« Elle a tout le temps la banane ! J’ai de la chance, c’est une enfant super facile », raconte Julie* en couvant du regard le bébé à côté d’elle. Sa petite fille de 7 mois, Alicia, dort paisiblement dans une chambre rose bonbon. Habillée tout de noir, la mère, elle, fait le tour du propriétaire. Ici, une cuisine moderne, là, une salle de bains et un salon cosy, et dehors, un grand parc avec des chèvres et des lapins fluffy. « Il a fallu un peu de temps pour que je prenne mes marques, mais aujourd’hui je me sens enfin chez moi », confie- t-elle. Pour le moment, elle habite seule dans cet appart’ avec sa fille mais il pourrait accueillir trois autres femmes : des mamans toxicomanes qui veulent se soigner, tout en gardant leurs enfants près d’elles. C’est ce que propose le service Kangourou de l’asbl Trempoline, une communauté thérapeutique pour personnes dépendantes, à Charleroi. Julie y est depuis janvier. C’est en cellule qu’elle a entendu parler de ce programme résidentiel un peu particulier.
« À 18 ans, j’ai fait plusieurs mauvaises rencontres. Je suis tombée amoureuse d’un garçon qui consommait de la drogue et puis d’un autre qui en vendait. Des années plus tard, lorsque je me suis rendu compte que j’étais enceinte, j’étais déjà à deux mois et demi de grossesse. À l’époque, je pensais avorter. J’étais toxicomane et SDF. Mais mon mec et moi, on était recherchés par les autorités et on a atterri derrière les barreaux. Aujourd’hui, je remercie la police parce que c’est ce qui m’a sauvée. J’ai suivi un traitement à la méthadone** et j’ai accouché en prison. Lorsqu’on a posé le bébé sur moi, je me suis dit que je devais tout arrêter. J’ai eu de la chance, ma mère a pu venir me tenir la main pendant le travail. Ça faisait treize ans que je n’avais plus de contact avec ma famille ». Le premier mois n’est pas évident pour la maman, elle ne peut voir sa fille qu’une heure, trois fois par semaine. Alicia naît en état de manque et elle doit être sevrée. Aujourd’hui, elle va bien et Julie tente de se reconstruire à ses côtés. Elle affirme d’ailleurs qu’elle n’aurait pas eu le courage de se soigner si elle avait dû se séparer de son bébé.
* Les prénoms des mamans et des enfants mentionnés dans cet article ont été modifiés par souci d’anonymat.
** La méthadone est un opiacé de synthèse utilisé notamment dans le traitement de la dépendance à l’héroïne. Elle permet aux personnes toxicomanes d’arrêter de se droguer sans ressentir les signes du manque et de réduire les risques liés à leur consommation.