L’Irlande reste l’un des pays d’Europe les plus répressifs en matière d’IVG. Ici, l’avortement est toujours illégal, même après un viol. Comment expliquer une présence si importante de militants pro-life? Retour sur la question, à quelques jours d’un référendum qui pourrait changer la donne.
Le 25 mai, l’Irlande entrera peut-être dans l’histoire… Et dans la modernité by the way. Vendredi, tout le pays votera pour décider si oui ou non, le 8ème amendement de la Constitution sera abrogé. Traduisez: l’IVG pourrait enfin être dépénalisé. Pour l’instant, il n’est permis que s’il y a un risque vital pour la mère. Les femmes ne peuvent donc pas avorter après avoir été violées, si leur enfant est atteint d’une pathologie incurable, ou si ce n’est pas le bon moment, tout simplement. Les médecins, ou toute autre personne qui les aiderait, risquent d’ailleurs 14 ans de prison. On ne rigole pas avec la loi.
Résultat? Des Irlandaises enceintes de bébés non viables sont forcées de continuer leur grossesse, certaines mettent leur santé en danger à cause de pilules abortives achetées sur le net comme on s’offre un plaid et d’autres filent en Angleterre. Chaque année, elles sont 3500 à passer la frontière et à se délester d’un bon millier d’euros. En Irlande, c’est légal de se rendre à l’étranger pour avorter depuis 1992. Mais le pays refuse toujours, plus de 25 ans après, de légiférer. Hypocrite vous avez dit?
Mais tout pourrait bientôt changer… Ou pas. Depuis que le référendum a été annoncé, les deux camps s’affrontent et tout est bon pour faire changer les autres de direction. Du côté des pro-life, on fait du porte-à-porte avec un foetus rose en plastique et les étudiants suivent des «media trainings». Le but? Entraîner les jeunes à répondre aux questions des journalistes. Ici, on parle d’«industrie de l’avortement» et on fait bien attention à systématiquement remplacer le mot «foetus» par «bébé».
Le débat dure depuis des dizaines d’années et ce n’est pas un hasard. Si l’Irlande est aussi fermée sur la question, c’est évidemment en partie à cause de la religion. D’après le recensement de 2016, 78,3% des citoyens se déclarent catholiques. «La majorité de nos écoles sont la propriété de l’Église catholique. Nous nous battons pour qu’il y ait une vraie séparation entre l’éducation et l’Église. La plupart des Irlandais ont été dans des écoles catholiques où on leur a répété durant toute leur éducation: ‘Tuer un foetus, c’est comme tuer un bébé’» explique à Twenty Magazine Ailbhe Smyth, une ancienne universitaire à la tête de la plus grande coalition pro-choice du pays, Repeal the Eight. «Et ce travail doit être aussi mené auprès de nos hôpitaux, car beaucoup d’entre eux sont dirigés par l’ordre religieux.»
D’après un sondage réalisé pour le Sunday Independent, 45% des électeurs seraient favorables à une légalisation de l’avortement. 34% sont contre et 18% sont encore indécis. Nous, on est pour, forcément. On vous expliquait déjà pourquoi l’IVG doit sortir du Code pénal en Belgique et les arguments s’appliquent ici aussi… Go!