Thierry Maxime Loriot, qui se définit à juste titre comme un conteur, est le curateur de cette exposition « d ‘art portable ». Viktor&Rolf l’appellent leur « Fée Clochette ». Sans doute parce qu’il a parcouru un quart de siècle de création en quelques coups d’ailes, avant de saupoudrer sa sélection de magie. Pour lui, « la leçon de cette exposition, c’est qu’il faut croire en ses rêves. On peut venir, comme Viktor et Rolf, d’un petit village des Pays Bas, et marquer son époque : ils sont des trésors nationaux hollandais ! Leur approche singulière de la mode, et la révolution qu’elle a induite, est comparable à celle de Coco Chanel, de Martin Margiela, de Rei Kawakubo. C’est à sa capacité de bouleverser les codes qu’on voit la différence entre un « styliste » et un « créateur ». Cette exposition est destinée à éduquer, et à inspirer. Viktor&Rolf sont des rôle models pour n’importe qui dans l’art : l’approche d’une robe Haute Couture sous leur regard devient une opportunité unique d’apprendre sur notre époque, un héritage ».
Thierry Maxime Loriot connaît bien les histoires de la mode : lui-même est un personnage romanesque. Etudiant en archi à Montréal, en 1998, il se fait repérer dans la rue par une directrice de casting. S’envole pour Paris, rencontrer Mario Testino qui cherche un mannequin pour une campagne Burberry avec Kate Moss. Thierry Maxime, jet-lagué, s’endort sur un banc dans le studio photo. Il est réveillé par un homme qui lui demande ce qu’il fait là. Le jeune répond qu’il attend Monsieur “Testoni”. Il ne connaît pas encore les codes, mais il possède déjà la manière. Le monsieur du couloir, Testino lui-même vous l’aviez deviné depuis au moins deux phrases, le booke, et lance ainsi une carrière de dix belles années de mannequinat pour ce garçon cultivé et féru d’histoire. Un jeune homme observateur, qui s’intéresse à ses contemporains et nourrit sa curiosité avec la conscience que parfois, les questions sont plus importantes que les réponses. C’est ainsi qu’il descend des catwalks, pour guider nos pas dans les salles dédiées à la mode de musées, et décrypter aux visiteurs dans quelle mesure la mode raconte la sociologie d’une époque bien au-delà des questions de collections.
Ce milieu, il le connaît intimement : « c’est super d’étudier la mode, mais il demeure une réalité, qu’on ne peut appréhender que lorsqu’on l’a vécue, ne serait-ce que pour respecter le travail des autres. » Après avoir organisé la désormais légendaire exposition Jean-Paul Gaultier, qui a tourné pendant dix ans sur tous les continents et affiche la plus spectaculaire longévité pour une expo de mode (12 villes et 2 millions de visiteurs!), il a initié cette rétrospective de l’oeuvre de Viktor&Rolf en neuf mois, suite à une rencontre dans un restaurant. « Ils développent une authenticité sincère par rapport à la créativité. Leur mode ne suit pas la mode, et ils ont inventé de nouvelles règles. Ils ont dessiné des robes victoriennes conceptuelles à l’époque où l’on rejetait le glamour, à l’apogée de Martin Margiela et d’Helmut Lang. Il y a une singularité dans leur travail, ils nous livrent un dialogue unique dans la mode. Viktor&Rolf ont ouvert la voie à des créateurs comme Iris Van Herpen, par exemple. En outre, c’est toujours un privilège de collaborer avec des artistes vivants ». En pleine forme même, et toujours déterminés, à poursuivre leur construction vestimentaire, curieuse et décalée, d’art contemporain.
Viktor & Rolf Fashion Artists 25 years
Jusqu’au 30 septembre au Kunsthal de Rotterdam : www.kunsthal.nl