
On se souvient également de cette saillie plus drôle que maladroite lors d’un prime de The Voice Belgique, au cours duquel Maurane twitta, concernant la prestation d’une (pauvre) candidate : c’est la “Vanessa Paradis de chez Zeeman”. L’internaute se bidonne, moins son manager, qui décide de confisquer son petit oiseau bleu à sa star en roue libre. Alors voilà. On ne peut pas dire que les derniers albums de Maurane aient changé quoi que ce soit à la chanson française. On ne dira pas non plus que son franc-parler faisait mouche à chaque coup. On retiendra d’abord l’interprète, la chanteuse de jazz, l’amoureuse de Brel et de Nougaro, un groove certain et une “gniak” qui faisaient plaisir à voir. Et si “Le paradis c’est l’enfer“, on lui souhaite d’y brûler de mille feux.