Le schéma est pourtant bien ancré. 

Aux States, un projet de loi du Kentucky veut même donner automatiquement le statut d’« enfant maltraité » aux bébés dépendants nés de mères toxicomanes. Il y a plus léger comme bagage à recevoir à la naissance… Le but ? Permettre au système judiciaire d’accélérer les processus d’adoption. Chez nous, on se la joue plus cool. S’il y a vingt ans, les bébés étaient souvent retirés à leur maman, c’est le cas par cas qui s’applique aujourd’hui. Le bien-être de l’enfant prime mais on estime souvent que le maintien du lien est bénéfique pour les deux côtés. « Au début, je n’osais pas parler de mon addiction, j’avais peur qu’on me prenne mon fils. Et dans notre société, les mères sont plus durement jugées que les pères. Lorsque mes parents ont été au courant, ils m’ont insultée et ils ont appelé le SAJ, le service de l’aide à la jeunesse. Heureusement, j’ai été autorisée à garder Maxime », raconte Sonia. 

Son but, c’est d’arrêter la coke pour de bon, même si elle ne garantit pas qu’elle ne recraquera pas. Elle sait que les rechutes font partie du processus mais qu’une guérison est possible. C’est d’ailleurs la philosophie de l’asbl Trempoline et de son programme Kangourou dont Julie bénéficie. « Certains pensent que la toxicomanie est une maladie chronique. Nous, on estime que chaque personne dépendante peut se rétablir, qu’elle a le droit de s’en sortir », affirme le directeur de l’association, Christophe Thoreau. « Arrêter de se droguer, en soi, ce n’est pas compliqué. En une semaine, les symptômes de la dépendance physique à l’héroïne peuvent disparaître. L’alcool, ça prend beaucoup plus de temps par exemple. Ce qui est difficile en revanche, c’est d’avoir du plaisir sans consommer, d’envisager sa vie et ses problèmes sans produits. Un système de récompense s’est installé, le corps est marqué à vie. » 

Dans le centre, on mise à fond sur la responsabilité. 

Les « résidents », comme on les appelle ici, retrouvent un rythme de vie alors que leur existence était centrée autour de la recherche de drogue. Ce sont eux aussi qui font tourner la maison. L’entretien du parc, les commandes des repas, la cuisine, les petits travaux, ils gèrent ! Certains ont d’ailleurs les clés de la camionnette de l’assos. Pour les mères venues se soigner avec leurs enfants, même constat. Entre deux sessions de thérapie, les mamans établissent les menus, se rendent aux consultations ONE, vont chercher leur bébé à la crèche… Et gérer de front ces deux aspects, la dépendance et la parentalité, c’est loin d’être easy. 

Autre spécificité de Trempoline : 30 % de l’équipe est composée d’« ex ». Des anciens toxicomanes mais surtout des « experts en expériences ». « Ce sont des gens qui sont passés par l’asbl et qui ont fait des études pour venir bosser ici », explique le directeur. « Ils ont une sensibilité particulière, ils connaissent le programme et surtout, ils prouvent aux autres que c’est possible de s’en sortir. Ce n’est pas le Club Med évidemment, ça demande énormément d’efforts. Mais s’il y a de l’amour, au sens large du terme, et un cadre, c’est faisable. » Et ça, c’est une réalité trop souvent oubliée, un message qu’il faut absolument propager. À faire passer.