Pourquoi sommes-nous si riches en… bizarreries ?
« En raison de votre chaos ! Un désavantage à de nombreux égards, mais tout est d’une complexité exquise en Belgique. Votre pays est officiellement trilingue et compte une kyrielle de ministères, régions et autres communautés. Vive les lourdeurs administratives ! Un nombre incroyable de bâtiments (publics) se détériorent et tombent ainsi dans l’oubli, pour la simple raison que personne ne sait à qui incombe la responsabilité de les entretenir. Avant même qu’on s’en rende compte, ils se seront transformés en capsules temporelles qu’on déterrera dans soixante ans. Ajoutez à cela que votre histoire aime les mélodrames. J’ai vécu dix ans aux Pays-Bas, mais j’ai trouvé ce pays affreusement ennuyeux : plus rien à découvrir, tout est documenté et des règles pour tout. J’habite depuis vingt ans en Belgique et je ne m’ennuie jamais. »
Entre-temps, nous sommes arrivés au Parc de Bruxelles, le cœur battant de la capitale et de l’Union européenne. Un endroit où l’on ne s’attend pas à sortir des sentiers battus, n’est-ce pas ? Raté ! Nous passons devant le Théâtre Royal, puis Derek m’entraîne vers une galerie couverte de toute beauté. Il s’agit du magnifique complexe du Waux-Hall, qui accueillait au dix-huitième siècle des pièces de théâtre en plein air. Au cours des dernières décennies, le lieu a été muré et a servi de parking jusqu’à sa restauration il y a quelques années. Une belle initiative même si tout le monde semble ignorer sa fonction d’origine et s’il n’a toujours pas reçu de nouvelle affectation.
Changement de style après les boiseries classiques et les lustres romantiques pour faire place à des blocs de béton par-ci par-là : le bunker antiatomique (tenu secret) enfoui sous la place Royale. Construit en 1938, il est relié par des tunnels au Parlement et au Palais royal, histoire de sauver ce petit monde en cas de bombardements allemands…
« Difficile de trouver plus belge. La plupart des Bruxellois ignorent son existence ! Imaginez que la Belgique possède 36 étages avec le Manneken-Pis au rez-de-chaussée, la majorité des Belges au -3 et moi au -7, ça vous donne une idée des nombreux étages qu’il reste à explorer ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’éprouve tant de difficultés à m’arrêter. Savez-vous par exemple qu’au troisième niveau du parking souterrain du palais de justice d’Anvers, on trouve encore des vestiges des murs de la cité du Moyen-Âge ? Quelqu’un s’est mis en tête d’y ouvrir un mini-musée avec des animaux empaillés et des squelettes : c’est tellement dingue que les mots me manquent ! »
Je dois avouer que je n’avais encore jamais entendu parler d’un musée dans un parking, d’un bunker antiatomique sous un parc magnifique, ni d’un atelier rempli d’imitations d’œuvres d’art. Un message à retenir ? « Les Belges sous-estiment souvent les atouts de leur pays. Il règne un certain chaos en Belgique, certes, mais cette confusion est inévitable avec une telle richesse culturelle et historique sur un territoire relativement restreint. Il ne se passe pas deux heures sans qu’un fait illogique se produise, d’où mon réflexe de survie. Laissez-vous emporter par cette folie, suivez le mouvement de ce pays et vous vous rendrez vite compte que vous commencez à vous amuser ! »
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Traduction : virginie·dupont·sprl/Relecture : Grégory Escouflaire
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